Pas un saboteur

Le flanc droit flandrien dément avoir coupé la branche sur laquelle Philippe Saint-Jean était assis mais estime qu’un changement était nécessaire.

A bientôt 34 ans (il les fêtera le 12 mai), Koen De Vleeschauwer est l’un des 11 joueurs mouscronnois arrivant en fin de contrat. Il est l’un des anciens du club, dont il défend les couleurs depuis 1998. En l’absence du capitaine Francky Vandendriessche, il porta le brassard lors du match contre le Standard, le dernier de Philippe Saint-Jean à la tête des Hurlus.

Ces deux joueurs sont précisément accusés d’avoir été à la base du limogeage de l’entraîneur brabançon. A tort ou à raison ?

Commençons par évoquer votre avenir : avez-vous reçu une proposition de l’Excelsior en vue d’une prolongation de contrat ou partez-vous déjà du principe que vous ne serez plus Mouscronnois la saison prochaine ?

Koen De Vleeschauwer : Venant de Mouscron, je n’ai encore rien entendu. Je suppose que je peux partir. Francky Vandendriessche aurait reçu une proposition, mais si on lui propose ailleurs un contrat de deux ans assorti de meilleures conditions financières, il est normal qu’il songe à s’en aller. Je crois savoir qu’il n’a pas encore signé au Cercle, mais qu’il aurait un accord. Moi aussi, j’ai déjà discuté avec d’autres clubs. C’est logique : je ne peux pas attendre éternellement un hypothétique signal des Hurlus. Si on souhaitait absolument me conserver, on me l’aurait déjà fait savoir. Pourquoi faire attendre jusqu’à la dernière minute un joueur qui a passé sept années dans le club ? Je peux comprendre que la situation financière ne soit pas reluisante, mais alors il faut dire la vérité aux joueurs au lieu de les faire languir.

D’autant qu’on vous avait refusé un transfert à l’Omonia Nicosie, en janvier ?

Exactement. J’avais été très déçu de ne pas avoir pu donner suite à la proposition chypriote. Avant le Nouvel An, on avait affirmé que le club était au bord de la faillite et que l’on ne retiendrait personne. Sachant cela, un manager m’avait téléphoné pour me signaler qu’Henk Houwaart était intéressé par mes services. La première proposition n’était pas très intéressante. Trois ou quatre semaines plus tard, le manager en question est revenu à la charge avec de meilleures conditions. Et là, subitement, Mouscron a dit : – Non, pasquestion ! A priori, je n’étais pas très chaud à l’idée de m’expatrier, car mes enfants ont cinq et trois ans, et un déménagement aurait pu les perturber. Mais, à partir du moment où les conditions financières étaient intéressantes, j’étais prêt à faire le sacrifice de partir seul, pendant un an et demi. J’ai discuté pendant une heure au téléphone avec le président Jean-Pierre Detremmerie, mais c’était peine perdue. Il m’a fait comprendre que l’Excel avait encore besoin de moi pour assurer le maintien en D1. Je suis d’accord : j’ai signé jusqu’en juin 2005, et si l’on me demande d’honorer mon contrat jusqu’au bout, je n’ai pas le droit de refuser. Mais on ne peut pas me reprocher de regarder plus loin. Car, en fin de saison, que va-t-on me dire ? ûMerci beaucoup, Koen, tu nous as sauvés ! Maintenant, débrouille-toi…

Il y a deux ans, c’était Genk qui vous avait fait un appel du pied. Là aussi, Mouscron vous avait retenu…

Tout à fait. Et j’étais encore bien plus frustré, à l’époque. Je pouvais signer un très beau contrat, dans l’un des meilleurs clubs du pays, qui m’offrait une sécurité pour quatre ans. C’était une promotion sportive et financière. On a prétendu que la somme de transfert que Genk était disposé à verser était trop basse, mais elle se situait entre 300 et 400.000 euros. Pour un joueur de 32 ans, ce n’était pas mal. Si l’Excel avait eu l’intention de viser les sommets, j’aurais pu comprendre qu’on me retienne. Ce n’était pas le cas. Et lorsque je vois qu’on a laissé partir Christophe Grégoire pour des cacahuètes, et qu’on a également accordé un bon de sortie à Steve Dugardein, je me sens le dindon d’une mauvaise farce.

Jouer jusqu’à 36 ans

De telles opportunités se représenteront-elles ?

Des opportunités comme celle de Genk pas, mais je ne suis pas trop inquiet pour mon avenir. A 34 ans, je pense encore pouvoir rendre des services à pas mal de clubs. J’accorderai la préférence à un bon cercle belge. J’entends encore jouer deux ans au plus haut niveau.

D’ici là, il faudra d’abord bien terminer la saison avec Mouscron…

Et prendre des points le plus rapidement possible, en effet. La motivation est revenue. On s’entraîne dur, mais de façon agréable, avec beaucoup de petits matches à cinq contre cinq. On retrouve progressivement la condition ; on s’est rendu compte dans les petits matches d’entraînement qu’on était rapidement à court de souffle lorsque le rythme s’accélérait. C’est tout de même la preuve que, pendant des mois, on a mal travaillé. Chacun avait une bonne endurance, la condition de base était là, mais il manquait le rythme de compétition. Or, pour gagner des matches, c’est tout de même du rythme de compétition que l’on a besoin ?

A vous entendre, le changement d’entraîneur était donc nécessaire.

Oui. Je n’avais rien à l’encontre de Philippe Saint-Jean. Pendant toute la période durant laquelle j’ai travaillé avec lui, je n’ai jamais eu la moindre altercation. Je ne peux pas dire non plus que ses entraînements étaient mortellement ennuyeux, et je me rendais parfaitement compte qu’il travaillait jour et nuit au service de l’équipe. Mais on s’enlisait. On s’enfonçait chaque semaine un peu plus, alors que les adversaires directs prenaient confiance. On se disait qu’on finirait bien par gagner, que la chance finirait bien par nous sourire, que les poteaux et les arbitres ne demeureraient pas éternellement sur notre trajectoire. C’est vrai que la chance nous a souvent boudé, mais on perdait notre football. Il y a deux mois, on pouvait encore affirmer que l’on avait gaspillé les cinq ou les six occasions franches que l’on s’était créées. Ces dernières semaines, on ne se créait même plus d’occasions. Quelque chose devait se produire, car on s’enlisait. Et malheureusement, en football, ce  » quelque chose  » s’assimile souvent à un changement d’entraîneur.

Vous êtes-vous senti visé par les calicots déployés par les supporters mouscronnois à Ostende ?

Je ne suis pas dupe. Il est clair qu’ils s’adressaient à Vandendriessche et à moi. Ils parlaient de saboteurs. Je réfute cette accusation. Je n’aurais pas demandé mieux que de poursuivre avec l’entraîneur brabançon, si l’on était 7e ou 8e, et si l’on était à l’aise. J’ai envie que Mouscron se sauve. Les mêmes supporters, qui nous ont traités de saboteurs nous remercieront peut-être en fin de saison.

Est-il exact que certains joueurs en avaient marre des séances vidéo et des leçons de théorie ?

Chaque entraîneur a ses méthodes. A Mouscron, on a longtemps été habitué à plus de sobriété. Que ce soit avec Hugo Broos ou avec Georges Leekens, on s’entraînait dur sur le terrain et il n’y avait pas beaucoup de théorie. On recevait simplement quelques directives en fonction du match. Je ne suis pas allergique à la vidéo, on y a d’ailleurs recours dans beaucoup de clubs, mais il ne faut pas exagérer. J’ai lu que les joueurs n’aimaient pas être confrontés avec les erreurs qu’ils commettaient sur la pelouse. C’est faux, j’accepte les critiques. Mais avec Saint-Jean, c’était continuellement : un quart d’heure de vidéo par ci, un quart d’heure de discussion par là. A la longue, cela ne produisait plus aucun impact. Je constatais que lorsqu’on annonçait une séance de vidéo, beaucoup de joueurs soupiraient : – Encore ?

 » Je veux être prêt le jour du match  »

Saint-Jean prétend que les anciens voulaient continuer à s’entraîner à l’ancienne et étaient allergiques aux méthodes modernes.

C’est trop facile de tout mettre sur le dos des anciens. Je ne suis pas du tout allergique aux méthodes modernes, mais je veux être prêt le jour du match. Or, ce n’était pas le cas. Certains systèmes de jeu de Saint-Jean étaient bons, je ne le nie pas.

Le début de saison, avec le nouveau système de jeu, avait été très encourageant…

Oui, tout à fait. Mais le groupe profitait peut-être encore de l’héritage laissé par Georges Leekens. L’actuel entraîneur de La Gantoise nous avait inculqué des notions de travail et de discipline qui n’étaient pas encore oubliées.

Saint-Jean se targuait de dispenser de nombreux entraînements individuels pour faire progresser les joueurs…

Oui, c’est très bien, mais le football est tout de même un sport collectif. Le samedi ou le dimanche, c’est en équipe qu’on doit gagner des matches. C’est sûr, il faut aussi dispenser des entraînements individuels à certains joueurs, pour leur permettre d’améliorer leurs points faibles. Mais, à 33 ans, on ne va tout de même pas modifier ma manière de courir ?

Certains joueurs, dit-on, sont déjà très contents d’être là et n’éprouvent pas le besoin de puiser dans leurs réserves.

C’est peut-être exact. Car c’est vrai qu’on est bien à Mouscron. Sportivement, l’équipe est sur le déclin, mais en matière d’infrastructures, le club fait partie du top en Belgique. Certains pensent peut-être : – J’aimoncontrat, mavoiture, pourquoidoisjemefairemal ? Mais de cette manière-là, on ne fait pas carrière.

Ce groupe a-t-il besoin d’un entraîneur à poigne ? Car, avec Lorenzo Staelens, la méthode douce n’avait pas fonctionné non plus…

Peut-être, effectivement. Ce sont tous des braves garçons, mais ils ont sans doute besoin d’un mentor qui serre la vis, qui exige plus d’agressivité à l’entraînement. Saint-Jean constatait probablement que certains joueurs restaient en dedans de leur action, mais n’intervenait pas. Or, si l’on ne s’entraîne pas à fond, on ne joue pas à fond non plus. Je ne veux pas tous les malheurs de Mouscron sur le compte de Philippe Saint-Jean car il a sans doute aussi été confronté à un manque de qualité. On ne se sépare pas impunément de quatre ou cinq des meilleurs éléments de l’équipe, pour les remplacer par des joueurs provenant de D2. Je crois que Mouscron s’attendait à vivre une saison difficile, c’est-à-dire à redescendre aux alentours de la 10e place sans envisager la menace de relégation. Or, aujourd’hui, elle est bien présente.

Ressentez-vous la pression ?

Bien sûr. On se l’est mise nous-même. Au Nouvel An, déjà, Saint-Jean nous avait avertis qu’il faudrait prendre les dix points nécessaires au maintien le plus rapidement possible. Le spectre de la relégation, on nous l’a déjà ancré dans nos têtes à ce moment-là. C’était peut-être un peu trop tôt, car il n’y avait encore aucune raison de paniquer à l’époque. Les défaites se sont ensuite accumulées, et la pression n’a cessé de grandir. Aujourd’hui, les raisons de paniquer existent bel et bien.

Daniel Devos

 » Les séances VIDéO n’avaient PLUS D’IMPACT « 

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