Patron malgré lui

Lorsque Robert Waseige fut remercié, deux jours après la défaite contre Bruges, les mines étaient allongées à Sclessin. Personne ne semblait avoir souhaité cette destitution. Mais alors, pourquoi avoir pris la décision? Sans doute fut-elle prise au-dessus des têtes de Michel Preud’homme et Luciano D’Onofrio? A-t-on jugé l’ancien sélectionneur national uniquement sur les résultats ou parce qu’on estimait que le mal était plus profond? Lorsqu’on engage Robert Waseige, à fortiori à Liège, est-il concevable d’admettre trois mois plus tard qu’on le connaissait mal et qu’on s’est trompé sur la personne? Drôle de gestion, tout de même. Dominique D’Onofrio a donc accepté, bon gré mal gré, de prendre le relais. Sans aucun enthousiasme apparent. Simplement, affirme-t-il, parce qu’il est un employé au service du club et qu’il doit obéir à son employeur. Ce ne devait être qu’un intérim.

Aujourd’hui, Dominique D’Onofrio est toujours en place. Et force est de constater qu’à défaut d’avoir déjà engrangé sa première victoire, le Standard laisse entrevoir des signes d’amélioration dans son comportement. Les 15 jours de répit accordés par l’équipe nationale ont-ils permis aux Rouches de poursuivre leur convalescence?

Cette trêve est-elle tombée à point nommé?

DominiqueD’Onofrio: Elle a en tout cas permis au staff de faire le point de la situation à différents niveaux. En début de semaine dernière, les joueurs ont été re-testés. Ces tests nous ont donné des points de repères sur leur état physique et mental. Nous avons effectué des rappels d’endurance. Nous avons également retravaillé l’aspect technico-tactique. Nous avons aussi disputé un match complet, entre nous, de deux fois 45 minutes.

Pour une fois, il n’y avait aucune obligation de résultat.

Effectivement, et cela a sans doute fait du bien à certains. Nous avons pu, tranquillement, essayer de remettre les esprits en place afin de repartir du bon pied contre le GBA.

Enfin un match « facile », aurait-on tendance à dire?

Pour le Standard, dans l’état actuel, il n’y a aucun match facile. Aussi longtemps que l’équipe n’aura pas remporté deux ou trois victoires d’affilée, elle jouera avec la peur au ventre.Le mental joue un grand rôle

De quoi les joueurs ont-ils le plus besoin?

D’un peu de tout. Le mental joue un grand rôle dans leur comportement. Se retrouver à la dernière place du classement, ce n’était pas prévu. Il y a là de quoi perturber les meilleurs joueurs au monde. Un doute s’est installé et la confiance s’est évaporée. A partir de là, le jeu ne correspond plus à ce que l’on est en droit d’espérer. L’engagement non plus. Et des petits détails qui, en temps normal, tournaient en notre faveur, penchent désormais en notre défaveur. Car, contre St-Trond et à Lokeren, j’estime que nous avons fait ce qu’il fallait pour gagner.

Dans l’absolu, un partage à Lokeren n’est pas un mauvais résultat. Mais, dans la situation où il se trouve, le Standard a surtout besoin d’une victoire.

Exactement. Un point ne permet pas de beaucoup avancer au classement. Les joueurs seront plus libérés lorsqu’ils auront gagné cinq ou six places et se retrouveront dans le ventre mou.

Dans le jeu, une amélioration est cependant perceptible.

Tout part d’une organisation. Pour obtenir des résultats, il faut rester organisé, oser et avoir un bon équilibre dans les lignes. Je crois que, progressivement, nous sommes en train de trouver cet équilibre.

Cette amélioration dénote, chez vous, un certain talent d’entraîneur que vous semblez continuer à nier?

Ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Je peux simplement affirmer que je travaille beaucoup, en collaboration avec Christian Piot et Guy Namurois. J’espère aussi que je travaille bien.

Cet intérim, qui a tendance à se prolonger, semble vous ennuyer.

Je suis employé par le Standard depuis quatre ans. J’avais déjà assuré un intérim lorsque Tomislav Ivic a connu des ennuis de santé. Les circonstances actuelles sont différentes. Personne n’avait imaginé que l’on pouvait arriver à une situation pareille lorsque Robert Waseige a été engagé. A l’époque, chacun était persuadé que le Standard allait livrer une saison extraordinaire. Ce qui est arrivé est malheureux pour tout le monde, et pour moi le premier, car Robert Waseige est un ami. Lorsqu’il a été remercié, j’ai simplement fait ce que le club m’a demandé. Que je prenne goût ou pas à mon rôle actuel d’entraîneur en chef n’a aucune importance. J’assume la situation. C’est à la direction à prendre les décisions qu’il convient. Actuellement, j’essaye de faire avancer le Standard. Si un autre entraîneur débarquait, il reprendrait le train en marche. En trouvant, je l’espère, une machine en bon état.

N’avez-vous réellement aucune ambition de devenir l’entraîneur principal?

Sincèrement, je ne me suis jamais fixé un plan de carrière. J’assure un intérim par la force des choses. Que cet intérim se prolonge encore pendant trois, quatre ou cinq semaines: peu importe.

Si l’on peut se permettre une comparaison avec Anderlecht, on a l’impression de retrouver en vous le regretté Jean Dockx, qui a toujours fait du bon boulot lorsqu’il était appelé aux commandes mais se confinait volontiers dans le rôle d’adjoint.

Peut-être. J’étais, effectivement, très heureux dans mon rôle d’adjoint. Des circonstances m’ont propulsé au premier plan. Mais je n’ai jamais eu l’ambition de devenir l’entraîneur principal du Standard.Le schéma de la saison dernière

Des noms continuent à circuler pour la succession de Robert Waseige, mais vous êtes toujours en poste.

Je ne suis pas du tout offusqué par les noms qui circulent. Il est normal que le Standard soit à la recherche de la meilleure solution possible.

Et si la meilleure solution s’appelait Dominique D’Onofrio?

C’est à la direction de décider. Michel Preud’homme l’a déjà déclaré: si cela ne tenait qu’à lui, il opterait pour Dominique D’Onofrio. Il me connaît bien, nous avons travaillé un an et demi ensemble. Je ne prie pas pour que Pierre, Paul ou Jacques débarque le plus rapidement possible. Si personne ne débarque, je continuerai simplement une semaine de plus.

Un nouvel entraîneur devrait à nouveau recommencer à zéro et ne connaîtrait pas nécessairement la maison comme vous…

C’est toujours la difficulté à laquelle se heurte un nouveau venu, effectivement. Je n’ai pas la prétention de détenir la vérité en football. D’autres, paraît-il, la détiennent en Belgique (sic). Mais, dans ce milieu, tout est éphémère. Du jour au lendemain, on passe du blanc au noir. Je suis entraîneur depuis 15 ans et ma philosophie n’a pas changé: elle se base sur le travail. Je gère l’équipe de semaine en semaine. Les trois semaines qui se sont écoulées m’ont tout de même valu certaines satisfactions, matérialisées par la meilleure santé qu’affiche le groupe.

Lorsque vous l’avez repris après la défaite contre Bruges, dans quel état aviez-vous trouvé le groupe?

Mon premier travail s’est situé au niveau mental. Les joueurs étaient très bas. Il a fallu beaucoup leur parler. Ensuite, il a fallu travailler sur le terrain. J’ai essayé de communiquer mon enthousiasme. Le fait que les joueurs, dans leur grosse majorité, me connaissent bien, a constitué un atout pour moi. Sur le plan tactique, j’ai réinstauré le schéma qui avait bien fonctionné la saison dernière avec Michel Preud’homme. C’est-à-dire, avec trois joueurs devant la défense, et un milieu de terrain qui sert de relais entre les quatre défenseurs et les deux attaquants. Comme, à l’exception des derniers arrivés Fabian Carini, Aleksandar Mutavdzic et Frederik Söderström, le groupe est identique à celui de l’an passé, il n’y avait aucune raison pour que cela ne fonctionne plus.

Etes-vous satisfait des derniers arrivés?

Frederik Söderström a apporté ce que l’on attendait de lui dès son premier match. Le Standard ne possédait pas de joueur de ce profil-là. Aleksandar Mutavdzic a aussi démontré sa valeur. Robert Waseige souhaitait un nouveau gardien: le Standard a engagé Fabian Carini. De ce point de vue, la direction a accédé aux souhaits de l’entraîneur.

On n’a guère accordé de crédit à Robert Waseige: il n’a pu bénéficier de ces renforts que l’espace d’un match. Pouvaient-ils, d’un simple coup de baguette magique, métamorphoser une équipe qu’ils découvraient à peine?

Un temps d’adaptation est généralement nécessaire aux nouveaux joueurs, j’en conviens. Mais ce n’est pas à moi à me prononcer sur le bien-fondé du limogeage de Robert Waseige.

On a aussi mis en exergue le fait que le Standard possède trop de gauchers…

C’est un faux problème. On ne pointe jamais le doigt sur les équipes qui possèdent trop de… droitiers. Il y a simplement eu un petit problème pour le back droit, lors du déplacement à Lokeren: nous avons dû titulariser le jeune Bart Vandepoel. Mais le Standard possède une école des jeunes performante. Si on ne l’utilise pas, à quoi sert-elle?Le titre, n’en parlons plus

A chaque début de saison, le Standard affiche de grandes ambitions. Sont-elles bien réalistes?

Ces dernières années, on a souvent reproché au Standard de modifier son effectif à chaque entre-saison. Cette année, pour la première fois, le club a joué la carte de la stabilité. Pour constater que cela n’a pas fonctionné non plus. Or, avec ce même groupe, nous étions en tête du classement avec Bruges en décembre 2001.

Une défaite au RWDM a alors précipité la chute…

Tout à fait. Un grain de sable a déréglé le mécanisme. Une seule défaite a suffi à réinstaller le doute.

L’équipe est-elle trop fragile sur le plan mental?

Je pense que oui. Cette équipe aurait besoin d’avoir davantage de compétiteurs en ses rangs. Autrefois, le Standard faisait peur à tout le monde. C’est moins le cas aujourd’hui. C’est dommage. Il faudrait aussi davantage de joueurs qui s’identifient à leur club.

Michael Goossens répond à ce profil, mais lui aussi traverse une crise de confiance. La saison dernière, il y avait Didier Ernst.

Didier Ernst aurait pu rester au Standard. Ce qui lui est arrivé découle de sa responsabilité.

Cette saison, on a l’impression que tout s’est déglingué après la défaite contre Mouscron.

Effectivement. Au départ, j’étais convaincu que nous allions remporter ce match. Il a fallu de quelques événements pour perturber tout le groupe: le penalty raté par Ali Lukunku, entre autres. Nous avons encaissé un premier but, puis un deuxième et un troisième. Cette défaite initiale a accentué la pression pour le déplacement à Charleroi. Il fallait à tout prix récupérer les points perdus. Or, nous avons concédé le partage au Mambourg. Le doute s’est réinstallé et le groupe a plongé dans une spirale négative. Il y a eu l’effet boule de neige. Le climat s’est détérioré. Les supporters ont commencé à se dire que ce ne sera pas encore pour cette année-ci. Et leur déception a rejailli sur les joueurs.

Ce n’est pas en se fâchant que cela ira mieux. Mouiller son maillot est une chose. Trouver un équilibre, une organisation et un fonds de jeu en est une autre.

Effectivement. Les supporters se sont rendus compte qu’ils étaient allés trop loin après la défaite au Lierse. La réunion avec les joueurs, le staff et la direction s’est révélée très positive. Depuis lors, tout le monde n’a cessé de prodiguer des encouragements. On a compris qu’on ne faisait pas des résultats en claquant des doigts. Il faut du travail… et un peu de chance. Celle-ci nous a souvent boudé cette saison.

Dans l’état actuel, que peut encore espérer le Standard de sa saison?

En priorité, réaliser un très bon parcours en Coupe de Belgique. Nous n’avons plus trop le choix: il faut miser là-dessus. En championnat, il faudra essayer de remonter à un rang plus conforme au standing du club. Le titre, n’en parlons plus: Bruges ne perd pratiquement aucun point. Essayons au moins de terminer à une place honorable.

On sait que le Standard espère un titre depuis 20 ans. Compte tenu du talent présent, a-t-il réellement les moyens de rivaliser avec Bruges et Anderlecht? Si tout s’enclenche dans le bon sens, quelle serait selon vous la position « normale » du Standard?

En tout cas, pas la dernière. L’équipe devrait au moins se situer parmi les trois ou quatre premiers du classement. De là à viser le titre, il y a peut-être de la marge. Mais, entre le 4e et le 1er, l’écart est souvent minime. Si les circonstances sont favorables, rien n’est impossible.

Daniel Devos

« D’autres, paraît-il, détiennent la vérité du foot en Belgique »

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