« Pas toujours le meilleur qui gagne ».

Le gardien est serein, avant d’affronter la Tchéquie dans un double match de barrage.

Geert De Vlieger (29 ans) regrette de n’avoir pu se produire sur la scène européenne avec Willem II cette saison. Le gardien belge aimerait franchir une étape supplémentaire. Même si son club semble bien parti en championnat et pourrait décrocher une qualification pour une Coupe d’Europe à la fin de la saison, il rêve évidemment de se qualifier pour la Coupe du Monde coréo-japonaise. Pour ça, il faudra battre la Tchéquie. Avant même que Robert Waseige n’ait divulgué sa sélection, alors qu’on pouvait imaginer qu’il y aurait des changements, De Vlieger figurait parmi ceux qui étaient sûrs de leur place.

En signant à Willem II, vous pensiez y vivre de beaux moments. Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas.

Geert De Vlieger: Pas si on se réfère à la campagne de Ligue des Champions de Willem II, mais j’espère bien que nous allons retrouver la Coupe d’Europe. Je ne le dirais pas si ce n’était pas faisable. Willem II fait partie du subtop mais il peut se rapprocher du top, par moments. Toutefois, il n’aura jamais assez de moyens pour devenir un véritable grand club.

Quelle est la différence par rapport à Anderlecht?

Anderlecht aurait beaucoup à apprendre de Willem II. Quand vous voyez l’organisation ici… Il y a un responsable pour chaque facette de la vie du club. Anderlecht dépend d’une ou deux personnes. Autour d’elles, une série de gens tentent de bien faire leur boulot mais on ne peut parler de structure professionnelle.

C’est quand même inouï…

Je n’avance que des faits. Ils travaillent dur, mais imaginez qu’il arrive quelque chose à Michel Verschueren: ce serait tout un pan du club qui s’écroulerait. Ça pourrait causer des problèmes. Verschueren laisserait un grand vide. A Tilburg, c’est différent. Quand nous avons besoin de quelque chose, nous savons à qui nous adresser, ce qui est impensable à Anderlecht. Il conserve la même structure depuis des années. Elle lui a offert le succès et en changer n’est pas facile, même si le football d’aujourd’hui l’exige. La Belgique est dépassée, de ce point de vue.

« Je vis mieux les problèmes qu’avant »

Quelle est votre évolution à Willem II?

Le championnat est très différent. L’équipe construit bien le jeu à partir de la défense, utilise vraiment son gardien pour la relance. Elle est une des meilleures du pays, de ce point de vue. Je suis donc sollicité, je participe au jeu. Je dois toutefois souligner qu’en Belgique aussi, les gardiens doivent actuellement maîtriser plus que le seul art d’intercepter des ballons. Si j’ai évolué, c’est moins parce que j’ai changé d’équipe que parce que j’ai mûri, avec les années. Quelque part, je sens que ma maturité porte ses fruits. Je vis mieux certaines choses, c’est un ensemble d’éléments.

Vous avez fait douter Prosinecki lors du penalty contre la Croatie, par exemple.

Avant un match, Jacky Munaron me fournit toujours beaucoup d’informations sur les coups francs et les penalties, mais Prosinecki avait botté trois de ses six derniers à gauche et trois à droite. Je n’étais donc pas plus avancé. Eric Van Meir m’a conseillé de rester le plus longtemps possible sur ma ligne pour le faire douter. Si ça m’a aidé? Nous dirons que oui, sans doute…

Van Meir, De Boeck, Valgaeren: on a beaucoup spéculé sur la meilleure combinaison possible. Quel est votre point de vue?

On en parle beaucoup avant mais quand je revois ces huit matches de qualification, je ne sais plus avec qui nous avons joué tel match, ni si ça a fait une différence. C’est pareil pour d’autres positions, comme celle de Mpenza, dont nous sommes privés contre la Tchéquie. Je pense que c’est la force de notre équipe: nous ne dépendons pas d’un ou deux joueurs. Nous devons tous être en forme pour livrer une bonne prestation. Il suffit que quelques-uns soient moins bien pour que nous jouions mal.

« Faire mes preuves à chaque fois »

Van Meir et De Boeck se plaignent d’être jugés à la moindre faute.

C’est peut-être injuste, mais c’est ainsi. On perd parce qu’on encaisse un but. Qui est à la base de celui-ci? On gonfle l’affaire et je pense qu’un joueur aborde le sujet de manière plus réaliste.

Connaissez-vous ce stress? Vous êtes pratiquement le seul qui soit sûr de sa place.

Ce n’est pas parce qu’un match a été bon que le suivant le sera. Je dois faire mes preuves à chaque rencontre car si je commets une erreur, je serai également jugé. Je sens que j’ai acquis un certain crédit, que j’ai prouvé que j’avais ma place. En équipe nationale, cependant, chaque moment est important.

Le match contre la Croatie l’était mais on a reproché à certains leur manque d’engagement dans les duels. Comment est-ce possible?

Nous avons vécu ça après les deux matches contre la Lettonie et St-Marin. Nous avons gagné mais la critique ne nous a pas épargnés. Comme après le match amical contre la Finlande. Ces critiques sont justifiées, y compris celles qui concernent la Croatie. Nous devons nous interroger: comment est-ce possible? Nous étions dans un jour sans. Je ne sais pas si on peut parler de manque d’engagement. Nous avons joué des matches bien plus difficiles en déplacement. Nous avons montré peu de choses à la construction. De là à dire que les Croates nous ont placés sous pression… Ce jour-là, si l’équipe avait été à son niveau normal, elle se serait qualifiée. Ce ne fut pas le cas, pour différentes raisons. Quelques joueurs n’avaient pas leur forme habituelle et nous avons couru derrière un ballon qui paraissait insaisissable. Notre déception en a été deux fois pire, car nous n’avons pas été battus par un adversaire invincible.

« En Croatie, nous étions prêts mais… »

On pourrait imaginer que tout le monde est prêt pour un match aussi crucial?

Nous étions prêts, mais ça n’a rien à voir avec la forme du jour. Revenir en forme aussi peu de temps après sa blessure n’était pas évident pour Marc Wilmots. Il sait très bien qu’entamer un match aussi important dans de telles conditions n’est pas l’idéal.

Il y avait des choses à dire sur la relation entre Waseige et les joueurs. Sur son approche humaine, en particulier.

L’entraîneur est mis sur la sellette comme ses joueurs après un mauvais match. D’un coup, des détails semblent prendre de l’importance. Des détails qui sont discutés dans un vestiaire et qui deviennent déterminants pour le rendement d’un entraîneur. Je me souviens qu’après ce match, on a dit quelque chose sur Bob Peeters et que c’est devenu plus important que le match en lui-même.

Bob avait un problème avec la douche et il a trempé Waseige…

( Il sourit) C’est normal: une défaite suscite des remarques et Waseige a bien parlé de faillite, d’échec, ce jour-là. Mais tous ces racontars sont-ils constructifs, nécessaires? Il y a partout des joueurs qui ne sont pas d’accord avec l’entraîneur.

Waseige est souvent trop cynique, dit-on.

Waseige est comme il est. Est-il d’un coup trop cynique parce que nous avons perdu? Tout ce qui se passe autour de l’équipe joue un rôle. Et sa relation avec la presse est mauvaise pour l’instant, il ne faut pas se voiler la face.

« Waseige ne sera jamais Leekens »

Ne craignez-vous pas une escalade, comme avec Georges Leekens?

Non, je ne crois pas. Chacun a son opinion et trouve la sienne plus importante, sans oublier l’aspect communautaire. Il est inévitable. Et prenez un exemple: ces ballons qui volaient dans les arbres, à l’entraînement précédant le match. C’était à la une de l’information générale le lendemain. C’était comme si, après une demi-heure de tirs au but, deux ballons étaient rentrés et que tous les autres avaient été expédiés dans les arbres alors que c’était le contraire. Les choses prennent parfois de ces proportions. C’est comme l’affaire Schepens à Gand…

Gunther Schepens prétend justement que Waseige parle tellement de l’adversaire qu’il bloque l’équipe.

Au vu de leurs relations, je dirais qu’il ne s’agit pas là d’une source objective. (il rit). On parle toujours de l’adversaire mais il ne faut pas tout remettre en question pour une défaite. Il faut faire la part des choses.

La Tchéquie n’est pas facile.

Tout le monde se fixe sur la victoire 6-0 remportée contre la Bulgarie mais il faut relativiser. Elle a eu des résultats moindres aussi. Nous devrons mieux jouer et même dépasser le niveau atteint contre l’Ecosse. En principe, ce n’est pas toujours la meilleure équipe qui gagne. Ça jouera peut-être en notre faveur. Nous avons fait nos preuves sur le plan de l’organisation et de la défense. Nous devons obtenir un meilleur rendement en possession du ballon. Contre la Finlande, la circulation n’était pas bonne non plus. Dans ce cas, on se retrouve à courir derrière le ballon. Contre l’Ecosse, nous sommes parvenus à combiner en un temps. Evidemment, pour prendre des risques, il faut être en confiance. Nous devons pouvoir imposer notre jeu et nous ne devons pas redouter beaucoup d’équipes.

« Nous ne sommes pas individualistes »

Walem est visé, quand on évoque le manque de créativité de l’entrejeu.

Alors qu’il était notre sauveur contre l’Ecosse… Nous ne sommes pas une équipe d’individualistes. Si on compare nos joueurs aux Néerlandais, on remarque que les nôtres évoluent en Belgique ou dans des clubs étrangers du subtop alors que nos voisins sont presque tous dans de grands clubs. C’est pareil pour la Tchéquie. Elle nous bat, de ce point de vue. Mais les Pays-Bas sont déjà éliminés. Nous possédons une qualité qui leur manque: nous sommes capables de jouer collectivement, sans dépendre d’individus. Emile joue bien mais s’il n’est pas là, notre équipe ne va pas être décapitée pour la cause. Il ne faut pas non plus espérer que Walem va déterminer le cours du match à lui seul. On a aussi dit que certains devaient défendre plus qu’ils ne l’appréciaient, comme Gert Verheyen. Mais si un médian n’est pas dans le match, il doit bien défendre.

La sélection n’a-t-elle pas besoin de nouveaux noms, pour créer un choc?

Un renouvellement doit apporter un plus. Il ne faut pas sélectionner des joueurs parce qu’il sont bons dans leur club car en équipe nationale, le niveau est tout autre. Je ne pense pas que quelques changements apporteraient une solution. Jusqu’à présent, un de nos atouts a été de permettre à des joueurs qui tournaient moins bien de profiter du bon fonctionnement de l’ensemble. Le problème, c’est qu’il y en avait trop contre la Croatie.

Vous n’avez jamais dissimulé vos ambitions. Vous visez plus haut que Willem II mais jouer la Coupe du Monde pallierait votre inexpérience en Coupe d’Europe.

Se qualifier est déjà un grand mérite, qu’on le tourne comme on veut. Ce ne sera pas plus facile à l’avenir. Mais je ne veux pas me qualifier pour la Coupe du Monde uniquement pour me faire remarquer par un club d’un rang plus élevé. Ce que je veux dire, c’est qu’un Mondial constitue une chance qui ne se représentera peut-être plus jamais. J’ai vécu l’EURO de manière très intense, de la touche, et malgré la déception qu’il nous a valu, j’en retiens des moment inoubliables. C’est grâce à ces instants qu’une carrière en vaut la peine.

C’est étrange, un international qui ne prend pas part à une compétition européenne. Ça ne peut pas s’éterniser.

Peut-être, mais un transfert vers un club européen n’est pas vraiment à l’ordre du jour. Tout ce que je peux faire, c’est prester. Si je continue sur ma lancée, il se passera bien quelque chose un jour. Si j’étais dépourvu de cette ambition, je signerais de moins bonnes performances. J’ai encore beaucoup de choses à accomplir, sur le plan sportif. Je ne dois pas non plus négliger l’aspect financier. Il faut retirer un maximum de sa carrière mais certainement pas à tout prix.

Raoul De Groote et Thijs Slegers

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