Pas trop haut trop tôt

Amis dans la vie, Christophe et Alex évoquent le derby hennuyer de samedi.

Ils ont presque le même nom: l’un à consonnance française, l’autre à consonnance italienne (sicilienne plus exactement). Presque le même âge aussi: Christophe Grégoire fêtera ses 22 ans le 20 avril, Alexandre Di Gregorio le 12 février. Et ils sont des amis de longue date.

Le premier se révèle sous le maillot de Mouscron après une première saison difficile. Le second essaye de rebondir à Charleroi après s’être furtivement révélé à Genk en fin de saison dernière. Ensemble, ils évoquent leurs trajectoires, leurs espoirs et l’affrontement de samedi prochain entre le Sporting et l’Excelsior.

Depuis quand vous connaissez-vous?

Alex Di Gregorio: Depuis les Scolaires de Seraing. Mais nous nous connaissions déjà auparavant comme adversaires. Christophe a grandi à Seraing, j’ai fait mes classes au FC Liégeois. Nous nous affrontions régulièrement. A 15 ans, j’ai rejoint les rouges et noirs parce que Tilleur-Liège, le club fusionné, n’alignait plus d’équipes de jeunes en séries nationales. Nous avons évolué dans la même équipe au Pairay. En outre, la famille de Christophe est venue s’établir à Nandrin, à moins d’un kilomètre d’où j’habitais. Lorsque Seraing a fusionné avec le Standard, nous sommes partis ensemble à Liège. Notre amitié ne s’est jamais démentie depuis lors.

Etiez-vous déjà le même type de footballeur qu’aujourd’hui?

Di Gregorio: Christophe avait déjà les qualités et les défauts qu’on lui connaît aujourd’hui. Sauf qu’il était moins physique et plus petit que moi. Cela peut paraître curieux alors qu’il mesure 1m87 et moi 1m75. Il ne mettait pas beaucoup de coeur à l’ouvrage et rechignait au contact. Raphaël Quaranta, notre entraîneur à l’époque, a souvent tapé sur le même clou. En revanche, il aimait faire du spectacle. Eliminer un adversaire par un geste technique, par exemple. A une certaine période, nous nous lancions même des défis pour voir qui réaliserait le plus de « petits ponts » durant un match.

Christophe Grégoire: C’est vrai, j’ai grandi très tard et très rapidement, j’ai même connu quelques problèmes de croissance. Alex jouait le plus souvent comme demi droit, mais il était déjà le meilleur buteur de l’équipe. Il surprenait ses adversaires par sa rapidité.

Alex, Révélation Panini 98

Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans votre transformation mutuelle?

Di Gregorio: Christophe allie désormais le spectacle à l’efficacité. Il distribue des assists, inscrit des buts. Et puis, il s’engage à fond dans les duels. Sa morphologie a changé aussi. Comme il est plus grand, il ne court plus de la même façon… même s’il n’a jamais été très souple.

Grégoire: Alex n’a pas beaucoup changé. Petit, rapide et puissant: c’était déjà ce qui le caractérisait dans les équipes de jeunes. Il a toujours autant le sens du but. Il a mûri, c’est normal. Lorsqu’on intègre une équipe professionnelle, il faut penser à l’intérêt collectif et plus uniquement à s’amuser.

Le passage des équipes d’âge aux équipes pros est-il le plus délicat pour un jeune?

Di Gregorio: Il s’est produit tout doucement. Nous avons tous les deux transité par la D2. J’ai percé un peu plus tôt que Christophe. En 1998, j’ai été élu Révélation de l’Année par les Editions Panini et six mois plus tard, en décembre, je suis passé à Genk. L’adaptation fut difficile. Après un an, j’ai été prêté à Visé. Je suis revenu à Genk parce que Jan Boskamp venait d’y débarquer et qu’il avait la réputation de bien travailler avec les jeunes. Mais il privilégie surtout « ses » jeunes. Il a fait venir 13 nouveaux joueurs et cela ne s’est pas très bien passé pour moi. Le noyau était pléthorique et je n’ai jamais reçu ma chance. J’ai même été relégué dans le noyau B. J’ai été repêché lorsque Jan Boskamp a été viré. Le tournant, pour moi, fut l’exclusion de Zoran Ban en demi-finale de la Coupe de Belgique contre Lommel. Il a été suspendu par le club et j’ai reçu ma chance pour les sept derniers matches de championnat. C’est contre Mouscron que j’ai inscrit mon premier but en D1, en fin de saison dernière. Nous avons gagné 4-0. J’étais titulaire, Christophe n’était que réserviste. La roue a tourné, depuis lors.

Grégoire: Mon éclosion fut plus lente. Alex avait déjà intégré le noyau A de Liège alors que j’évoluais toujours en Réserves. Quand j’ai percé chez les Sang et Marine, il était déjà parti à Genk. Mon transfert à Mouscron, en juin 2000, fut inattendu. Il paraît que je n’étais que le troisième choix, après Peter Van der Heyden et Vincent Lachambre. Peu importe, je ne m’en formalise pas. J’étais très heureux de bénéficier d’une occasion pareille. J’ai signé un contrat de trois ans. Hugo Broos m’avait averti que, la première saison, je ne devais pas nourrir trop d’espoirs pour une titularisation. J’étais là pour apprendre. Geert Broeckaert a été dur avec moi. Il l’est avec tous les jeunes. Pour leur bien, probablement. En Réserve, il m’a fait jouer à l’arrière gauche. Cela m’a obligé à mettre le pied et à surveiller mon positionnement, qui étaient mes points faibles.

Christophe ne s’est pas transformé radicalement

Alex, n’avez-vous pas plafonné depuis votre titre de Révélation de l’Année en 1998?

Di Gregorio: Plafonner n’est pas le mot qui convient. J’ai progressé mais je pouvais espérer être plus régulièrement titulaire. Lorsque je compulse le palmarès de la Révélation Panini, je suis fier de voir mon nom dans une liste aussi prestigieuse. On m’a donc reconnu des qualités. Je ne pense pas avoir visé trop haut, trop tôt. Lorsque j’ai rejoint Genk, en décembre 1998, c’était un club en pleine ascension. Il a conquis un premier titre sous la houlette d’Aimé Anthuenis. Le duo Strupar-Oularé me barrait l’accès vers un poste de titulaire. J’étais à Visé lorsque Genk a remporté une deuxième coupe. Ma grande déception fut de ne pas avoir pu poursuivre sur ma lancée après les trois buts en six matches inscrits en fin de saison dernière. Sef Vergoossen, pourtant, était venu régulièrement à Genk à cette époque-là afin de se faire une idée de sa future équipe et je pensais lui avoir tapé dans l’oeil. Je marchais bien aux côtés de Wesley Sonck. Je ne pouvais pas prévoir que Moumouni Dagano, transféré du GBA, allait éclater de la sorte. Il faut un peu de chance au bon moment.

Grégoire: C’est tout à fait exact. Je me souviens que durant la période de préparation, je n’avais guère voix au chapitre. Pour le match de gala face au Rayo Vallecano, tout le noyau A avait été repris à l’exception de deux joueurs. J’étais l’un de ceux-là. Au lieu de pouvoir faire la fête face aux Espagnols, j’ai dû me farcir un match amical avec le noyau B à Deux-Acren, sur un terrain où il était impossible de bien jouer au football. J’étais dans le 36e dessous, je me demandais ce qui se passait. Ma chance, c’est que l’Excelsior ne tournait pas du tout, et pour la dernière rencontre de préparation avant le championnat (un déplacement à Maasland), Hugo Broos a décidé d’offrir une chance aux « seconds couteaux ». Je pense l’avoir saisie. Au début, je manquais encore de régularité: j’alternais les bonnes et les moins bonnes prestations. Je suis devenu plus constant ces dernières semaines. Mais je ne me considère pas encore comme un titulaire indiscutable, loin de là.

Vous avez pris la place d’un joueur routiné comme Tonci Martic. C’est déjà un bel exploit.

Grégoire: Je n’ai pas pris sa place. Il a souffert de blessures chroniques en début de saison et, aujourd’hui, il joue comme médian central. Je me demande d’ailleurs s’il ne préfère pas cette place. Tout le monde parle d’une métamorphose à mon sujet. J’ai progressé, mais je ne me suis pas transformé aussi radicalement. J’ai la chance de jouer régulièrement et j’ai gagné en confiance.

Alex, n’éprouvez-vous pas de regrets d’avoir quitté Genk en voyant que David Paas a désormais reçu sa chance?

Di Gregorio: Ce n’est que temporaire, à mon avis. Lorsque Moumouni Dagano reviendra de la Coupe d’Afrique, il récupèrera sa place de titulaire. Je me retrouvais dans une impasse à Genk. Face à la concurrence des deux meilleurs attaquants de Belgique, la lutte était trop inégale. Cela m’a fait mal de quitter le stade Phoenix, car je ne retrouverai probablement pas de sitôt une telle ambiance et une équipe aussi performante. Mais, pour lancer ma carrière, il était préférable que je tente ma chance ailleurs. Charleroi me semble un bon choix.

Même si Enzo Scifo semble avoir trouvé son duo d’attaquants avec Darko Pivaljevic et Eduardo?

Di Gregorio: Il y a encore Sergio Rojas également. En nombre, la concurrence est plus rude à Charleroi qu’à Genk sur le plan offensif. Mais Enzo Scifo a l’habitude de faire tourner son effectif. J’ai déjà pu jouer des parties de match. Je ne suis pas encore à 100%, c’est normal. Mais je recevrai ma chance, j’en suis sûr. La seule chose que je pourrais reprocher à Sef Vergoossen, c’est qu’il procède très rarement à des remplacements. Mais peut-on lui donner tort, puisque les résultats sont là?

Le Hollandais est un excellent entraîneur. Il dispose de deux hommes pour chaque place, et lorsqu’un changement intervient, c’est toujours poste pour poste. En outre, il choisit toujours beaucoup de défenseurs et très peu d’attaquants pour prendre place sur le banc. Il part du principe que la différence sera faite après une heure de jeu et qu’il devra plutôt procéder à des ajustements défensifs qu’offensifs.

Cela ne faisait pas mon affaire. A maintes reprises, il n’y avait même pas de place pour moi sur le banc. A Charleroi, je suis un peu tombé dans l’autre extrême. Les changements sont fréquents, tant dans la composition de l’équipe qu’au niveau de l’occupation de terrain. Dans ma situation actuelle, c’est préférable. Il s’agira d’accrocher le bon wagon lorsque l’équipe-type sera trouvée.

A Mouscron, Hugo Broos semble avoir trouvé le dispositif qui convient.

Grégoire: A l’image de toute l’équipe, je me sens effectivement très à l’aise dans le système de jeu actuel. Avec deux demis défensifs, je peux donner libre cours à mes élans offensifs. Je dois encore assurer une tâche de récupération, c’est sûr, mais je sais qu’en cas de perte de balle, je suis couvert. Précédemment, le demi défensif avait parfois l’impression de courir dans le vide.

Aujourd’hui, nous sommes meilleurs en récupération et nous n’avons rien perdu de notre force offensive, au contraire. L’arrivée de Mbo Mpenza n’est évidemment pas étrangère à la réussite en attaque. Il a déjà été décisif contre Alost et Genk. Mais ce n’est pas la seule explication.

Un derby hennuyer entre Charleroi et Mouscron, est-ce un match comme un autre?

Di Gregorio: Je n’en ai encore jamais disputé, je m’apprête donc à découvrir cela samedi prochain. En principe, le Sporting est toujours capable d’en faire un peu plus à domicile qu’en déplacement. Mais Mouscron est en forme.

Grégoire: On pourrait penser que nous en garderons un peu sous la pédale en vue de la demi-finale de Coupe de Belgique contre St-Trond, mercredi prochain. Mais un sportif monte toujours sur le terrain pour gagner. Lorsqu’on est pris dans l’action, on ne songe pas à économiser ses efforts.

Daniel Devos

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