Père et fils Brogno

Dante, entraîneur de Tubize, recevait son fils Loris, attaquant de Lommel.

« C’est au premier, Lolo. Prends l’ascenseur, pour ne pas te faire mal.  » La scène se passe au sortir des vestiaires. Devant les quelques journalistes à qui il vient d’exprimer tout le mal qu’il pensait de son équipe, Dante Brogno charrie gentiment son fils. Sans conviction. Le coeur n’y est pas. Loris, même s’il n’a participé que très partiellement à la victoire des siens, repart tout de même à Lommel avec trois points que son père aurait bien ajoutés à ses drôles de statistiques : depuis le début de saison, Tubize se troue systématiquement à domicile. Deux points sur 21, un bilan squelettique heureusement contrebalancé par de bonnes prestations en déplacement. Sale atmosphère dans le vestiaire, plus d’une heure après la fin des hostilités. Un cinglant  » Je vous le dis moi, je ne m’accroche pas à mon job « , perce à travers les murs, dans la bouche d’un Dante manifestement partagé entre lassitude et colère. Rétroactes.

 » Allô, Dante, ça vous fait quoi d’affronter votre fils ? Est-ce qu’une partie de vous serait contente qu’il plante un but ? », demandait-on la veille de Tubize-Lommel à l’ancien dribbleur fou du Sporting de Charleroi.  » Je pourrais être heureux pour lui uniquement s’il met le but de l’honneur alors qu’on mène 4-0 « , souriait Dante Brogno, qui ferait bien, vu la tournure prise par les événements, de changer de boule de cristal.

Samedi soir. Sur le parking, quelques supporters locaux chantent  » Lommel, l’omelette ! », et on sent qu’on ne sera pas venu pour rien. Même si Loris Brogno, incertain, ne débute pas la partie.  » Si Lommel est mené, il montera. C’est leur atour offensif numéro 1 « , nous confie un confrère. Ouf. Pourvu que le FC Tubize assure. Ce qu’il fait d’ailleurs. Pendant un petit quart d’heure totalement à l’avantage d’une équipe locale séduisante et dominatrice. Sur le banc, Dante commente tout.  » Il doit crier et se rouler par terre pendant 30 secondes là, et c’est jaune ! «  Nerveux. Stressé. Clairvoyant. Puis un peu dégoûté par la tournure prise par les événements : bien organisés, les joueurs de Lommel laissent passer l’orage, changent le cours du match et finissent par planter trois buts aux Sangs et Or.

Dante rêvait de 4-0. Annoncé par le speaker local comme s’il jouait à domicile, Loris monte à cinq minutes de la fin. Et aurait justement pu le planter ce quatrième pion. Ironie.  » Allez Brogno, essaie de faire mieux que ton père ! « , crient des supporters excédés. En face, la cinquantaine de fans lommelois y va gaiement de sa petite moquerie :  » Brogno, Brogno, Brogno…  » C’est aussi ça le risque, quand on s’affronte entre père et fils. En cinq minutes, le gamin n’a pas l’occasion de montrer grand-chose, si ce n’est sa capacité à se faire découper en deux par le plus rugueux des défenseurs locaux. On se demande ce qui se passe alors dans la tête du papa, au moment où la faucheuse se met en marche…

 » C’est spécial de jouer contre l’équipe de son père. Il n’y a pas vraiment de mot pour exprimer ça. Mais quand on doit prendre des points, on ne se fait pas de cadeau. C’est comme quand j’affronte des amis : sur le terrain, c’est chacun pour soi. On s’est charrié toute la semaine, on en a beaucoup rigolé. Et forcément, c’est moi qui vais pouvoir mettre le paquet cette semaine « , nous raconte après coup Loris Brogno. Quant à savoir ce que sa maman et sa soeur allaient en penser… Heureuses pour le fils ou déçues pour le père ?  » Je verrai ça sur leur visage en haut, quand je monterai à la buvette.  » C’est au premier, donc…

GUY VERSTRAETEN – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Allez Brogno, essaie de faire mieux que ton père ! « 

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