Passer au vert

Pierre Bilic

L’ancien gardien de but du Standard a centré ses nouvelles ambitions au Tivoli.

On dit de lui que c’est un brave homme. Filip Susnjara est bien éduqué, cela saute aux yeux, mais cette politesse n’a pas érodé ses ambitions. Les quatre saisons passées au Standard non plus. A 27 ans, l’ancien portier du NK Osijek, le club de D1 croate entraîné par Branko Karacic et où milite désormais Robert Spehar, entend donner un nouvel élan à sa carrière.

La gentillesse de l’accueil louviérois l’a agréablement surpris.

 » La différence d’ambiance par rapport au Standard est frappante « , dit-il.  » A Sclessin, tout est beaucoup plus tendu. Le stress y est palpable tous les jours, dans tous les contacts et au boulot, car l’obligation de réussir est une réalité. Les Louviérois sont plus calmes et tout aussi professionnels que les Liégeois. La pression médiatique est probablement moins pesante qu’au Standard où tous les faits et gestes sont épiés. Les Rouches ont une place à part dans l’histoire du football belge. La Louvière n’en est pas là mais il y a une qualité de travail évidente ici. Ce club s’est installé dans le paysage du football belge et représente de plus en plus dignement le football wallon. Et puis, si l’aura de La Louvière n’est pas comparable à celui du Standard, c’est quand même elle qui a la Coupe de Belgique en poche. C’est un groupe sérieux qui connaît ses armes et sait où il va « .

Filip Susnjara a été épaté par le côté cool du groupe. La Louvière ne sera pas obligée de rouler des mécaniques tout au long de la saison à venir. Mais le succès en finale de la Coupe de Belgique a tout de même donné un autre profil au club du SignorGaone. Une campagne se limitant à une lutte au couteau pour sauver sa peau en D1 serait synonyme de déception. N’est-ce pas une forme de pression ou la naissance de nouvelles obligations dans les résultats et la qualité du jeu ?

 » Notre entraîneur a été assez clair à ce propos « , révèle Filip Susnjara.  » La Louvière a l’ambition de décrocher une place dans la colonne de gauche. Le club aimerait être présent au moins en quarts de finale de la Coupe de Belgique. Si nous allons plus loin, ce sera, comme la saison passée, un beau bonus. En Coupe de l’UEFA, tout le monde fera le maximum afin de beaucoup voyager. Il y a, au sein de ce groupe, un mélange d’expérience et de jeunes qui n’ont qu’une obsession : se vider les tripes « .

La concurrence est nécessaire

Susnjara aura certainement noté que la phalange du Centre est toujours organisée jusque dans les moindres petits détails. Personne n’aime de frotter aux Loups qui exploitent bien leurs qualités et savent mettre à jour les défauts adverses, comme ce fut le cas en finale de la Coupe de Belgique face à St-Trond. Susnjara n’est pas venu au Tivoli afin de faire banquette. On ne prend pas sa pré-pension à 27 ans. Le gaillard est affûté.

 » Ariel Jacobs m’a dit que Silvio Proto serait le titulaire si la compétition commençait demain « , avance-t-il.  » Normal. Mais le championnat retrouvera ses droits dans moins d’un mois et je veux être dans le coup, avoir le rythme des matches. Tout change vite. Je dois être un concurrent de Silvio et lui pour moi. Cette émulation est nécessaire pour tout le monde. Pour lui, pour moi, pour le groupe. A ce niveau, il faut respecter ses équipiers mais être sûr de soi et je le suis. Silvio est un des gardiens belges que je préfère avec Frédéric Herpoel et Olivier Van Himpe de Gand. Un club de D1 qui se respecte doit forcément avoir deux bons gardiens. La doublure a l’obligation d’être parfaitement prête « .

Il ne considère pas du tout que le transfert à La Louvière soit un pas en arrière. Quand Jan Van Steenberghe refusa de signer son nouveau contrat, avant d’être embrigadé à Anderlecht, Roland Louf prit contact avec Youri Selak, l’agent de Filip Susnjara. Un accord fut trouvé et un contrat signé pour une saison. Le gardien de but était libre après avoir achevé son contrat de quatre ans sous la vareuse rouche. Pour lui, il y eut à boire et à manger durant ce laps de temps. Susnjara eut la malchance de débarquer dans un club avec un Tarzan dans sa cage : Vedran Runje.

 » Je suis resté deux saisons dans son sillage mais j’ai la prétention de dire que j’étais sur ses talons à l’entraînement « , affirme-t-il.  » Je suis un pro et je ne lui ai pas permis de s’endormir sur ses lauriers. Vedran était indiscutable et il réalise une grande carrière. Chapeau. J’ai continué à travailler avec les deux Jean Nicolay, père et fils, et ChristianPiot en attendant mon heure « .

Son moment sonna après deux ans et le départ de Vedran Runje à Marseille. Susnjara prit part à huit matches de championnat et quatre matches de Coupe d’Europe de l’UEFA avant que Michel Preud’homme ne l’élimine au profit de Khalid Fouhami.

 » Il m’a annoncé la mauvaise nouvelle la veille de notre match aller face aux Girondins de Bordeaux « , se souvient-il. Un moment difficile et on reparla du caractère  » trop doux  » de Filip ainsi que d’hésitations dans sa façon de commander sa défense.

 » Je n’ai pas compris le débat « , lance-t-il.  » On a dit que Vedran était plus extraverti que moi. Et alors ? Est-ce le caractère qui importe ou les résultats ? Runje est un Dalmate et les gens de cette région sont exubérants. Moi, je suis originaire de Slavonie où on voit les choses plus calmement. Comme il était parti, la comparaison était inutile. Fabian Carini est encore plus réservé que moi. Toujours est-il que j’ai encaissé durement cette décision tout en la respectant. Je suis payé et c’est le coach qui décide « .

Pas dans le trou

La critique affirma que son match à Strasbourg ne fut pas parfait et que cela pouvait expliquer la décision de Michel Preud’homme.

 » Je n’ai pas été blanc comme neige sur les deux buts alsaciens « , reconnaît-il.  » Maison a oublié de dire que j’avais parfaitement neutralisé une tentative de Danijel Ljuboja. Sans cela, c’est Strasbourg qui se serait qualifié pour le tour suivant, pas le Standard. Je ne sais pas si des joueurs ont exprimé des griefs auprès du coach. Je n’ai pas cessé de travailler, au contraire, et j’ai retrouvé ma place en fin de saison. L’équipe ne joua pas mieux sans moi et cela prouve que le problème ne se situait pas à mon niveau « .

Il y a un an, le Standard entama la saison avec Susnjara entre ses perches. Etait-ce enfin le décollage ?

 » On ne m’a jamais ouvertement dit que j’étais la priorité « , certifie-t-il.  » Le Standard avait eu l’ambition d’engager Geert De Vlieger qui s’avéra finalement trop cher. C’est à ce moment-là qu’on pensa à moi, pas avant. C’était un choix obligé, pas celui du c£ur. Puis, le début de championnat du groupe fut tout à fait catastrophique. Tout le monde était coupable : le groupe, l’entraîneur et la direction. Les joueurs auraient dû se dépasser, être plus forts que l’adversité. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Le coach, Robert Waseige, n’a pas su préparer ou lancer l’équipe. La direction était aussi à indiquer du doigt car elle avait composé le noyau. Un tel groupe doit toujours figurer dans la première moitié du classement, jamais plus bas. Après quatre matches, le Standard engagea un autre gardien de but : Fabian Carini. Je n’y comprenais rien mais je n’ai rien dit et, une fois de plus, l’équipe n’a pas mieux joué sans moi « .

Fabian Carini ne réalisa pas des miracles et fut même à la base de l’élimination du Standard en Coupe de Belgique après avoir commis une bourde de Cadet sur la pelouse des Loups. Un fait important car c’était la dernière chance liégeoise d’obtenir un billet européen. On ne relança pas Susnjara pour autant. Avait-il la malchance de ne rien coûter par rapport à Carini ? Ce dernier devait-il absolument jouer car une grosse partie de son contrat était payé par la Juventus ? Ce n’était pas le problème du nouveau gardien des Loups.

Après avoir trimé avec Michel Piersoul, Filip Susnjara précisa encore :  » Je n’ai jamais été dans le trou sur le plan mental. Je me suis toujours battu parce que c’est dans ma nature. Je ne renoncerai jamais. Je ne suis pas trop nerveux ou trop sensible au stress. J’avais un certain acquis avant de débarquer au Standard. Je retiens d’abord les bons moments passés à Sclessin. Pas question d’être négatif et j’ai été fier de jouer dans ce club et d’y être un bon professionnel. Ce fut parfois difficile mais il y a pire dans la vie. Et il m’appartient de prouver que je méritais plus de confiance au Standard. Comment ? En jouant bien à la Louvière « .

A lui de passer quand le feu sera vert. Ce Loup ardent s’est marié dans son pays le 20 juin dernier. Il résidera toujours à Liège.  » Il y a tout au plus une heure de route entre les deux villes « , conclut-il.  » J’ai hâte de retrouver l’ambiance du championnat « .

 » La Louvière n’est pas comparable au Standard, mais qui a gagné la Coupe ? »

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