Pas un chat noir

Le gardien de Charleroi, qui reste sur des prestations de qualité, revient sur les derniers mois qui ont abouti à la présence de Charleroi en PO3.

Jets de balles de tennis, grillages malmenés, début d’envahissement de terrain, une énorme frustration transformée en actes irréfléchis : résumé d’un derby wallon indigne. Charleroi jouera son maintien dans les PO3. Fin d’un espoir ténu, à peine entretenu par quelques victoires en février. Le nouveau capitaine, Rudy Riou, témoin privilégié des gestes de colère des supporters des deux camps, revient sur les événements des dernières semaines.  » Voilà, nous sommes condamnés aux PO3. J’espère qu’on va maintenant prolonger notre chemin de croix de plus de cinq rencontres. Cela signifiera qu’on a passé l’écueil des PO3.  »

Comment avez-vous vécu les événements extra-sportifs du derby wallon ?

Rudy Riou : Les balles de tennis, c’était un acte de protestation qui n’amène rien de grave. Je comprends les supporters. Il s’agissait d’une réaction de désespoir. On leur avait donné une raison d’y croire grâce à ces trois victoires et puis tout s’écroule pour eux. Quant aux fumigènes, je recule dessus et je me brûle à la jambe. Ça saisit sur le moment mais c’est passé par la suite. On aurait pu se servir de cet arrêt pour se remobiliser mais on n’a pas réussi.

Vos succès à domicile n’ont-ils pas masqué le fait qu’à l’extérieur, Charleroi n’a rien gagné cette saison ?

C’est vrai et, à cela, s’ajoute le fait que quand nous sommes menés, nous n’arrivons pas à inverser la tendance, comme on a pu encore une fois le remarquer contre le Standard. On essaye de réagir mais à 2-0, on a plongé, comme face à Courtrai. Et dans une équipe qui joue la fin du tableau, c’est fréquent de devoir revenir au score. Quand on reçoit un coup sur la tête, on met plus de temps que les autres à se relever. On devrait avoir de meilleures réactions.

Comment expliquer cette fragilité mentale alors que le Sporting est composé de nouveaux joueurs qui n’ont pas connu le premier tour catastrophique ?

C’est une nouvelle équipe mais elle joue quand même le maintien ! Quand on évolue en déplacement, on sait qu’on aura 80 % de chances de gagner un match si on garde nos buts inviolés. On part sur cet objectif-là. Quand on est mené, on se dit alors qu’on ne peut plus en prendre et qu’on doit en marquer deux. Une sorte de double pression et parfois, cela peut anéantir les forces de chacun. Ce qu’a réalisé le Standard à Bruges, aurait-il été capable de le faire deux mois plus tôt ? Le retour de Defour a servi de déclic à cette équipe. A nous de trouver notre déclic !

Proposez de passer la vidéo du match Newcastle-Arsenal !

Peut-être… Mais bon, les Anglais, ça fait partie de leurs coutumes. Ils naissent avec le fighting spirit.

Vous allez devoir résoudre ce problème car vous devrez vous déplacer à trois reprises en PO3…

A l’heure actuelle, comme on doit faire trois déplacements et vu les résultats qu’on a hors de nos bases, on ne peut pas se sauver ! Il va falloir apprendre à surmonter les épreuves et à réagir dans la minute qui suit un but, sans perdre les pédales.

 » Les victoires ont toutes été acquises sur un petit écart. On doit apporter plus de poids offensif « 

Quel bilan provisoire tirez-vous depuis janvier 2011 ?

Depuis mon arrivée, j’ai constaté que par rapport à ce j’ai entendu dire sur les saisons précédentes, il y a eu un changement d’état d’esprit. Je sais que je me répète souvent là-dessus mais dans la situation actuelle, et dans le foot en général, l’état d’esprit est primordial et nécessaire. On a un groupe sain malgré des nationalités et des coutumes différentes. Tout le monde s’est bien enclavé et chacun a su faire les efforts nécessaires pour que cette osmose prenne rapidement. C’est LE point positif et cela s’est ressenti dans les résultats. A part à Courtrai et au Lierse, on a prouvé qu’on n’était pas des charlots. A nous de maintenir cette dynamique malgré le coup d’arrêt des deux dernières semaines.

Avez-vous craint que la sauce ne prenne pas ?

Il y a toujours une appréhension car j’ai connu des mercatos avec 12 départs et 11 arrivées et il fallait le temps que le moule prenne. Notre avantage fut d’avoir ce stage en Turquie pour nous préparer et faire peau neuve, à l’abri des médias et de la pression.

Peut-on parler d’une réussite du mercato en termes d’état d’esprit ?

Oui, je pense. Les dirigeants ont su cibler des joueurs motivés, guerriers, pas individualistes, humbles.

Quels sont les points faibles de ce groupe ?

Certains postes ne sont pas doublés. Voire triplés pour celui d’arrière droit. Mais vu les efforts consentis par les dirigeants, on ne peut pas leur demander 25 joueurs d’un coup. A Courtrai, on s’est également laissé griser par le succès.

Jusqu’à Courtrai, votre défense tenait la route…

On est tombé sur un Franck Signorino qui a beaucoup d’expérience, sur l’avènement de Samuel Fabris, très solide, et sur deux joueurs de nationalité différente dans l’axe. Elvedin Dzinic, rude sur l’homme, était habitué dans le championnat slovène à un combat perpétuel et physique. Et de l’autre côté, il y a Matan Ohayon qui finit le boulot. Le moule a pris. Pour quelles raisons ? Je ne peux pas vous l’expliquer. Chacun a su s’adapter aux autres. Cela prouve une certaine intelligence.

Offensivement, on a vite fait de Biton un sauveur mais ne devient-il pas de plus en plus égoïste devant le but ?

C’est possible mais c’est le propre d’un attaquant. Il a pris de la confiance et beaucoup de poids dans l’équipe. Peut-être que cet individualisme s’est présenté à Courtrai mais aux entraînements, on a vu qu’il produisait toujours les mêmes efforts.

Vous lui avez fait la remarque ?

Je pense qu’il s’en est rendu compte tout seul.

Sur le plan offensif, est-ce que Biton ne constitue pas l’arbre qui cache la forêt ?

C’est vrai que les victoires ont toutes été acquises sur un petit écart. On doit apporter plus de poids offensif. C’est une évidence. Je pense que c’est possible de jouer plus haut mais on prend alors des risques supplémentaires, en sachant que notre défense n’est pas la plus rapide de la Ligue. Jouer haut pour presser les adversaires dans les 25-30 derniers mètres nous met en danger sur des longs ballons.

 » Charleroi, c’est le paradis par rapport à Marseille « 

A Charleroi, vous êtes bien loin du soleil et de l’ambition marseillaise…

… oui mais ici, je joue. A Marseille, j’étais sur le flanc, si on peut dire, et complètement délaissé. Pour tout joueur qui a un minimum d’ambition, de fierté et d’orgueil, c’est une situation invivable. Même si Charleroi est dans une situation difficile, c’est le paradis par rapport à Marseille.

Votre manager est le même que celui de Maxime Brillault. Vous ne vous êtes pas senti  » cocufié  » par sa mise à l’écart quelques jours seulement après votre arrivée ?

C’est malheureux ce qui est arrivé à Maxime mais je ne vois pas en quoi je devrais me sentir cocufié.

Avez-vous réfléchi avant d’accepter le brassard de capitaine ?

Je suis le joueur le plus âgé du noyau et le coach me fait confiance. Je craignais juste la réaction des autres joueurs, ceux qui triment dans le club depuis huit-dix mois et qui auraient pu trouver cette décision injuste. Mais je n’ai vu aucune rancune. Si j’avais senti un certain malaise, ne fût-ce que d’un seul de mes coéquipiers, j’aurais refusé ce brassard.

L’investissement fait partie de mon caractère. Je n’ai pas non plus trop réfléchi. J’étais déjà tellement content de pouvoir remontrer mes qualités qu’on aurait pu me dire de jouer avant-centre, je l’aurais fait !

Comment jugez-vous vos premiers mois ?

Quand on sera sauvé, je serai satisfait. Je suis content d’avoir retrouvé des sensations et un bon niveau. Mais on aura gagné ce qu’on voulait seulement le maintien acquis.

Vous prenez un risque en venant en Belgique pour rebondir ? Laquait n’a retrouvé qu’un club de National après de très bonnes saisons à Charleroi…

Ce n’est peut-être pas mon envie de retourner en France, où on est vite catalogué.

Vous parlez de votre image de chat noir puisque vous êtes descendu avec Montpellier et Istres…

J’ai eu la malchance de connaître deux descentes et on me l’a souvent ressorti. Tous les clubs m’affirmaient – Au niveau des qualités, on n’a rien à dire mais bon… Je sentais chaque fois une gêne. On n’avait pas la franchise de dire qu’on ne me prenait pas parce que j’étais descendu deux fois et qu’on avait décrété que j’étais un chat noir. Ce sont des choses qui me font sursauter et qui m’énervent. C’est pour cela que j’ai décidé de venir à l’étranger, pour repartir avec une nouvelle image.

Et pourtant, vous risquez une troisième relégation…

On ne descendra pas. Cette image de chat noir était injuste et je vais le prouver.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

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