Père tué, frère en prison : UNE VIE DIFFICILE

 » L’aventure que je vis n’est pas drôle tous les jours « , dit Patrick Dimbala.  » Je suis arrivé en Belgique à l’âge de 9 ans avec ma mère, mes trois frères et mes deux s£urs. Nous avons fui le Congo dans la précipitation et débarqué ici en tant que réfugiés politiques. Je ne dois pas vous faire un dessin : c’est très dur et cela ne s’oublie pas du jour au lendemain. Nous avons longtemps attendu mon père, avant de comprendre que nous ne le reverrions plus jamais : il était opposant de Mobutu Sese Seko dans un Congo en pleine guerre et on l’a supprimé. Nous ne savons ni où, ni quand, ni comment. Une mère sans moyens qui doit s’occuper de six enfants, ce n’est évidemment pas rose tous les jours. Mais elle a été magnifique, admirable dans la difficulté. Elle s’est toujours défoncée pour que nous ne manquions de rien. Elle a cumulé deux rôles : celui du père en même temps que celui de la mère « .

 » Je suis un grand angoissé, je flippe pour un rien. Je dors toujours avec la lumière allumée dans ma chambre. Si j’éteins, j’ai peur. Vous avez envie de rigoler ? Venez voir un film d’horreur au cinéma avec moi. Mes réactions de panique vous feront plus rire que le film. Je crie plus fort que les femmes. Je suis comme ça. Je n’arrive pas à être sûr de moi dans la durée. J’ai des périodes où je me sens mieux, mais elles sont généralement assez courtes. A Gand, ils l’avaient remarqué directement et ils m’avaient obligé à fréquenter un psychologue. Je devais lui expliquer ce que j’avais fait aux entraînements, comment je me sentais, etc. Une fois que je m’étais confié, il m’encourageait à croire en moi. Je n’ai jamais été convaincu de l’efficacité de cette méthode. C’était à moi de réagir, pas à une personne extérieure. Je me laissais abattre pour un rien. Le week-end, j’étais persuadé que ma place était sur le terrain, nulle part ailleurs. Quand je ne jouais pas, j’explosais dans les couloirs au lieu de me défoncer encore plus à l’entraînement. Cela ne plaisait évidemment pas à mes coaches et je me suis ainsi enterré tout seul. Mais je pense avoir tiré les bonnes leçons de mes excès « .

 » Ce qui arrive aujourd’hui à mon frère de 19 ans, Fabrice, c’est mon grand drame. En janvier de cette année, il a été condamné à 13 ans de prison. Il faisait partie d’une bande en région bruxelloise et la justice ne l’a pas raté. Ce qu’on lui reproche donne froid dans le dos : tentatives de meurtre, viols collectifs, association de malfaiteurs. Je sais évidemment que Fabrice n’est pas un enfant de ch£ur : on ne prend pas 13 ans quand on n’a rien fait. Mais il ne méritait certainement pas une peine pareille. On lui reproche d’être le chef de la bande alors que tous les autres gars ont 25 ou 26 ans. Comment un jeune de 19 ans pourrait-il manipuler des types plus âgés que lui ? Je suis tombé des nues quand j’ai appris ce qu’on lui reprochait. Je ne savais pas qu’il… fréquentait des infréquentables. Si j’avais été au courant de ce qu’il faisait quand il quittait la maison, je lui aurais mis une patate (sic). Malheureusement, il n’y a que trois ans d’écart entre nous et je n’ai jamais ressenti le besoin de me mettre dans la peau d’un guide pour lui ; je le considérais plus comme un bon copain. Il jouait super bien au foot, en plus. Il était considéré comme un des grands espoirs d’Alost quand j’étais en équipe Première de ce club et je rêvais de former un jour un duo de frères Dimbala comme il y avait les Mpenza. Il était plus fort et plus technique que moi.

La presse flamande et un quotidien francophone ne m’ont pas loupé le lendemain de la condamnation de Fabrice : on a écrit en lettres grasses que c’était le frère de Patrick Dimbala, footballeur de D1. Photos à l’appui. Où est l’intérêt ? Ces articles m’ont anéanti. Mais j’ai repris le dessus et je continuerai à me battre. Je paye les frais de justice pour mon frère et nous allons en appel. Il est impossible qu’il reste autant d’années en prison. Je vais le voir chaque semaine à Saint-Gilles : il faut un courage phénoménal pour tenir le coup dans un environnement pareil. Moi, je ne pourrais sans doute pas. Je veux croire en l’appel, mais si sa peine est confirmée, il ne nous restera plus qu’à mettre son sort entre les mains de Dieu « .

 » Cela dit, je me trouve plus calme, plus raisonné aujourd’hui. Si j’avais vécu, à Gand, les problèmes que je rencontre aujourd’hui, j’aurais carrément pété les plombs. Ici, je parviens à me contenir « .

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