PENDAISON de crémaillère

Jef Van Baelen
Jef Van Baelen Journaliste Knack

Le Bayern vise la victoire dans son nouveau stade et pour lui, le Club Bruges ne devrait pas constituer un obstacle insurmontable.

« Nous visons haut dans cette Ligue des Champions. En fait, la phase des poules ne devrait être que routine pour nous « . Voilà les propos de Felix Magath, l’entraîneur du Bayern Munich, interrogé sur les chances qu’a son club d’atteindre le tour suivant. Le Club Bruges sait donc à quoi s’attendre mardi prochain : l’assurance des Bavarois est à son apogée et ceux-ci n’imaginent même pas perdre. Il faut admettre que le FC Bayern Munich a des raisons d’être euphorique : il a entamé le championnat en force et semble invincible, surtout à domicile. Le Bayern possède aussi une arme fatale : le Hollandais Roy Makaay, qui trouve le chemin du but à presque toutes les rencontres à domicile.

Peu de clubs maîtrisent l’art de la polémique comme le Bayern. En gros, il divise les amateurs allemands de football en deux camps : ceux qui vouent un amour inconditionnel aux Bleu et Rouge et fêtent chacun de leurs triomphes, et ceux qui le haïssent du plus profond de leur c£ur. Lorsqu’en 1999, le Bayern a perdu de manière dramatique la finale de la Ligue des Champions contre Manchester United, on trouvait autant d’Allemands abattus que de détracteurs ravis.

Le Bayern ne laisse personne indifférent. Evidemment, quand on est champion à cinq reprises en sept ans, on suscite la jalousie. Ses adversaires rétorquent que c’est aussi lié à la façon dont le Bayern enfile les succès. Son arrogance est connue. Il a également l’habitude d’enrôler les meilleurs joueurs de ses concurrents afin de les affaiblir. Enfin, les détracteurs lui reprochent d’avoir souvent le bénéfice du doute dans les décisions arbitrales. Et comme si cela ne suffisait pas, le club bavarois a une telle baraka qu’il parvient souvent à gagner des matches – voire des titres… – inattendus en dernière minute.

Quelques exemples du passé récent le rappellent : en 2000, rien ne semblait pouvoir écarter le Bayer Leverkusen du titre national. Puis, lors de la dernière journée, il a été battu par Unter- haching, un modeste club munichois, et le Bayern a raflé le titre. Depuis, d’ailleurs, Leverkusen est surnommé de manière peu flatteuse Neverkusen, l’équipe qui ne réussira jamais. Un an plus tard, le Bayern a encore pu remercier les dieux du foot quand le leader, Schalke 04, a été étonnamment battu lors de l’avant-dernière journée par le VfB Stuttgart qui luttait contre la rétrogradation. Evidemment, c’est encore le Bayern qui en a profité. En bref, tout s’arrange toujours pour le FC Hollywood, à la grande frustration de maints amateurs allemands de foot.

Dans le sillage du Kaiser

Jusqu’au milieu des années 60, le Bayern est resté dans l’ombre de son voisin, le TSV Munich 1860, qui est en fait le club des Munichois, le Bayern étant celui des Bavarois. Son ascension est parallèle à celle de l’icône allemande du football, Franz Beckenbauer. Le stylé libero a effectué ses débuts au Bayern à 19 ans, en D2. Suite à une banale querelle, Beckenbauer était tombé en disgrâce à Munich 1860, son club formateur. Dès son premier match, il a marqué. A l’issue de cette saison-là, le Bayern a rejoint la Bundesliga. La frustration de Munich 1860 allait s’aggraver : avec Beckenbauer, le Bayern a remporté quatre titres nationaux, quatre Coupes d’Allemagne, trois Coupes des Clubs Champions et même la Coupe du Monde des clubs. La légende du Bayern était née, celle du club populaire qui gagne toujours. Actuellement, le Kaiser, qui vient de fêter ses 60 ans, coordonne l’organisation du Mondial 2006.

Mardi, quand le Club Bruges foulera la pelouse du Bayern, il réalisera une première. Il sera la première équipe visiteuse à disputer un match de Ligue des Champions dans l’Allianz Arena toute neuve. Le Bayern vient de quitter l’Olympiastadion, érigé pour les Jeux Olympiques de Munich en 1972. La nouvelle arène, magnifique, peut accueillir 66.000 spectateurs. L’été prochain, elle sera le théâtre du match d’ouverture du Mondial. Les panneaux transparents constituent sans doute le détail architectural le plus frappant. Lors des matches du Bayern, ils se colorent de rouge et donnent l’impression d’un gigantesque feu. Ils peuvent également passer au bleu ou au blanc pour les matches de Munich 1860 ou ceux de l’équipe nationale allemande.

Trois mois après son inauguration, le stade semble déjà trop exigu : en 2005, le Bayern est déjà assuré de disputer tous ses matches à guichets fermés. Le club demande même avec insistance à ses supporters de ne plus téléphoner avant la Noël pour réserver des billets. Le département billetterie du club, qui emploie une trentaine de personnes, est submergé. C’est compréhensible, puisque le call center traite 50.000 coups de fil par jour ! Les billets pour les matches en déplacement du Bayern sont également épuisés depuis belle lurette, comme les 35.000 abonnements. Le club bavarois est un produit à succès, parfaitement géré. Ainsi, le site web du Bayern est également traduit en japonais et en chinois.

Pendant l’Oktoberfest

Même si les journalistes allemands n’ont pas oublié qu’il y a deux ans, le Club a éliminé le Borussia Dortmund au troisième tour préliminaire de la Ligue des Champions, personne ne miserait un cent sur les chances des Flandriens. Les stars du Bayern sont elles-mêmes optimistes. Quand Oliver Kahn a pris connaissance du tirage, il a réagi sèchement : – Génial. Ce groupe me convient parfaitement. Ce sera sans doute difficile mais nous sommes le Bayern. Mais pourquoi douterait-il ? Kahn a devant lui un des meilleurs duos centraux du monde, avec le Brésilien Lucio et le Français Valérien Ismael. Les arrières latéraux sont français et ne manquent pas de lauriers internationaux. Nul ne met en doute les qualités de Bixente Lizarazu et de Willy Sagnol.

L’entrejeu du Bayern est encore plus costaud, si c’est possible. Sa star, Michael Ballack, est le fournisseur attitré de Makaay, das Tor Phantom, et le Bayern s’est opposé à son départ cet été, malgré l’intérêt appuyé de Manchester United. Il n’est donc pas exclu que Ballack, dont le contrat au Bayern prendra fin en même temps que cette saison, resigne un long contrat en hiver. Il constitue aussi un modèle et un repère pour des jeunes comme Bastian Schweinsteiger ou Owen Hargreaves, qu’il dirige là où on a besoin d’eux. Sur les flancs, Magath aligne des joueurs imprévisibles, aptes à faire basculer un match d’une seule action, comme Sebastian Deisler et Zé Roberto.

Et puis, comme si cela ne suffisait pas, l’attaque aligne un certain Roy Rudolphus Anton Makaay, un phénomène, rapide et fatal, comme les Espagnols le décrivaient quand il évoluait au Deportivo La Corogne. Durant la saison 2002-2003, Makaay avait donné le vertige à la défense bavaroise et réussi un hat-trick parfait contre le fier club munichois. La saison suivante, le buteur signait au Bayern, où il inscrit une vingtaine de buts en Bundesliga, bon an, mal an, et au moins six en Ligue des Champions. Makaay est flanqué d’un coéquipier sud-américain. Qu’il s’agisse de Roque Santa Cruz, de Claudio Pizarro ou de José Paolo Guerrero, cela ne change pas grand-chose pour les défenseurs adverses.

Lorsqu’on parcourt le palmarès du Bayern, on ne peut conclure qu’une chose : mardi, le Club sera face à une mission extrêmement difficile. Heureusement, les supporters brugeois ne devront pas se contenter du seul football. Avec quelques jours d’avance, la célèbre Oktoberfest battra déjà son plein : 14 tentes géantes seront déjà dressées à Munich, sur Theresienwiese, où on vend la bière au litre. Reste à espérer que les Brugeois auront quelque chose à fêter.

Sebastian Deisler (25 ans) est considéré comme un des footballeurs les plus doués d’Europe mais il est mentalement trop fragile pour occuper le poste de meneur de jeu. Depuis un an et demi, Basti Fantasti a souvent dû faire appel au Max Planck Institut für Psychiatrie de Munich, pour y soigner une dépression nerveuse. Des problèmes tenaces au genou ont eu raison de sa confiance et au moment où il retrouvait ses aptitudes physiques, il a flanché mentalement. Deisler a connu son dernier passage à vide lors de la précédente édition de la Ligue des Champions. De Turin, où le Bayern allait affronter la Juventus, il a repris l’avion pour Munich, ne pouvant accepter le fait de ne pas entamer le match.

Deisler se porte mieux, depuis. Le coup d’éclat turinois est son dernier en date, il parvient à maîtriser ses nerfs. Deisler a d’ailleurs disputé une belle saison et affirme avoir surmonté ses problèmes. En mai dernier, le technicien a même écrit une page d’histoire en inscrivant le premier but du Bayern dans son nouveau stade, l’ Allianz Arena. Quand il est en forme physique et mentale, Sebastian Deisler apporte une plus-value incontestable à l’entrejeu déjà costaud du Bayern et est une valeur sûre de l’équipe nationale allemande aussi.

Jef Van Baelen

Peu de clubs maîtrisent à ce point L’ART DE LA POLÉMIQUE

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