Penalty! A quoi pensent-ils?

Deux professeurs de Chicago ont analysé le botté de 450 penalties et tiré leurs conclusions.

Parvenir à mettre le coup de réparation en équation, voici les conclusions auxquelles sont récemment arrivés deux spécialistes des calculs de probabilité de l’université de Chicago, le professeur d’origine italienne P.A. Chiappori et son adjoint S. Levitt. Ils ont mis quelques mois à établir les formules mais cela aurait duré quelques années de plus si l’ordinateur ne leur avait donné un sérieux coup de main.

En fait, ces deux chercheurs voulaient établir un modèle statistique fiable concernant la manière dont un tireur de penalty va s’y prendre pour le convertir et le gardien adverse pour tenter de l’en empêcher. Au départ, les données théoriques paraissent simples.

Les possibilités du tireur.

Le tireur peut choisir soit son côté naturel, soit l’autre côté ou le milieu du but, si possible tout juste sous la barre transversale. Il faut préciser que le côté naturel d’un tireur droitier est la gauche du but qui lui fait face (pour le gardien, le ballon va vers sa droite). Pour le gaucher, c’est l’inverse.

A un certain niveau national ou international, le gardien sait si le tireur est droitier ou gaucher (les statistiques précisent que ceux qui sont chargés de botter les penalties sont droitiers à 85% et les gauchers forcément à 15, alors que le pourcentage de ces derniers est plus élevé si l’on tient compte de l’ensemble des joueurs).

Ceci dit, le tireur a donc trois possibilités d’intention: gauche, droite ou haut. La réalisation, quant à elle, pouvant être tout autre: le joueur propose et le ballon dispose. Les entraîneurs consacrent beaucoup de temps aux exercices de tirs au but pour les deux ou trois heureux élus de l’équipe. Souvent, comme en basket pour les tirs au panier, la maîtrise des nerfs joue un rôle primoridal.

Les possibilités du gardien.

Le gardien a également trois possibilités : son côté naturel (droite s’il est droitier), l’autre côté ou le milieu du but en hauteur d’une manière relativement non-latérale.

Les envois en hauteur et dans un coin sont pratiquement inarrêtables pour le gardien et sont une source élevée d’échec pour le tireur.

Neuf combinaisons.

Cela fait donc neuf combinaisons théoriques possibles (3 x 3) pour la couple tireur-gardien qui se forme le temps d’un botté de penalty.

Le gardien peut évidemment tenter de deviner quelle option le tireur qui est devant lui va choisir, en fonction par exemple des manies de celui-ci (on voit souvent un ancien équipier du tireur venir tuyauter son gardien) ou de ce qu’indiquent les statistiques.

Le keeper, de toute manière, ne peut pas se contenter d’attendre que la frappe ait lieu. Les botteurs costauds envoient en effet le ballon des onze mètres vers le but à une vitesse de 150 km/heure (ce qui impliquerait un temps de réaction plus rapide du gardien que pour une balle de service de Sampras qui fuse à 230 km/heure mais parcourt un espace plus long).

Pour franchir cette distance, le cuir met moins de deux dixièmes de seconde s’il est botté en force. Le temps de réaction d’un être normal est supérieur à ce laps de temps (en athlétisme, un coureur qui part un dixième de seconde après le coup de pistolet du starter est considéré avoir commis un faux départ car son organisme n’a pas eu le temps de réagir).

Choisir le bon côté.

Le gardien doit donc, suivant l’expression consacrée, « choisir le bon côté » au plus tard quelques centièmes de seconde avant que le ballon soit frappé et ce, suivant son intuition, ses connaissances statistiques voire même en décidant au dernier moment en fonction des mouvements qu’effectuera le tireur pendant son élan. Il faut reconnaître que le plus souvent, ces facteurs ne jouent pas consciemment un rôle et que c’est le hasard qui dicte au tireur son mode de conduite.

Arrêter un penalty, ce serait donc moins une affaire de réflexe que de bon choix.

On notera aussi que l’inverse est vrai: le tireur sait aussi que tel gardien arrête moins facilement un tir à sa gauche ou à sa droite ou qu’il déteste les balles hautes.

Un botteur de penalty sait encore, et les statistiques lui emboîtent le pas, que viser à mettre le ballon juste au-dessous de la transversale est le moyen le plus indiqué pour le placer juste au-dessus. D’où la tendance générale à ne pas lever la balle.

Les conclusions

Il est temps d’en revenir aux conclusions émises par les deux chercheurs de l’université de Chicago :

1) le gardien choisit moins souvent l’option « vers le haut » que le tireur (en termes footballistiques : la lucarne fait recette pour peu que le tireur soit adroit)

2) le gardien privilégie plus souvent son côté naturel que le tireur (celui-ci aurait tendance à ruser).

Cette théorie a été vérifiée lors des championnats français et italiens (sur quatre saisons allant de 1997 à 2000). Les tendances théoriques de Chicago concordent parfaitement avec la pratique (les statistiques de cette période portent sur un total de 458 penalties), même s’il est malaisé de les chiffrer avec exactitude.

Car en matière de penalties, il existe certaines constantes si l’on fait jouer la loi des grands nombres (un étude portant sur un maximum de matches) mais aussi pas mal de fluctuations dues à la glorieuse incertitude du sport en général et des bottés de penalties en particulier.

Une chose est évidente: les arbitres sifflent de plus en plus de coups de réparation. C’est assez normal dans la mesure où l’interprétation des règlements est de plus en plus restrictive: tout ce qui ressemble à de l’antijeu doit être sanctionné afin de privilégier le spectacle. Et comme les goals constituent l’essence même du spectacle, y faire obstacle irrégulièrement dans le rectangle est hautement punissable. Le tackle par derrière est un agissement sur lequel les directeurs de jeu ne peuvent plus fermer les yeux. Si les récentes recommandations de l’International Board sont respectées, il devrait en aller de même des tirages de maillot.

Guy Lassoie

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