PEP FAIT DES PIEDS ET DES MAINS

Si vraiment Pep Guardiola a dit qu’il se séparait de Joe Hart parce que ce dernier n’était pas assez bon avec les PIEDS, Pep est un sacré crâneur prêt à tous les baratins pour préserver son propre mythe ! Parce qu’il sait fort bien qu’élaborer de savantes combinaisons avec des joueurs de champ surdoués, ça foire si l’on ne dispose pas dans sa cage d’un spécialiste fiable avec les MAINS …ce que n’est pas Hart, plutôt spécialisé dans les boulettes récurrentes : et en tout cas incapable d’apporter au Man City de Pep les sauvetages, pas fréquents mais salutaires, qu’une assurance tous risques appelée Manuel Neuer apportait à son Bayern. Vous objecterez qu’auparavant et au Barça, Victor Valdés n’avait pas non plus les mains de Manuel : mais là, l’assurance tous risques était offensive, située à l’autre bout du jeu, et s’appelait Lionel Messi

Reste maintenant à voir si Pep a bien vu le coup en estimant Claudio Bravo plus fiable que Hart entre les perches. Et supérieur quant à son jeu au pied …c’est là où je voulais en venir ! Un slogan ressassé voudrait que le foot contemporain du top exige désormais des keepers qui ont un jeu au pied de la qualité d’un joueur de champ : j’ai beau faire des efforts pour être d’accord, je ne vois dans cette assertion qu’une vaste couillonnade ! La relance au pied qu’on demande aujourd’hui à un gardien du top est peut-être supérieure à celle d’il y a 50 ans …quoique surgir vite pour donner aveuglément un grand coup de botte bien loin, ça ne date pas d’hier et ça reste un geste technique primordial ! Mais au top niveau, la relance au pied contemporaine ne me semble que d’une qualité technique similaire à celle d’un bon joueur de champ amateur et bipède basique, ni plus ni moins : elle a lieu dans un contexte où assurer son simple plat du pied se fait sans réel pressing avec le jeu devant soi …le vrai pressing, ce sont les défenseurs qui le subissent ! Pour le reste, un keeper dribbleur reste comme hier un clown manqué et un danger.

Le discours dominant voudrait donc que le jeu du gardien d’aujourd’hui se soit enrichi d’un paramètre supplémentaire : le jeu au pied sophistiqué. Balivernes, je m’étonne au contraire qu’un paramètre jadis capital ait tendance, presque à notre insu, à devenir secondaire. Il me semble que quand j’étais gosse, les keepers étaient d’abord des mecs qui s’envolaient : détente et explosivité étaient leurs deux mamelles d’extraterrestres, pour s’en aller rechercher en vol plané souple, du bout du bout de leurs doigts, des ballons hors de portée du commun de ces mortels admiratifs dont j’étais. Aujourd’hui, s’ils savent encore s’envoler loin de leur base, c’est surtout à l’entraînement qu’ils nous le démontrent. Car en match, il arrive fréquemment que le gardien d’une équipe dominée soit crédité d’un gros match sans avoir dû prester sur sa ligne une seule envolée d’envergure : les qualités aujourd’hui primordiales sont autres et j’en vois cinq.

Primo, le placement : plus on le travaille et c’est le cas, moins on doit …se dé-placer ! Secundo, l’arrêt-réflexe : il ne s’agit pas de s’envoler loin, mais de se déplier à la vitesse de l’éclair face au tir à bout portant. Tertio, liée au réflexe, l’anticipation : surgir le premier sur la balle, que ce soit pour s’en emparer des mains ou la dégager du pied. Quarto, le un contre un, l’habileté à gagner des duels face à l’attaquant qui s’amène balle au pied. Quinto et last, but not least, la sortie aérienne, des mains ou des poings : un keeper sous-doué de ce point de vue est irrémédiablement condamné aux seconds rôles…

En un demi-siècle, outre que l’homo sapiens a grappillé quelques centimètres verticaux, le gardien de but s’est entraîné de mieux en mieux. Les joueurs de champ aussi qui, bouffant davantage de mètres, encombrent désormais son grand rectangle plus souvent, et plus nombreux. Tout ça dans une cage restée identique, pour rappel 7m32 sur 2m44. Tant qu’on ne voudra pas l’agrandir un p’tit coup, la moyenne de buts continuera d’avoisiner le 2,5 par match, et les derniers remparts continueront de ne plus s’envoler que chichement. C’est un peu triste, je rêve toujours de 8 m sur 2m50 : mais de plus en plus pour ma descendance…

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire