Le Brésilien n’a que 22 ans mais a déjà cinq années de Belgique derrière le dos: les Loups en profitent.

En foot, la force du collectif aspire les individus vers le haut. Mais en cas de pépin, le caractère des gens et les manquements se font plus criards.

La Louvière n’a pas échappé à la règle. Depuis son retour en D1, le club du président Gaone se bat pour sa survie. Il manquait de monde à gauche depuis le début de saison mais il aura tout de même fallu attendre la fin du premier tour pour que le club se décide à transférer Rogério de Oliveira, pourtant contacté à l’été.

Bien qu’il soit arrivé chez nous voici cinq ans déjà, le Brésilien prêté par Genk n’est pas encore très connu. Pourtant, son assurance, son talent et son état d’esprit apportent toujours une plus-value à son équipe.

A La Louvière, il a permis à Ariel Jacobs de rééquilibrer une équipe qui penchait dangereusement à droite et risquait d’être déportée au moindre virage. L’an dernier, il avait ramené la sérénité dans l’entrejeu d’Alost, qui avait fini par arracher son maintien de façon miraculeuse. Et s’il ne s’est pas véritablement imposé à Genk, c’est peut-être parce que ses entraîneurs ont parfois pris sa modestie et sa bonne éducation pour un manque d’ambition.

Rogério est né le 28 juin 1978 à Sao Paulo. Il a grandi dans le même quartier que Dinga mais les deux hommes ne se sont connus que bien plus tard, lorsque l’ancien stopper du Standard évoluait déjà en Tunisie. Fils de vendeur, Rogério est le puîné d’une famille de trois garçons. Comme son père, son frère aîné a bien un peu tâté du futebol. Le cadet, par contre, n’était guère passionné par le ballon.

« Je ne sais pas ce que j’aurais fait si je n’étais pas devenu pro », dit Rogério. « Dès que j’ai eu l’âge de m’affilier, un ami de mon père m’a présenté à l’Uniao Suzana, un petit club de Sao Paulo. J’y ai notamment joué avec César, aujourd’hui à la Lazio. A l’âge de 16 ans, je suis passé au Guarani de Campinas, un des bons clubs du championnat paulista. J’ai ensuite été prêté à Aparecida, en D2″.

Rogério sait qu’il a eu de la chance d’avoir pu accomplir un tel parcours. Au Brésil, les distances sont énormes, les clubs n’ont plus les moyens d’entretenir de grands centres de formation et il n’est pas toujours simple pour les parents de subvenir à de tels coûts: « Je connais des tas de gamins qui ont dû arrêter leurs études ou le foot parce qu’il fallait travailler pour nourrir leur famille. J’ai pu continuer à aller à l’école pendant que je jouais et si j’ai mis fin à mes études secondaires, c’est parce qu’un manager est venu frapper à ma porte pour m’amener en Belgique ».

Les trois ennemis du Brésilien

En décembre 96, un certain Carlos Alberto prit contact avec un Brésilien établi en Belgique depuis 25 ans, à qui il demanda de trouver un club à Rogério: « J’ai passé un test à Denderhoutem. Facile de convaincre tout le monde mais on était déjà fin décembre. Ou je signais, ou je retournais au Brésil jusqu’à la période des transferts suivantes. Je me suis dit que je n’avais plus rien à perdre, j’ai fermé les yeux et j’ai signé ».

En quelques semaines, Rogério allait découvrir les trois plus grands ennemis du footballeur brésilien: le froid, la nostalgie et la nourriture: « J’avais quitté l’été du Brésil pour me retrouver ici par moins six degrés. Quand je racontais à mes amis qu’un verre d’eau laissé à l’extérieur se transformait en bloc de glace, personne ne me croyait. Et si je leur disais que les gens patinaient sur les lacs gelés, ils ouvraient des yeux ronds comme des soucoupes. Pourtant, les conditions de vie sont bien meilleures en Belgique ».

A Denderhoutem, Rogério partagea ses premiers mois avec un autre Brésilien, l’attaquant Fabio Pereira. Tous deux furent hébergés par la famille d’ Aimé Stellemans, qui est aujourd’hui dans le comité de Lokeren tout en entraînant Denderhoutem.

Et puis, sur le terrain, cela se passait plutôt bien puisque son club remporta le tour final de promotion pour rejoindre la D3: « J’évoluais en numéro dix, ma place de toujours. Fabio et moi nous trouvions les yeux fermés. Il fut meilleur buteur de la série et j’ai marqué énormément moi aussi. Sur le terrain, nous nous parlions en portugais, ce qui énervait nos adversaires. D’ailleurs, en fin de saison, la plupart des clubs qui venaient aux nouvelles voulaient nous transférer tous les deux ».

Ekeren, Alost et Genk furent les plus concrets. Rogério opta pour le club limbourgeois, qui venait de remporter la Coupe de Belgique: « On me disait que je n’allais jamais jouer mais Anthuenis m’a fait confiance. Il m’a expliqué que j’avais davantage de chances de jouer sur le flanc gauche et je l’ai écouté. J’ai bien fait puisque j’ai pris part à quatre de nos six matches de Coupe d’Europe. Pour moi, c’était inespéré, d’autant que nous avons été champions et que j’ai également participé à la conquête du titre. C’était la fête tous les jours et je me sentais très bien dans ce club à l’esprit méditerranéen. Il y a parfois plus de monde à Genk pour les matches de Réserves que dans certains stades de D1 pour les matches d’équipe Première ».

Réserviste de luxe

Mais la saison suivante, il allait souvent se retrouver dans l’équipe B:  » Jos Heyligen était à peine arrivé que nous avons dû disputer le tour préliminaire de la Ligue des Champions. A Maribor, lorsque l’équipe a sombré, j’étais sur le banc. Au retour, j’ai joué et nous avons failli renverser la vapeur. Par la suite, j’ai encore disputé deux matches puis, plus rien. Boskamp a alors débarqué et a voulu tout révolutionner: la plupart des joueurs qui avaient participé à la lutte pour le titre jouaient le vendredi soir en Réserves ».

Le début de la saison suivante semblant du même tonneau, il n’hésita pas la moindre seconde lorsque Alost se présenta, en novembre: « Là, j’ai joué tous les matches, sauf trois, parce que j’étais blessé. Encore à un autre poste puisque Wim De Coninck a fait de moi un médian défensif. Il m’a beaucoup aidé et son approche du noyau a joué un grand rôle dans le maintien d’Alost. Le club possédait une option sur mon transfert mais n’aurait pas pu la lever car il n’avait pas d’argent. La Louvière me contacta, De Coninck voulut m’emmener à l’Antwerp et me parla de l’intérêt de clubs hollandais mais je suis extra-communautaire et Genk avait insisté pour que je revienne ».

L’arrivée de Sef Vergoossen aurait pu lui rendre une chance mais il ne joua guère: « Je n’en veux pas du tout à l’entraîneur. C’est un homme comme on n’en voit pas beaucoup, un type pour qui les réservistes comptent autant que les titulaires. Je savais que ce serait difficile de m’imposer à Genk, notamment parce que Skoko est l’un des meilleurs meneurs de jeu du pays. Et puis, je manque peut-être encore de sens tactique, j’ai trop tendance à rentrer dans le jeu. Je dois également travailler ma puissance. J’aurais pu rester sur le banc à Genk et me contenter d’empocher les primes mais je veux acquérir les atouts qui me font encore défaut pour 2004, à l’époque où mon contrat se terminera. Ce n’est qu’en jouant que je peux progresser et Vergoossen l’a bien compris. C’est pour cela qu’il m’a permis d’aller à La Louvière ».

Patrice Sintzen

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