Pavoisons à foison!

Bernard Jeunejean

Au match aller, leur Repka a réagi comme un vrai bleu et notre Bart Goor comme un vrai pro: ça m’a rappelé Blanc et Bilic au Mondial 98, mais surtout que le foot est à la fois école de vice et de résistance au vice. Repka out, je me suis laissé aller à croire que c’était dans la poche: qu’à onze contre dix durant tout un demi-match, nous allions au minimum en mettre un deuxième au fond! J’étais devant la télé avec le gamin qui n’en est plus un, il faisait caillant dehors, le gel venait de commencer à emmerder l’Ardenne: plus le temps passait, plus le gamin grommelait qu’on ne planterait pas le deuxième, plus je lui répondais comme un vieux sage que tout venait à point à qui savait attendre. C’est à la 80′ qu’au coin du feu, nous avons parié selon nos intimes convictions respectives: celui qui perdrait sortirait le chien Oscar pour son pipi du soir. Ce qui n’était pas une chouette balade en perspective, vu que le gel faisait comme je vous ai dit.

C’est resté 1-0, le vieux sage est devenu un vieux vous savez quoi. Je suis sorti avec le clebs et me les suis gelées au moins au figuré: ça m’a fait râler sur les Diables, car je n’ai jamais cru à cette prétendue complication d’évoluer en supériorité numérique. Comme quoi ça perturberait ton organisation, ça décuplerait la motivation des gars d’en face réduits à dix, et autres balivernes: que celui qui croit vraiment à ça joue tous ses matches à dix et puis basta! Je me suis calmé une fois Oscar soulagé, en retrouvant le coin du feu. En me forçant à footosopher face aux flammes, j’ai fini par pouvoir énoncer ceci: ce sport de dingues est tellement bourré d’aléatoire que même une supériorité numérique n’infirme pas forcément le principe! J’étais rasséréné et prêt pour le retour. A Prague, ce serait du 50/50, il suffirait d’un nul. Comme à Zagreb. Et vu que ça avait mal tourné à Zagreb, il y avait moins de 50% de chances que ça foire de nouveau à Prague. L’optimisme, c’est mathématique.

La preuve. Nous voilà qualifiés (sans l’avoir jamais été « d’office ») pour la sixième fois consécutive, tout le monde l’a déjà dit, mais je rajoute ma couche pour dire que c’est unique: AUCUN pays au monde n’a réussi ça de 1982 à 2002! Ça ne veut pas dire que nous sommes des kings, mais ça signifie au moins que nous sommes davantage que de crevés veinards: nous sommes moyens mais nous le sommes contre vents et marées! Notre solidité est à toute épreuve, historique et pas du tout conjoncturelle. Bosman n’a pas ciblé le foot belge pour lui sonner le glas plus qu’à d’autres, notre valeur foncière n’est pas en crise ou en baisse, elle poursuit simplement son bonhomme de chemin. Contrairement à de ponctuelles apparences, le foot belge n’est pas plus en crise ou en régression qu’il n’était au top en 1986. Simplement, le foot belge est. La preuve par Prague.

Encore deux mots, sur nos deux héros communautaires en passe de devenir nationaux. D’abord Wilmots le Wallon: il ressuscite le quatrième jour après le match-aller; Robert son père, qui ne l’a jamais abandonné, le fait apparaître aux disciples après une heure de jeu; Willie rappelle qu’il est l’âme du groupe en prenant ses responsabilités sur penalty, et il envoie tout le monde au paradis!

Avant le match, t’aurais voulu imaginer une symbolique plus caricaturale, t’aurais pas pu! Wilmots, c’est veni-vidi-vici en dix fois plus balèze que Jules César himself.

Enfin Gert le Flamand et pourtant mon chouchou, même que j’en énerve plus d’un avec ça depuis des années. Diable, voilà qu’il devient le chouchou de milliers de Wallons qui en ont dit pis que pendre! Pourtant, en encensant aujourd’hui Gert le buteur, le battant, le collectif ou le stoïque, ils loupent encore et toujours ce qui fait la vraie supériorité de Verheyen: son intelligence de jeu très au-dessus de la moyenne, l’éternelle justesse de ses choix au quart de tour!

J’en arrive même à admirer les (rares) pertes de balles de Verheyen tant il les commet judicieusement, à des endroits et à des moments où elles sont peu dangereuses. Quant au penalty de Prague, vous aurez tous remarqué qu’il survient après deux touches de balles/extérieur pied gauche en mouvement de Gert-le-droitier.

Bernard Jeunejean

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire