Pas si nul, ce nul

Iran-Nigeria 0-0. Un vrai match nul. Précision : en foot, un match nul, c’est seulement quand ça se termine sans but. 0-0. Dès qu’il y a des buts, donc dès 1-1, c’est un partage. Sémantique faite, parlons foot et là, les conclusions ne sont plus partagées. Le premier nul de cette flamboyante Coupe du Monde ne fut pas nul pour tout le monde.

OK, y a les chiffres ! L’Iran a eu le ballon 19 minutes pendant les 94 du match. Tu enlèves le temps pour les dégagements, les rentrées en touche, les coups francs, reste pas grand-chose. Tu ajoutes les mauvaises passes et les chandelles. Ça fait beaucoup de pas grand-chose. Et alors ? L’Iran a fait son match. Respect.

A eux, à lui. Aux joueurs, au mentor. Au Guide spirituel, professeur  » ès football « . CarlosQueiroz est un cas d’école. Il passe des universités les plus réputées aux lycées les plus improbables. Lui, c’est l’enseignement qui le guide. La transmission du savoir.

Il en est à sa troisième Coupe du Monde. Il a déjà guidé l’Afrique du Sud et le Portugal. Déjà révélateur. Ce type a eu une vie de fou, une vie de foot. Encore et toujours. Un parcours comme au cinéma. En voici le pitch devenu un scénario que même Hollywood n’aurait pas osé inventer.

Il débute en 1988. En cinq ans, il passe de sélectionneur des -17 portugais à celui des A. Déjà un rôle de guide puisqu’il forme et grimpe avec la fameuse génération des LuisFigo, RuiCosta, etc. Ensemble, ils seront champions du monde et d’Europe… chez les jeunes.

Queiroz s’en va. Pas loin, au Sporting Portugal. Pas longtemps. Le goût du large est trop fort pour ce voyageur né au Mozambique. Direction New York puis Nagoya au Japon où il succède à un certain ArsèneWenger. Il prend le temps de rédiger le Q Report. Une commande des Etats-Unis pour redévelopper leur foot de A à Z.

Après les Emirats Arabes Unis et l’Afrique du Sud, il rejoint le top, Manchester United. Il est l’adjoint de son contraire, de l’homme d’un club. AlexFerguson dit de lui :  » Il est brillant, épatant, c’est un rêve de l’avoir comme adjoint. Et en plus c’est un Rottweiler. Il lâche rien et vous protège de tout « .

Cela dit, après un an, il lâche ManU et devient n°1 au Real Madrid. Il y retrouve Figo, Zidane et Ronaldo. Que des stars mais pas d’étoiles à la fin. Donc retour près de Tonton Alex qui ne parle plus à la BBC. C’est donc Carlos qui parle, passionne et séduit en Mondovision. Le blème c’est qu’il ne séduit pas le leader des joueurs. Un certain RoyKeane. Qui critique Queiroz à la TV du club. Ferguson doit choisir. Aucune hésitation. C’est Keane qui dégage. Avant que Queiroz ne refasse ses bagages.

Ce type qui a travaillé dans le confort absolu des plus grands clubs part en… Iran. Pays en guerre permanente. Sans argent. Sans structure. Une sorte de Messie en quête d’un idéal tourné vers l’humain.

Entraîner l’Iran, c’est demander à ses joueurs de ne pas échanger leur maillot parce qu’il n’y en a pas assez. Parce que si on les lave à l’eau chaude, ils rétrécissent. Les chaussettes aussi, elles passent de XL à S en deux lavages. Tout cela est vrai et se passe en éliminatoires de Coupe du Monde. Qualif malgré tout. Grâce à sa défense, surtout. Deux buts encaissés en huit matches. Brésil, nous voilà. On fera comme on pourra.

Cinq matches amicaux en un an. Contre des nations de troisième zone. A cause des sanctions des USA et de l’embargo de l’UE, personne ne veut venir. Et puis, y a pas d’argent. Des matches sont annulés au dernier moment. Pire, lors de certains rassemblements, Queiroz attend ses 23 joueurs, 11 arrivent. Il fera avec. Il apprendra à ne pas encaisser. Il ne l’a pas fait en ouverture. Avec six joueurs qui jouent au pays.

Ce qu’a fait cet homme et ses hommes est remarquable. Ils ont traversé l’enfer pour atteindre leur paradis. Quoi qu’il arrive, être là et faire 0-0, ce n’est pas nul pour tout le monde. C’est une victoire pour notre monde.

Carlos Queiroz, c’est une vie de fou et de foot.

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