Passer l’éponge

Bruno Govers

Ils en ont vu de toutes les couleurs cette saison chez les Coalisés mais gardent plus que jamais la fibre.

Ils présentent la particularité d’avoir été logés à peu près à la même enseigne, cette saison, au FC Brussels. Titulaires indiscutables au départ, l’un au poste de gardien et l’autre à celui de défenseur central, Patrick Nys (36 ans) et Sammy Greven (31 ans) se sont attiré, chemin faisant, les foudres de l’ancien entraîneur du club, Emilio Ferrera, au point d’avoir dû se résigner pendant de nombreuses semaines à jouer les utilités. Si Pat a été ôté du formol, à la surprise générale, dans l’optique du déplacement à Beveren, son compagnon d’infortune, lui, attend toujours d’être relancé dans le 11 de base, même s’il a eu droit à quelques piges. Samedi dernier, pour cause de blessure au pied, il n’était d’ailleurs pas même repris sur la feuille de match.

A quel moment cette saison a-t-elle tourné pour vous en eau de boudin ?

Patrick Nys : Après le déplacement au Lierse, fin novembre. L’équipe avait été sèchement battue là-bas, 5-1, et Emilio Ferrera m’avait reproché d’avoir précipité notre défaite suite à l’une ou l’autre interventions malencontreuses. Il était d’avis aussi que j’avais abandonné mes partenaires, en fin de partie, en simulant une blessure au genou qui avait nécessité mon remplacement sur-le-champ. Ce n’était pas de la comédie, manifestement, puisque quelques semaines plus tard, je suis bel et bien passé sur le billard en raison d’une lésion à un ménisque ainsi qu’à un tendon. A ce moment-là, je ne faisais toutefois déjà plus partie des priorités aux yeux du coach, j’avais été versé entre-temps dans le noyau B. Une situation qui a perduré jusqu’à ce que Robert Waseige me repêche dans l’optique du déplacement à Beveren.

Sammy Greven : Mes malheurs remontent au match à La Louvière, en janvier. La semaine précédente, j’avais eu le mauvais réflexe de tancer vertement le gardien, Isa Izgi, qui avait précipité notre défaite de justesse face à Lokeren, au stade Edmond Machtens, suite à une sortie aérienne très approximative, habilement exploitée par Runar Kristinsson. C’est vrai que je n’aurais pas dû afficher ma désapprobation de cette manière mais il faut replacer cette scène dans son contexte : depuis des semaines, voire des mois, il nous avait toujours manqué un petit quelque chose pour grappiller des points. Alors qu’une unité se profilait à l’horizon contre les Waeslandiens, une erreur individuelle d’un joueur nous en privait in extremis. Ce n’était pas la première fois que cette mésaventure nous arrivait et je n’avais pas pu m’empêcher d’exprimer toute ma frustration à cet instant précis. J’aurais évidemment été plus inspiré en gardant cette ranc£ur pour moi puisqu’une semaine plus tard, c’est moi-même qui ai commis l’irréparable sous la forme d’un penalty concédé en bout de rencontre chez les Loups. Après coup, Emilio Ferrera n’avait pas hésité à me traiter ni plus ni moins de saboteur. Pour moi, ce fut le début de la fin car depuis cette date, et en dépit du changement opéré à la tête de la Première, je n’ai plus jamais été titulaire, contrairement à Pat qui, lui, a eu le bonheur d’être repêché.

Brouille avec Ferrera

Aviez-vous déjà eu maille à partir avec l’entraîneur avant ou la sentence fut-elle abrupte ?

Nys : Je travestirais la vérité en prétendant que le climat de travail était au beau fixe entre nous. Au départ, il n’y avait strictement rien à redire. Malgré notre absence de résultats, j’avais le sentiment qu’Emilio Ferrera effectuait du bon travail. De ce point de vue-là, mon opinion n’a d’ailleurs toujours pas changé. A 36 ans, j’ai connu bon nombre de mentors durant ma carrière et le Bruxellois fait indéniablement partie des meilleurs que j’aie connus, comme Walter Meeuws entre autres. Je suis intimement convaincu qu’il ne détonnerait nullement dans un club de pointe, tant en Belgique qu’à l’étranger car il a une vision sans pareille du football. Le hic, c’est qu’hormis les paramètres habituels que sont la technique, le physique, la tactique et le mental, un autre facteur est essentiel aussi dans les résultats, surtout dans un club de moindre envergure comme le FC Brussels : l’ambiance. Et à ce niveau-là, malheureusement, le bât blessait chez l’entraîneur. Désolé, mais pourquoi Westerlo réussit-il au-delà des espérances chaque année ? Tout simplement parce que Jan Ceulemans y favorise un excellent climat, fait de repas en cours de saison et d’un voyage à l’étranger avec les familles sitôt le championnat terminé. Au stade Edmond Machtens, nous avions connu cette atmosphère tout au long de la défunte campagne, sous les ordres d’Harm Van Veldhoven. Je ne devrais peut-être pas le dire, mais si nous avions été défaits 4-1 à Tirlemont, en début de championnat, c’était dû plus que probablement à un barbecue copieusement arrosé qui s’était terminé aux petites heures en prélude à cette partie. Ce résultat foireux avait cependant eu le don de nous transcender, au nom de la bonne entente régnant entre nous, et nous n’avions plus lâché grand-chose jusqu’en fin de compétition. Avec Emilio Ferrera, hélas, nous étions loin de la même effervescence. Quand je lui ai fait remarquer, en tout début de campagne, que ce groupe avait besoin d’un repas sympa avec les épouses pour repartir du bon pied, il m’a répondu que seul le travail sur le terrain l’intéressait. Pour moi, le mal était fait à ce moment car pour la première fois, j’ai clairement ressenti que j’avais perdu du crédit à ses yeux.

Greven : L’une des premières choses qu’il m’ait dites, en tout début de saison, c’est que je n’avais pas la pointure d’un joueur de D1. Il m’a dit : -Il suffit de jeter un coup d’£il à ta carrière pour en être convaincu. C’est vrai que j’ai joué à Eindhoven VV, qui n’émargeait pas à l’élite néerlandaise, et que j’ai défendu également les couleurs du FC Malines et du FC Strombeek à un échelon inférieur. Mais j’avais aussi connu la D1 avec les Sang et Or, et avec l’Antwerp auparavant. Le raisonnement de l’entraîneur n’était donc pas tout à fait fondé. Par la suite, comme il me soupçonnait au même titre que Pat et quelques autres, de fomenter un complot contre lui, il m’avait interdit d’encore faire route avec Richard Culek à destination de la capitale et retour. En dépit de la position précaire du club, je jure que jamais je n’ai songé un seul instant à déstabiliser le coach. Mon jugement à son égard est strictement le même que celui de Pat : c’est un tout grand, et même le meilleur que j’aie jamais connu. Même s’il ne m’avait pas à la bonne, je l’ai toujours respecté. Pendant toute la durée de notre collaboration, je n’ai eu qu’une seule envie : lui démontrer que je valais une place de titulaire. Et jusqu’à cette joute de sinistre mémoire au Tivoli, j’étais bien puisque je n’avais dû céder ma place qu’une seule fois : pour abus de cartes jaunes. Je le répète : je n’avais pas de problèmes avec Emilio Ferrera. A l’instar de Pat d’ailleurs. Mais il faut croire, manifestement, que lui en avait avec nous puisque nous avons été rétrogradés suite à des divergences de vue. Je crois qu’il a voulu nous faire porter le chapeau de ses propres errances. A partir de ce moment-là, plus rien ne fut jamais comme avant.

Avides de revanche

Malgré une situation sportive à peu près similaire, vous avez eu droit tous deux à des traitements divers lors du mercato : l’un fut sommer de partir et l’autre de rester.

Nys : Au même titre que Christophe Kinet, montré du doigt lui aussi pour des motifs qui échappent à mon entendement, j’ai effectivement été encouragé à aller voir ailleurs puisque, de toute façon, je n’avais soi-disant plus d’avenir au sein du noyau A. Si je l’avais réellement voulu, j’aurais pu partir à Sakaryaspor, en Turquie. Un pays et une compétition qui ne me sont pas étrangers puisque, de 2000 à 2002, j’avais défendu les couleurs du Gençlerbirligi Ankara. Sakarya, ce n’est évidemment pas comparable à la capitale de la Turquie et c’est pourquoi je n’étais disposé à répondre à cette offre qu’à la condition expresse que quelqu’un d’autre m’accompagne. J’ai, comme bien l’on pense, songé immédiatement à Sam qui n’était plus vraiment en odeur de sainteté non plus. Mais il n’a pas reçu son bon de sortie.

Greven : J’étais partant mais, à mon grand étonnement, le président Johan Vermeersch m’a déclaré intransférable, malgré tous les soubresauts que le club et moi-même avions connus jusqu’alors. Quelques semaines plus tard, à l’occasion d’une interview qu’il avait accordée à votre magazine, j’ai été stupéfait d’apprendre qu’il se serait débarrassé de moi si l’effectif du FC Brussels n’avait pas été aussi étriqué. Après coup, je lui ai demandé des éclaircissements à ce propos et il m’a répondu que ses paroles avaient dépassé son entendement. Soit. Pour moi, l’affaire était classée. Depuis lors, toutefois, je remarque quand même que je n’ai plus jamais été aligné au sein de l’équipe appelée à entamer la rencontre. Je suis à l’une ou l’autre reprises monté au jeu, certes. Mais je m’attendais à plus.

Lors de vous retours respectifs après les événements que l’on sait, vous aviez pourtant tapé dans le mille : Patrick en livrant un match dantesque au Freethiel, et vous, Sammy en étant près de marquer face au Standard. Est-ce votre ego qui vous a poussé tous deux à vous sublimer en ces circonstances ?

Nys : J’étais avide de revanche, c’est certain. Dans les faits, je n’étais pas réellement préparé à cette joute importantissime chez les Jaune et Bleu. J’avais à peine deux entraînements dans les jambes et, au cours des quatre mois précédents, je n’avais eu droit qu’à un match complet en Réserve et deux mi-temps. Grâce à Alain Balis et Jean-Marie Neuzy, les deux coaches qui s’étaient occupés de moi pendant tout ce temps, je n’en étais pas moins prêt physiquement et techniquement. Le mental a tout simplement fait le reste. Beaucoup seront d’avis que je jouais gros jeu à cette occasion. Mais moi, j’étais serein. Je ne m’étais jamais senti aussi léger avant un match que ce soir-là. Car que pouvait-il m’arriver ? En vérité, pas grand-chose. Si je me plantais, il fallait en chercher les raisons dans la longue coupure que j’avais dû observer, contraint et forcé. Sinon, j’étais gagnant à tous les coups et c’est ce qui s’est bel et bien passé.

Greven : J’avais à c£ur d’effectuer une mise au point, moi aussi. Car quoique je le dise moi-même, le FC Brussels sans moi, ce n’est pas vraiment le FC Brussels. J’ai ma place dans cette équipe. Il est simplement regrettable que Robert Waseige n’en soit pas convaincu. A l’occasion d’un entretien avec lui, il m’a clairement fait comprendre que, dans la hiérarchie des défenseurs centraux, je me situe derrière Laurent Wuillot, Davy Theunis, Steve Colpaert et Bertrand Crasson. C’est son bon droit de penser ainsi. Mais je veux lui prouver le contraire.

Que vous réserve l’avenir ?

Nys : J’ai encore un an de contrat au FC Brussels et il me plairait de le mener à bien. Pour moi, le passé est le passé. J’ai passé l’éponge, seul m’intéresse le sauvetage du club et l’avenir. A cet égard, j’aimerais préparer de la meilleure manière qui soit la relève pour Isa Izgi. Car qu’on le veuille on non, ce garçon a été conduit au casse-pipe cette saison en étant parachuté dans l’équipe du jour au lendemain, sans préparation spécifique. Cette transition aurait dû être nettement moins abrupte.

Greven : J’ai paraphé un bail jusqu’en 2007. Si des perspectives me sont offertes en Première, je les honorerai sans problème. Moi aussi, malgré les problèmes que j’ai connus, je suis prêt à tout oublier et à repartir du bon pied. Mais si mon horizon est à jamais bouché, il faudra peut-être que j’aille voir ailleurs. Je vaux mieux qu’un statut de réserviste.

Bruno Govers

 » EMILIO FERRERA maîtrise tous les paramètres sauf un : L’AMBIANCE  » (Patrick Nys)

 » LE FC BRUSSELS SANS MOI, ce n’est pas vraiment le FC Brussels  » (Sammy Greven)

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