« Passion, amour, fierté et gloire »

L’Argentine a dépassé le Brésil en émigration de footballeurs et la majorité d’entre eux passe d’abord par la capitale, qui grouille de clubs de D1 !

« L’homme peut changer de tout. De visage, de maison, de famille, d’amie, de religion ou de dieu, mais il existe une chose dont on ne peut changer, Benjamin, c’est de passion…  » Cette citation est extraite du film argentin El Secreto de sus Ojos, un thriller couronné en 2010 par un Oscar pour le meilleur film étranger. Une merveille émaillée de revirements étonnants et, notamment, d’une scène de football filmée à l’occasion d’un match entre Hurácan et le Racing, deux équipes de Buenos Aires.

Le foot c’est LA passion, outre la politique, de pratiquement tous les Argentins. Et cette passion est essentiellement concentrée dans la Capital Federal, la capitale du pays. Une remarque s’impose : à côté de la ville Buenos Aires (3 millions d’habitants) il existe aussi Gran Buenos Aires (une agglomération d’environ 13 millions d’habitants)… et la province de Buenos Aires dont La Plata (à environ 100 km) est la capitale. Là, dans cette ville universitaire, le club principal est celui d’Estudiantes.

On connaît les derbies londoniens, madrilènes, romains… ou celui entre le Partizan et l’Etoile Rouge de Belgrade. Ou les affrontements entre le Celtic et les Rangers de Glasgow. Sans conter les PSG-OM… Mais rien ne nous a préparé à Buenos Aires !

L’année passée, il ne nous a fallu qu’un quart d’heure de Hurácan- Vélez pour être totalement conquis. Le niveau n’est pourtant pas très élevé. Les deux équipes sont des calibres moyens dans la Primera Division et Hurácan est même mêlé à la lutte pour le maintien. Mais quelle passion dans ces vieilles tribunes ! Des chants, des applaudissements, des jurons déferlent des gradins où se débattent et gesticulent des fans enflammés. Sans retenue. A l’occasion d’un but de Hurácan, l’un d’entre eux se déculotte et présente son derrière à l’adversaire. Beaucoup de police, quelques escarmouches, des drapeaux, des fumigènes et en permanence les chants continus du barra brava (noyau dur). Pasión.

Trois jours plus tard nous assistons à un autre match de Vélez, cette fois contre le populaire Boca, mais non pas dans le légendaire stade La Bombonera de ce dernier. Celui dont l’entrée est décorée de la célèbre inscription  » Passion, amour, fierté et gloire « , autant de vertus à l’adresse du dieu football. Devant nous se tient une jeune fille d’une vingtaine d’années, jupette au vent et échancrée de manière à dévoiler son tatouage à l’écusson du club. A nouveau un match fou qui se termine par 4-3. A Boca, Riquelme est le maître à jouer et Palermo le buteur. Mais Vélez s’affirme la meilleure équipe, qui luttera d’ailleurs jusqu’au bout pour le titre. Lorsqu’en fin de match le ton monde sur les populares (les places debout), nous nous retirons prudemment. Nous nous retrouvons parmi la hincha de Vélez, près des policiers. Mais quand des bagarres éclatent entre supporters des deux camps, les gardiens de l’ordre ne bronchent pas. Passionnément, ils suivent la rencontre.

Le lendemain River Plate affronte San Lorenzo. Deux jours plus tard Argentinos joue à domicile. A Avellaneda, il y a le clásico entre Indepediente et le Racing. Bref, c’est l’embarras du choix. Et toujours, il y a des tickets en suffisance. Sauf pour un clásico. A cette occasion il faut se fournir sur le marché noir ou auprès d’une agence organisant les déplacements aux matches. Cette formule s’avère un peu plus chère mais elle est sûre. Ainsi, nous rencontrons deux amateurs néerlandais qui avaient acheté au marché noir deux places à 100 dollars pièce pour un match de Boca. L’entrée leur a été refusée : les tickets étaient faux…

Les grands

Club Atlético Boca Juniors

Quartier: La Boca

Stade: Albarto J. Amando alias La Bombonera (la Bombonière)

Titres: 29

Principaux joueurs: Diego Maradona, Martin Palermo, Roberto Abbondanzieri, Roberto Mouzo, Juan Riquelme, Carlos Montaya, Nicolas Burdisso, Antonio Rattin

Historique: Le club le plus populaire du pays, sis en bord de la rivière. Environ quatre Argentins sur dix se disent supporters de Boca. La légende veut que le choix des couleurs du club (jaune et bleu) a suscité d’interminables discussions. Jusqu’au moment où il fut décidé qu’elles seraient celles du premier navire accostant au port. C’était un bateau suédois…

À noter: Planté à une dizaine de minutes du centre, le stade est un must pour les touristes. Il s’y déroule également de grands concerts rock. Un guide conduit les visiteurs jusque dans les vestiaires. La Doce, qui est le noyau dur du club, y exerce beaucoup de pouvoir et est soupçonné de trafic illégal, de violence et de chantage. Il contrôle les rues, commerces et parkings autour du stade.

Club Atlético River Plate

Quartier: Belgrano

Stade: Estadio Monumental

Titres: 34

Principaux joueurs: Ubaldo Fillol, Daniel Passarella, Alberto Tarantini, Mario Kempes, Nery Pumpido, Ariel Ortega, Sergio Goyochea, Hernán Crespo, Enzo Francescoli, Javier Saviola, Pablo Aimar, Marcelo Salas, Claudio Cannigia

Historique: Le club est aussi appelé Los Millionarios à cause des grandes sommes d’argent investies dans des transferts dès les années 1920. Tout comme Boca, River Plate a été fondé dans le quartier La Boca, d’où la grande rivalité entre les deux clubs. En 1922, River Plate a quitté ce coin sud-est de la ville, mais il est bien le plus ancien des deux. Il doit son nom à ses premiers pratiquants, des dockers qui jouaient au football entre le déchargement de navires. Ils l’ont baptisé River Plate du nom inscrit sur les caisses qu’ils manipulaient ce jour-là.

À noter: Le club le plus populaire après Boca mais le plus riche en titres et honneurs. Avec Passarella à sa présidence depuis l’an dernier, il dispose à ce poste d’une personnalité à la fois ancien joueur et entraîneur du club. C’est dans le stade Monumental qu’a été jouée la finale de la Coupe du monde 1978. Il semble à peine avoir changé depuis.

Club Atlético San Lorenzo de Almagro

Quartier:Almagro, Boedo, Bajo Flores

Stade: Estadio Pedro Bidegain alias Nuevo Gasometro

Titres: 13

Principaux joueurs: Alberto Acosta, Sergio Villar, Roberto Telch, Ricardo La Volpe, Pablo Zabelata

Historique: L’un des cinq « grands » du foot argentin, bien qu’il n’ait remporté que deux titres (2001 et 2007) au cours de la dernière décennie. Il a été fondé par des jeunes gens d’un quartier déshérité qui s’étaient appropriés d’autorité un champ en friche pour y jouer au football. Seul un prêtre du hameau avait de l’influence sur cette bande turbulente. Le quartier s’appelait Almagro, le prêtre Lorenzo Massa. D’où le nom. La structure du premier stade ressemblant à un gazomètre, il en a aussi hérité le surnom.

À noter: Le club a toujours été très populaire. Même à une époque de basse conjoncture – en 1982 il a joué la seule saison de son histoire en deuxième division – San Lorenzo a réuni 75.000 spectateurs à l’occasion d’un match contre Tigre.

Les challengers

Club Atlético Vélez Sársfield

Quartier: Liniers, Villa Luro

Stade: José Amalfitani, appelé aussi El Fortin

Titres: 7

Principaux joueurs: Carlos Bianchi, Raúl Cardozo, José Luis Chilavert, Jonás Gutiérrez, Nicolás Otamendi, Daniël Willington, Mauric Pellegrino, Diego Simeone, Mauro Zárate

Historique: Le club célèbre cette année son centenaire. En cette occasion, il a lutté jusqu’au bout pour le titre lors du dernier apertura. Vélez est l’un de ceux qui montent en puissance dans la hiérarchie du foot argentin. Situé en bord d’une autoroute très fréquentée, le stade doit être l’un des plus regardés du pays. En 1914, après des débuts difficiles, au constat du grand nombre de socios d’origine italienne, on adopta les couleurs du drapeau italien pour celles du club. Un ancien journaliste, José Don Pepe Amalfitani, prit la direction du club et laissa son nom au stade.

À noter: C’est sur le terrain de Vélez, le 7 décembre 1928, que s’est joué le premier match en nocturne en Argentine. Au sommet de piquets en bois érigés autour du stade on avait aménagé 39 projecteurs munis chacun de 3000 lampes.

Argentinos Juniors

Quartier: La Paternal

Stade: Diego Armando Maradona

Titres: 3

Principaux joueurs: Diego Maradona, Sergio Batista (successeur de Maradona comme coach fédéral), Lucas Biglia, Fernando Redondo, Juan Riquelme, Nicola Pareja, José Pekerman, Esteban Cambiasso

Historique: Un groupement socialiste se trouve à la création du club, dont les couleurs sont le rouge et blanc, après avoir été d’abord le vert et le blanc. Le club disparut pratiquement de la carte dans les années 1930 lorsque le chemin de fer envahit les lieux.

À noter: Argentinos acquit une nouvelle renommée quand le jeune Diego Maradona s’y épanouit. Il y joua de 1976 à 1981 et réussit 116 buts. Reconstruit en 2003, le stade hérita du nom de son idole. Argentinos est devenu l’inattendu champion de la Clausura 2010.

Club Atlético Hurácan

Quartier: Parque Patricios

Stade: Estadio Tomas Adolfo Duco alias El Palacio

Titres: 5

Principaux joueurs: René Houseman, César Luis Menotti, Alfio Basile, Carlos Babington, Osvaldo Ardiles

Historique: Voisin de San Lorenzo. Les stades des deux clubs étaient sis un moment dans la même avenue. L’actuel président Babington a été joueur et entraîneur du club. Hurácan a reçu le surnom d’ El Globo parce qu’au début du siècle dernier un aéronaute a fait sa publicité en voyageant en ballon à l’effigie du club d’Argentine au Brésil. L’ancien président Tomas Adolfo Duco dont le stade porte le nom était un colonel ayant participé en 1943 à un coup d’Etat. Il était le beau-frère de Juan Domingo Peron qui allait prendre le pouvoir quelques années après le coup d’Etat.

À noter: Pour se rendre compte de l’ambiance qui peut être créée dans le stade de Hurácan, il faut visionner le film El Secreto de sus Ojos.

Club Atlético All Boys

Quartier: Floresta, Monte Castro

Stade: EstadioIslas Malvinas Floresta

Titres: –

Principaux joueurs: Carlos Tévez, Néstor Fabri

Historique: Le petit frère d’Argentinos avec lequel le club dispute la préséance dans le secteur. Animé au départ par des sociétaires anglophiles d’où le nom d’All Boys. Le blanc a été choisi comme couleur principale du club en signe de pureté. L’argent partiellement nécessaire à la construction de la première tribune a été recueilli grâce à des soirées dansantes.

À noter: Le cadre du club et quelques uns de ses joueurs sont les figures de proue d’une série télévisée Son Amores consacrée au football. Le stade sert régulièrement de théâtre à l’organisation de concerts rock. Tous les grands groupes argentins y ont chanté : Intoxicados, Ojos Locos, Los Ratones Paranoicos. Chaque année, le 22 décembre, le Père Noël atterrit en hélicoptère au milieu du stade pour le plus grand plaisir de milliers d’enfants.

Au-delà de la rivière

Racing Club

Quartier: Avellaneda

Stade:Estadio Juan

Domingo Perón

Titres: 16

Principaux joueurs: Roberto Ayala, Alfio Basile, Ubaldo Fillol, Diego Milito, Diego Simeone

Historique: Les installations du Racing Club se situent juste au-delà de la rivière Riachuelo (la plus polluée du monde affirment les Argentins) et sont voisines de celles d’Independiente, situées à 400 mètres à vol d’oiseau. Il suffit de franchir un pont pour les atteindre. Dans ce quartier très appauvri les derbys entre le Racing, aussi appelé La Ademica, et Independiente sont forcément très chauds. Le Racing figure parmi les grands clubs d’Argentine. Le quartier doit son nom d’Avellaneda au fait qu’il abrite une fourmilière d’immigrants. Il se déclare le premier club d’Argentine à avoir été créé par des criollos, les gens nés en Amérique du Sud de parents européens. En 1910, l’année centenaire de l’indépendance acquise envers l’Espagne, le Racing adopta les couleurs nationales argentines pour le club, maillot rayé bleu ciel et blanc.

À noter: Le Racing est le club de l’establishment, héritier de Juan Domingo Peron. Récemment décédé, Nestor Kirchner, l’époux de la présidente Cristina Fernandez, était un chaud partisan du Racing.  » J’ai davantage souffert du football que de la politique  » a-t-il déclaré un jour. Quand la saison dernière, le Racing était en lutte pour la dégradation, il a promis le don de quatre grands écrans plats si le club se maintenait. Le Racing s’est sauvé et Kirchner a tenu parole.

Club Atlético Indepediente

Quartier: Avellaneda

Stade: Liberatores de America

Titres: 16

Principaux joueurs: Arsenio Erico, Ricardo Bochini, Daniel Bertoni, Diego Forlán, Sergio Agüero, Jorge Burruchaga, Nicola Frutos, Lucas Biglia, Oscar Ustari

Historique: les Diablos Rojos d’Argentine. Si Fulham est le club de Harrods, Independiente est également celui d’une grande surface de distribution située jadis au coin de l’Avenida de Mayo en Peru. Elle portait le nom de La ciudad de Londres et on y trouvait tout ce qu’on pouvait désirer. Les plus jeunes travailleurs du magasin se sont rassemblés pour fonder un club de football. Les couleurs (rouge et blanc) auraient été inspirées par celles de Nottingham Forest, venu en visite quelques années plus tôt. Une autre version favorise un choix de tendance socialiste dirigé contre la hiérarchie locale.

À noter: Avec sept victoires dans la Copa Libertadores, Independiente s’affirme comme le club le plus prestigieux d’Amérique Latine.

Arsenal Futbol Club

Quartier: Sarandi, Avellaneda

Stade: Julio Humberto Grondona

Titre: –

Principaux joueurs: Jorge Burruchaga, Hector Grondona, Dario Espinola

Historique: C’est le jouet de la famille Grondona. Julio Humberto est l’un des fondateurs et son frère Hector (également co-fondateur) est le meilleur buteur de tous les temps du club. Julio Ricardo Humberto, le fils de Julio Humberto, est l’actuel président du club. Julio Humberto est une véritable icône du football argentin. Il a été près de vingt ans président d’Arsenal, quelque temps d’Independiente et préside depuis 1979 la fédération argentine. Il est également vice-président de la FIFA.

À noter: Le club a été fondé assez tard, en 1957, dans un quartier (Avellaneda) déjà partagé entre le Racing et Independiente. Pour n’indisposer personne, on choisit comme couleurs du club le rouge de l’un et le bleu ciel de l’autre. Le nom d’Arsenal est un hommage rendu aux prestations du club londonien.

Les clubs de la périphérie

Club Atlético Banfield

Quartier: Banfield

Stade: Florencio Sola

Titres: 1

Principaux joueurs: Renato Civelli, Javier Sanguinetti

Historique: Comme le nom du club le laisse supposer, il a été fondé, à la fin du 19e siècle, par des Anglais et des Irlandais, ces derniers ayant inspiré le choix des couleurs vert et orange des maillots. Au début, tous les joueurs étaient Britanniques. Banfield se situe à environ 15 km au sud de la capitale. Le surnom de El Taladro (la foreuse) s’est répandu après une victoire de Banfield à Independiente au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Un journal a alors affirmé que Banfield  » avait foré en terre toutes les ambitions d’Indepediente « .

À noter: Jesus Datolo, ex-joueur de Banfield, deux  » capes  » avec l’Argentine, et actuellement à Espanol, a également joué à Naples. Lorsqu’à cette époque il a posé pour le magazine gay Romeo Mag, le club italien a envisagé des poursuites à son encontre sous prétexte qu’il aurait mis en doute la virilité de la Liga italienne…

Club Atlético Lanus

Quartier: Lanus

Stade: Estadio Ciudad de Lanus, Nestor Diaz Perez, allias La Fortaleza

Titres: 1

Historique: Tout comme Banfield, Lanus est situé au sud de la capitale. A l’occasion des confrontations entre les deux clubs on parle désormais de Clásico del Sur. Lanus est le lieu de naissance de Diego Maradona, mais il n’a jamais évolué dans le club local. Après quelques années difficiles, c’est Hector Cuper qui a remis le club sur la carte du foot argentin. Il est à présent l’un des hauts lieux de la formation de jeunes.

À noter: Le club est actuellement dirigé par Luis Zubeldia (29), qui fut lors de son intronisation le plus jeune entraîneur de tous les temps en Argentine. Footballeur promis au plus bel avenir, jeune international, Zubeldia a dû mettre fin à sa carrière à l’âge de 23 ans à la suite d’une grave blessure au genou.

Club Atlético Tigre

Quartier: Victoria

Stade: José Dellagiovanna

Titres: –

Principaux joueurs: Carlos Luna

Historique: Au nord de la ville, après Belgrano (River Plate), existait un grand vide. Tigre l’a comblé et y est devenu un club très populaire.

Remarquable : Tigre est le premier club argentin ayant disputé un match international : en 1913 contre Central Montevideo d’Uruguay (2-2).

PAR PETER T’KINT

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