PAUVRE TYPE !

Quel est l’état d’esprit d’un entraîneur qui compte un point sur 27 et qui se déplace samedi à Anderlecht ?

R ené Trost :  » Je fais la navette entre Kerkrade et Lierre. 260 kilomètres par jour. Une fois, j’ai dormi sur un banc, dans le foyer des joueurs. Après autant de défaites, ces trajets ne sont pas marrants. Après notre revers face à Beveren, je suis rentré à une heure et demie du matin. J’ai revu le match avant de me coucher mais je n’ai pas fermé l’£il.

A huit heures du matin, j’ai repris la route de Lierre, qui accueillait le G-Day, un tournoi de football pour handicapés, avec 20 équipes, de 10 à 19 heures. Cette expérience m’a fait du bien. J’avais promis que tous les joueurs seraient présents. Ne pas venir ne m’a pas traversé l’esprit. Ces gens n’ont pas à pâtir de ma défaite. Aux Pays-Bas, ce genre d’activités est habituel. Ce tournoi a été organisé 15 fois dans mon pays et j’ai toujours été là. Je savais donc quel plaisir ces hommes éprouvaient mais aussi celui que j’allais avoir. Même après une défaite, ils sont heureux car ils ont eu un bon match. Cela vous remet les pieds sur terre. Est-ce la fin du monde si je connais autant de revers avec le Lierse ? Ce dimanche-là, j’ai décidé qu’une évaluation de quelques jours ferait du bien, pour recharger mes accus mais aussi pour voir si j’étais capable de retourner la situation. Soyons francs : beaucoup de coaches dans mon cas auraient déjà été virés.

Beaucoup de matches se sont décidés sur un coup de dés. Nous n’avons pas été laminés par le Cercle, Beveren ni le Brussels. Mon instinct me souffle que ce noyau a de la marge. J’admets avoir espéré trouver plus vite le meilleur onze de base. Nous ne l’avons toujours pas. Suite à divers concours de circonstances, les joueurs qui devaient porter l’équipe n’ont pu le faire. Dans des conditions optimales, nous devons nous maintenir. Hélas, elles ne le sont pas. Il me faut plus que la confiance de la direction : j’ai besoin de renforts. On nous présente des tas de joueurs qui jouent un match test en Réserve « .

Sa direction lui dit de continuer

 » Mon c£ur me disait de continuer, ma tête me soufflait d’être raisonnable. Je me suis réservé un temps de réflexion, de discussion avec mes proches. J’ai demandé à la direction ce qu’elle pensait de la situation. J’en ai conclu que j’étais capable de tout mettre en £uvre pour réussir l’impossible. Je me suis fixé des objectifs : d’ici tel moment, je veux que ceci ou cela ait changé. La direction ne m’a pas fixé d’ultimatum mais d’ici un mois, je voudrais avoir le même sentiment de joie qu’en janvier dernier, à St-Trond, après notre nul. Sinon, nous devrons tirer nos conclusions. Je n’ai pas vraiment envisagé d’arrêter les frais mais je ne suis pas de ceux qui attendent d’être limogés pour toucher une indemnité pour les trois ans de contrat qu’il me reste.

J’avais besoin de ces deux journées. Je ne les ai pas passées en bord de mer, le téléphone débranché. Une balade de cinq kilomètres avec le chien suffit. C’est précisément quand ça va mal que je dois être au Lierse. Le premier de ces deux jours de trêve, je suis revenu ici pour l’entraînement de ceux qui n’avaient pas joué contre Beveren. J’ai ensuite eu d’excellents entretiens. Le mardi, nous nous sommes entraînés deux fois.

Ma tête n’est libre qu’en vacances. Nous avons livré notre dernier match le 8 juin, deux jours après, j’étais en voyage. Pendant les trois premiers jours, je me suis débarrassé de tout mon stress. Je n’ai vraiment eu que six jours de vraies vacances car le téléphone n’a pas cessé de sonner pour les transferts et tout ça. Nous avons repris l’entraînement le 24 juin. J’étais déjà là le 21 pour tout préparer.

Si je tiendrai encore longtemps ? Je n’ai pas encore regretté un instant d’être au Lierse. Je me suis longtemps demandé si j’allais rester l’éternel adjoint de Roda, où j’avais un contrat à vie, pour devenir entraîneur principal. Ce combat intérieur a duré deux ans : allais-je miser sur la sécurité ou sur l’aventure, étais-je capable de résister à la pression ? Allais-je échouer, comme entraîneur ou comme homme ? Ces quatre mois au Patro Maasmechelen et mes huit pénibles au Lierse m’ont convaincu de mes capacités. Je suis toujours fier d’être l’entraîneur du Lierse. Je ne me réfugie pas dans un coin, de honte. Récemment, j’étais à Zulte Waregem avec mon épouse. Derrière notre dos, quelqu’un a dit : – C’est l’entraîneur du Lierse, pauvre type ! J’ai trouvé ça fantastique ! Je me suis adressé à cette personne : – En effet, ça ne va pas très bien.

Je n’éprouve pas le besoin de me défendre. Pourquoi le ferais-je ? Nous savons où nous en sommes. Le monde extérieur a sans doute un autre avis mais peu importe. Un entraîneur adopte peut-être une attitude défensive quand il se sent menacé, quand il ressent les doutes de la direction, mais ce n’est absolument pas le cas « .

Dury le console lors d’un goûter

 » Les journaux écrivent que c’est la plus mauvaise prestation d’un club de D1 depuis 26 ans, que nul en Europe ne fait pire. Je lis trois quotidiens et je surfe pour connaître les impressions des gens. Je n’ai pas besoin que mes collègues me consolent après une défaite. Je félicite toujours les vainqueurs. Pourquoi leur en voudrais-je ? Il faut traiter les gens comme on voudrait qu’ils le fassent à votre égard. J’ai d’excellents contacts avec Francky Dury, par exemple. Quand nous avons joué à Zulte, il m’a invité dans son foyer des joueurs avant le match ! Il m’a offert un café et des gâteaux, nous avons bavardé tranquillement pendant l’échauffement. Je n’avais encore jamais vécu ça. C’est fantastique ! Nous sommes avant tout des collègues. Quand tout va bien, il ne faut pas oublier que dans les moins bons jours, vous apprécieriez que de chouettes gars vous traitent comme avant.

Je me demande quel plaisir le président Leo Theyskens trouve à tout ça. Sa confiance me fait du bien. Je me demande parfois comment je tiens le coup. C’est peut-être grâce au miracle de la saison passée mais il n’agira pas éternellement. Je conserve de bonnes relations avec la direction, les joueurs, la presse et les supporters. En retournant à ma voiture, je bavarde avec les gens. Je ne me suis fâché qu’une fois : un supporter passait ses nerfs sur quelques joueurs, ce qui était injuste car ils font tout de leur mieux. Vous auriez dû voir leur enthousiasme à l’entraînement, mardi passé ! Ils ont même prolongé la séance. Ce groupe n’est pas fichu. Avant l’entraînement, j’écris deux noms par position au tableau et je demande aux deux gardiens de composer leur équipe. Le match est animé. Les vainqueurs plongent alors devant les supporters… Ce sont ces détails qui m’insufflent l’énergie nécessaire. Il y a quelques semaines, nous sommes sortis à Louvain. A la fin, Bob Peeters et Marko Andic étaient bras dessus, bras dessous.

Cette période ne m’apprend qu’une chose : je tiens le coup et je reste moi-même. Mon comportement ne change pas en fonction des résultats. Dois-je insulter Mario Verheyen parce qu’il remet de la tête le ballon dans son propre but ? Evidemment, d’aucuns diront que je ne suis pas assez dur mais c’est de la foutaise. Il faut être dur au bon moment. On a dit la même chose de Sef Vergoossen et c’est aussi faux. Si demain je dois renvoyer dix personnes, je le ferai sans problème, à condition de trouver qu’elles le méritent « .

GEERT FOUTRÉ

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