Perce-neige

Le gaucher du Mambourg sait qu’il faudra rentrer des points pour finir l’hiver au chaud.

Le premier tour du championnat n’aura pas laissé un grand souvenir à DaryuoshYazdani: il était loin le soliste qui, la saison passée, se distinguait souvent sur le flanc gauche des Zèbres. Au lieu de confirmer, l’international iranien crispa son jeu, ne signa plus beaucoup de raids et de dribbles décisifs.

L’homme est intelligent et il mesure que l’heure sera à la relance jusqu’à la fin de la saison. Il lui suffit de jeter un regard sur le classement des Zèbres pour mesurer que son club ne roule vraiment pas sur l’or. « Ce sera dur mais je n’imagine pas Charleroi en D2. », dit-il. « Je me battrai de toutes mes forces pour qu’il n’en soit pas ainsi. Ce groupe a plus d’atouts que ses adversaires directs dans la lutte pour le maintien mais il ne faut pas oublier que des joueurs importants sont partis en fin de saison passée ».

Yazdani fait référence à Sergio Rojas, Darko Pivaljevic, Daniel Camuset Bertin Tokene. A la finition, Eduardo tire son épingle du jeu mais cela ne suffit pas. Kolotilko n’a pas marqué son territoire et Lisasi Boeka est encore en phase d’intégration. Important quand on constate que les Carolos gaspillent pas mal de cartouches avant de trouer les filets adverses. « Par rapport à la génération présente, cela fait un paquet d’expérience en moins. Je suis persuadé que ce groupe a assez d’arguments pour mériter une huitième ou une neuvième place. Il faut toutefois du temps pour construire du nouveau, surtout quand on n’a pas le petit brin de chance qui peut faire la différence. Il y a une arrivée massive de jeunes joueurs dans tous les secteurs de l’équipe. C’est intéressant mais ils ne deviendront pas des piliers de l’équipe du jour au lendemain. Il faudra encore deux ou trois ans avant que ces nombreux gamins ne deviennent des valeurs sures de l’élite. Quand ce sera fait, Charleroi sera paré pour l’avenir. En attendant, nous payons la facture de cette mise en place d’un nouveau groupe ».

Ailes coupées?

La saison passée, Yazdani emportait tout sur son tapis volant. « Charleroi avait un système tactique quasiment immuable: 3-5-2. », rappelle le dribbleur iranien. « Je jouissais de la confiance d’ Enzo Scifo. Mais il pouvait être très strict à mon égard. J’avais mon secteur d’activité et il n’était pas question que je me promène ailleurs. Scifo me l’a dit plusieurs fois: – Ta place, c’est à gauche et c’est cela où tu voles dans la tribune. C’était clair, chacun connaissait son boulot et cela a créé des automatismes. Le départ de Sergio Rojas a posé des problèmes. Sa réussite à Grenoble ne m’étonne pas du tout. L’Argentin est un joueur très intelligent. Il lit bien le jeu et je le trouvais les yeux fermés. Pivaljevic savait surgir aussi au bon moment. Il ne reste plus qu’Eduardo de l’ancienne division offensive. Nous nous sommes cherchés. Daniel Camus était le véritable patron de la ligne médiane car il avait de la présence. Le Bruxellois ratissait le jeu, récupérait beaucoup de ballons, encourageait tout le monde, parlait et réveillait. Thibaut Detal sera un grand médian défensif mais on ne peut lui demander de déjà hurler à la manière de Daniel Camus. Tout se met petit à petit en place ».

Ce ne fut pas aussi simple que cette dernière phrase pourrait le faire croire. EtienneDelangre avait hérité d’un véritable chantier. Tout était à refaire. Yazdani garde un bon souvenir du coach liégeois mais souligne ses voyages sur l’échiquier: « Il fallait chercher, parer à des blessures, et j’ai été mis à toutes sauces. J’étais dans l’axe, à droite, soutien d’attaque: j’y ai perdu mon latin. C’était très dur à vivre. Je n’avais plus d’automatismes. Enzo Scifo m’avait dit un jour que je lui faisais penser à BixenteLizarazu. Cela me fit plaisir mais quelques mois plus tard, la donne avait changé. Je n’aime pas perdre et quand cela ne tourne pas, un joueur souffre moralement. Je n’en veux pas à Etienne Delangre. Je l’appréciais comme homme et je lui souhaite bonne chance pour son avenir ».

Dante Brogno prit le gouvernail de ce Titanic carolo. C’était tout sauf la Croisière s’amuse. Charleroi prit des icebergs en plein nez mais les Zèbres colmatèrent petit à petit les voies d’eau et s’activèrent dans la salle des machines. La météo reste mauvaise mais les hommes de quart ont désormais l’oeil un peu plus pétillant. Brogno hésita aussi dans ses plans de voyage. Il changea de cap et, aujourd’hui, il n’utilise plus son sextant que pour stabiliser son 4-4-2. Charleroi et Yazdani savent ce qui les attend. Aprèssix mois de galère, l’Iranien devra être le perce-neige des Carolos. Dans les équilibres offensifs, beaucoup dépendra de sa production sur le flanc gauche où se manifeste aussi Christopher Fernandez. La saison passée, Charleroi avait des ailes: Yazdani à gauche, Grégory Dufer à droite. Elles ont été coupées. Ces deux flèches n’ont plus le même rendement que la saison passée. N’est-ce pas aussi une des raisons de l’effacement carolo? L’apport de LaurentMacquet et de Thibaut Detal repoussera chaque ailier dans sa zone d’activité préférée.

Restera, restera pas?

Yazdani s’est longuement entretenu avec Dante Brogno et a reçu l’assurance de jouer à gauche. Est-ce pour cela que le sourire est revenu sur ses lèvres? Pourtant, l’Iranien avait eu droit à un savon en janvier. Il rentra avec quelques jours de retard après les vacances de fin d’année en Iran. A l’aéroport de Téhéran, il fut prié de donner des explications aux douaniers. « Je ne savais pas que j’avais un homonyme: même nom de famille, même prénom, même âge, même lieu de naissance », raconte Yazdani. « Il n’y avait qu’une différence de deux chiffres sur les cartes d’identité. Même si on me connaissait en tant que joueur, il fallait procéder à des vérifications car mon homonyme était militaire et avait déserté en emportant des papiers avec lui. Je n’ai pas été arrêté mais j’ai dû me procurer de nouvelles légitimations et cela m’a pris quelques jours ».

Le contrat de Yazdani s’achève en fin de saison. Quelles sont ses intentions? Prolongera-t-il son séjour à Charleroi où, en pleine crise, d’aucuns abîmèrent sa voiture et sonnèrent intempestivement chez lui? N’avait-il pas déjà été cité en France la saison passée? Après avoir joué un an au Bayer Leverkusen en 1998-99, a-t-il envie de découvrir un troisième pays européen? « Pour l’instant, il n’y a qu’une chose qui m’intéresse: Charleroi », souligne le gentil joueur iranien. A 25 ans, Yazdani a tout l’avenir devant lui. Il a mieux réussi en Belgique que Mohammad Reza Mahdavi (qui joue désormais à Sepahan, club de Esfehan, en tête de la D1 iranienne) ou Ali Reza Emamifar qui avait été victime d’une fracture de la jambe la saison passée.

Tout comme Emamifar, Yazdani se débrouille très bien en français. La situation n’est pas drôle pour le moment dans le Golfe Persique. Yazdani ne veut pas parler de politique: « Je suis un sportif. Quand il y a une guerre quelque part, dans le Golfe ou ailleurs, chaque être humain a mal, j’ai mal aussi… »

Pierre Bilic

« La saison passée, je trouvais Sergio Rojas les yeux fermés »

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