PAS QUE DU BONHEUR

La dixième saison en D1 a failli être la dernière. Mais il y aura une suite à l’histoire.

Le 9 juin 1996, l’Excelsior Mouscron (issu d’une fusion en 1964 de l’ARA et du Stade Mouscronnois) accédait pour la première fois de son histoire à la D1. Se souvient-on encore de l’équipe qui, ce jour-là, s’était imposée à Courtrai ? ErikDeKoeyer ; EddyVerbeeck, FabienDelbeeke, OlivierBesengez, ClaudeVerspaille, DonaldVanDurme ; LaurentDauwe, NicoDeConinck, DominiqueLemoine ; IbrahimBohari et GordanVidovic. Sur le banc : PascalMestdagh, JeanPierreThibaut, GeoffreyVandendorpe, NgomCamara, GiovanniSeynhaeve et SteveDugardein. L’entraîneur : GeorgesLeekens. Le président : FilipVerbeke.

Dans le camp d’en face, on trouvait Emile et MboMpenza, ce qui avait fait naître une sérieuse polémique car certains les soupçonnaient d’avoir déjà signé au Canonnier. L’arbitre du match était… FrankDeBleeckere ! Cette année-là, il y avait trois montants en D1, en raison de l’absorption de Seraing par le Standard. Lokeren, champion, et Genk, deuxième, étaient montés directement. Mouscron suivra via le tour final. Un oiseau pour le chat, disait-on. Dix ans plus tard, les Hurlus sont toujours là. Avec un palmarès toujours vierge, mais tout de même plusieurs places d’honneur, deux finales de Coupe de Belgique et huit matches européens. Des résultats qui ont coûté cher. Trop cher, pour un club représentant une ville de moyenne importance et sans grande tradition footballistique parmi l’élite. Retour sur dix années de D1, durant lesquelles le petit club frontalier a longtemps flirté avec les étoiles avant de redescendre sur terre.

1996-1997 : 3e

On se pose des questions sur la consistance de l’effectif. Parmi les joueurs engagés, peu de grands noms. Du moins à première vue. Il y a bien deux jeunes belgo-congolais arrivés de Courtrai, mais qu’on connaît mal. Leekens réalise un premier coup de génie : il convertit le centre-avant Vidovic en défenseur central. Vido transforme l’arrière-garde des Hurlus en château fort, et Lemoine se charge de lancer sur orbite les deux fusées Mbo et Emile. Cela marche : l’Excel remporte son premier match de D1 à Lommel sur le score de 0-2, avec des buts de Dauwe et Bohari. Il faut arriver tôt pour trouver une place dans l’exigu Canonnier. Les joyeux Hurlus font parler d’eux.

C’est trop beau pour être vrai : en janvier 1997, alors que l’Excel est en tête du classement avec quatre points d’avance, Leekens est appelé au chevet des Diables Rouges. A sept journées de la fin, Lemoine rejoint l’Espanyol Barcelone. Et, en fin de saison, Mbo et Emile annoncent leur départ pour le Standard… pour zéro franc, zéro centime. L’Excel termine malgré tout troisième et se qualifie pour la Coupe de l’UEFA.

1997-1998 : 10e

JeanPierreDetremmerie est officiellement devenu le nouveau président, même si on a l’impression qu’il l’a toujours été. Il lui faut d’abord trouver un nouvel entraîneur. Le choix se porte sur un homme d’expérience : HugoBroos arrive de Bruges. A charge pour lui de reconstruire une équipe, amputée de ses trois pièces maîtresses. Le noyau est surtout renforcé en profondeur, mais aussi en qualité avec TonciMartic, FrédéricPierre, ZoranBan, MarcoCasto et YvesVanderhaeghe, qui revient d’Alost. Un pari est pris sur un jeune Espoir de Lille, MustaphaElIdrissi, et sur deux joueurs de Courtrai : AdrianoCruz, le frère d’ André, et StefaanTanghe. Parallèlement, grâce aux accords conclus avec l’Union Belge suite au débauchage de Leekens six mois plus tôt, PhilippeSaintJean débarque à Mouscron pour créer le Futurosport. La saison commence par un événement anecdotique : dans le stade de Courtrai qui, décidément, lui réussit bien, l’Excel remporte la… Coupe des Flandres au détriment de Bruges. Cela ne plaît guère aux Flamands, qui refusent à l’Excel le droit de défendre son titre la saison suivante. Mouscron dispute son premier match européen à Chypre, face à l’Apollon Limassol : 0-0. Le match retour aura lieu au Stadium Nord de Villeneuve-d’Ascq, car le Canonnier n’est pas conforme : 3-0. Au tour suivant, l’Excel hérite de Metz. L’UEFA refuse qu’un club belge accueille un club français sur le territoire hexagonal, et les Hurlus ajoutent en toute hâte des places assises dans la tribune principale du Canonnier. Le kop devra déménager derrière le but. Broos connaît des débuts difficiles. Après quelques mois, il est sur la sellette, mais Detremmerie le soutient et l’équipe termine à la dixième place. Broos restera finalement cinq ans à Mouscron.

1998-1999 : 4e

Le renforcement de l’équipe se poursuit. Un gardien polonais que tout le monde a oublié aujourd’hui arrive du MPS Szamotuly : KrzysztofTyma. Il n’aura aucune chance face à FranckyVandendriessche, qui arrive de Waregem et défendra les couleurs de l’Excel pendant sept saisons. KoenDeVleeschauwer débarque d’Alost : lui aussi restera sept saisons. L’attaquant liégeois AxelLawarée arrive du… FC Séville, et le Bruxellois MarcWuyts, de Saint-Trond. On prend aussi un pari sur un jeune milieu de terrain de Lens : MathieuAssouEkotto. Il jouera à peine quelques matches sous le maillot des Hurlus. (On l’a revu récemment à La Louvière et au Standard). Deux jeunes joueurs sont présentés sur une grande affiche comme les premiers produits du Futurosport : le défenseur Giovanni Seynhaeve et le centre-avant GonzagueVandooren. L’Excel termine quatrième, à une marche des places européennes.

1999-2000 : 4e

Frédéric Pierre part au Standard et Zoran Ban à Genk. Deux jumeaux polonais arrivent de Beveren : Michal et MarcinZewlakow. Un défenseur s’amène de Charleroi : AlexTeklak. Trois bons investissements à long terme. L’Excel, une fois encore, termine quatrième, à une marche des places européennes.

2000-2001 : 7e

La Poste signe un contrat de sponsoring très intéressant qui met du beurre dans les épinards, car l’Excel se retrouve déjà dans l’obligation de vendre des joueurs pour équilibrer son budget. Les deux moteurs de l’entrejeu s’en vont : Vanderhaeghe à Anderlecht et Tanghe au FC Utrecht. Inspirés par la réussite de Tanghe, l’Excel mise à nouveau sur des joueurs de D2 : DavidCrv débarque de Maasland, Cleiton de Denderleeuw et ChristopheGrégoire de Tilleur-Liège. Le premier semble le plus talentueux, le second est très combatif et le troisième paraît un peu tendre pour s’imposer dans la jungle de la D1. Comme quoi, les premières apparences peuvent être trompeuses. Un médian créatif talentueux, mais au caractère bien trempé, arrive de Westerlo : DejanMitrovic. Mouscron commence à regarder vers la France, et même un peu plus au sud que Lille et Lens : ClaudeBakadal arrive de Grenoble. Depuis la Coupe de l’UEFA 1997, de bonnes relations ont été nouées avec le FC Metz. Elles permettent à Broos d’attirer le buteur serbe NenadJestrovic. Il inscrira 20 buts, mais se blessera en mars, ce qui le privera du titre de meilleur buteur. Il partira néanmoins à Anderlecht. L’Excel termine seulement septième, un classement considéré comme décevant dans le contexte de l’époque, mais attire 8.471 spectateurs de moyenne. C’est la meilleure moyenne de son histoire. Les invitations distribuées par La Poste à ses clients n’y sont pas étrangères.

2001-2002 : 6e

Pour remplacer Jestrovic, Broos fait revenir Ban de Genk. Il mise aussi sur l’esprit de revanche de GeoffreyClaeys, à qui il propose un beau et long contrat. En automne, Mbo Mpenza revient au Canonnier après avoir cassé son contrat à Galatasaray où il n’était plus payé. LorenzoStaelens, exilé au Japon, ressent le mal du pays et signe à l’Excel. Il s’entraîne avec le groupe, dispute un match de Réserve à Westerlo mais renonce après 45 minutes. On le recase au Futurosport, car Saint-Jean, en brouille avec Broos, est placé sur une voie de garage. L’Excel termine sixième, mais atteint la finale de la Coupe de Belgique pour la première fois de son histoire. Il est battu 3-1 par Bruges, mais est tout de même qualifié pour la Coupe de l’UEFA. Ce succès a un prix : Broos part à Anderlecht et emmène Michal Zewlakow dans ses bagages. JonathanBlondel, tout juste âgé de 18 ans, est transféré à Tottenham pour un million et demi d’euros. On se lamente sur le départ d’un jeune talent qui n’a joué que 18 matches de D1, mais la somme récoltée permet à l’Excel de s’offrir une bouffée d’oxygène pour survivre.

2002-2003 : 13e

L’Excel n’a plus les moyens de s’offrir un entraîneur expérimenté pour succéder à Broos. Il propose le poste à Staelens. Un accord de partenariat est conclu avec le FC Fortune, club sud-africain de D2. GiovanneRector, BevanFransman et AsandaSishuba arrivent en droite ligne du Cap. Comme quatre ans plus tôt, l’Excel quitte la Coupe de l’UEFA après quatre matches : le tour préliminaire contre Fylkir Reykjavik et le premier tour contre le Slavia Prague. En novembre, Mpenza se blesse lors d’un match de Coupe de Belgique très viril à Overpelt. Sa longue indisponibilité empêchera l’Excel de le vendre au prix fort. Ce sont les préludes aux problèmes financiers. Au deuxième tour, face à l’hécatombe de blessés, Staelens doit puiser dans le réservoir de la Réserve et des Juniors : les noms de YassineBenajiba, BastienChantry, LorenzoLai, TidianyCoulibaly, MathieuDejonckheere et PacoSanchez apparaissent. Ils s’ajoutent à ceux de JeanPhilippeCharlet et FilstonBonseyMonguNkoy, lancés quelques mois plus tôt. Les défaites s’accumulent. Les supporters hurlus en perdent leur sens de la fête et sifflent leur équipe pour la première fois en sept ans lors d’une défaite 1-6 contre le Germinal Beerschot. L’équipe termine 13e, le plus mauvais classement de son histoire avant cette saison-ci.

2003-2004 : 5e

Il faut se serrer la ceinture. D’autant que La Poste, qui aurait dû s’engager pour cinq ans, arrête son sponsoring au bout de trois ans. L’accord de collaboration avec le FC Fortune a pris fin et les trois Sud-Africains s’en vont dans l’indifférence générale. Les nouvelles recrues débarquent également dans l’indifférence : le gardien ChristopheMartin, doublure de GeertDeVlieger à Willem II ; PieterMaes, un milieu de terrain de Zulte Waregem qui ne restera que six mois ; et un centre-avant liégeois d’origine italienne qui paraît lourd et emprunté : LuigiPieroni. Le coup le plus fumant est réalisé au c£ur de l’été : Leekens rompt son contrat avec la fédération algérienne et revient dans le club qu’il avait hissé en D1. Avec lui, pas question de jouer la dixième place. Il trouve les moyens d’attirer trois défenseurs pour compenser l’arrêt de carrière de Vidovic : GrégoryLorenzi, SamirBeloufa et StephenLaybutt. Mbo revient en forme et Pieroni, qui était sur le point d’être cédé tant il éprouvait du mal à suivre le rythme, explose lors du deuxième tour : il inscrira 28 buts et deviendra le meilleur buteur du championnat. L’Excel vise de nouveau les places européennes, mais échoue dans sa quête. Entre-temps, RolandLouf a été engagé comme directeur général pour remplir le même rôle qu’à La Louvière : alléger la masse salariale. Cela ne plaît guère à Leekens, qui y voit un frein à ses ambitions sportives. Il s’en ira à La Gantoise, tandis que Pieroni sera vendu à Auxerre et Mpenza à Anderlecht. L’argent récolté ne suffira même pas pour compenser les pertes de la saison en cours.

2004-2005 : 13e

Saint-Jean, l’ancien directeur du Futurosport parti à Tubize en 2002 parce que son travail avec les jeunes ne trouvait pas de prolongement en équipe Première, reçoit enfin l’occasion de prouver que son talent de formateur peut également s’exprimer au plus haut niveau. A 50 ans, il entraîne pour la première fois en D1, à la tête d’une équipe amputée de plusieurs éléments expérimentés et qui, en pleine période de préparation, enregistre encore le départ de l’emblématique Dugardein pour Caen. Les joueurs engagés ont encore tout à apprendre : PatriceNoukeu, PatrickDimbala, AlexandreLecomte, BobCousin, RicardoMagro, AbdoulayeSoumare et JimmyHempte, qui revient de Gand. Seul élément d’expérience parmi les nouveaux venus : le vétéran MarcSchaessens. Pourtant, en match d’ouverture du championnat, Mouscron bat Anderlecht 2-0. L’Excel compte 11 points sur 15 après cinq matches. C’est déjà le chant du cygne. La crise éclate le 17 décembre. Le club échappe miraculeusement au dépôt de bilan, mais doit vendre Grégoire à Anderlecht. Le discours de Saint-Jean ne passe plus auprès de certains (anciens) joueurs. Il est remplacé par GeertBroeckaert en mars. Une mise à l’écart temporaire, lui promet-on. Mais Broeckaert maintient le club en D1 et Detremmerie lui garde sa confiance.

2005-2006 : 14e

La saison la plus mouvementée de toutes. Le départ de l’emblématique président Detremmerie, annoncé à maintes reprises, devient une réalité. Un triumvirat est formé avec EdwardVanDaele, FrancisD’Haese et Roland Louf. La mue de l’équipe se poursuit. Si Dugardein revient au bercail, les derniers survivants de la période dorée ont quitté le club : Vandendriessche, De Vleeschauwer, Teklak, Claeys, Martic et Zewlakow laissent la place à de nouveaux arrivants, en provenance principalement de France. Louf démissionne en septembre. Deux mois plus tard, Broeckaert est viré. Ou plutôt : il réintègre l’équipe Réserve. Celui qui est réellement viré, c’est Saint-Jean. GilVandenbrouck assure une première fois l’intérim. AlainTirloit, un Français du Nord, devient le nouveau directeur général. PaulPut est engagé comme entraîneur. Pas de chance : après un mois au Canonnier, il avoue avoir été impliqué dans l’affaire des matches présumés truqués du Lierse et reçoit son C4. Une éclaircie tout de même : Zewlakow revient au mercato, sous forme d’un prêt de six mois. Gil Vandenbrouck termine la saison. Malgré tous ces avatars, l’équipe atteint la finale de la Coupe de Belgique. Et la licence refusée en première instance sera finalement octroyée en appel…

L’avenir sent le terroir

Les récents événements, qui ont failli entraîner la disparition pure et simple du club, ont semble-t-il servi de leçon : le club reconstruira son avenir en D1 sur des bases plus saines. Le retard dans l’octroi de la licence a empêché l’engagement d’ ArielJacobs, qui était prêt à signer mais pas à patienter. L’Excel ne chercha pas ailleurs ce qu’il a sous la main : Vandenbrouck restera entraîneur principal, toujours assisté par Verspaille et DidierVandenabeele, et ponctuellement par un préparateur physique qui travaille déjà au Futurosport : BernardDecabooter.

Cela traduit la volonté d’avoir un ancrage local : ce sont autant d’anciens de la maison. Dans deux ans, ils seront sans doute rejoints par Dugardein et peut-être par Besengez. Seynhaeve, le premier symbole du Futurosport, a déjà été réintégré : tout en terminant sa carrière à Péruwelz en Promotion, il officie comme éducateur sportif à l’Ecole des Sports liée au Futurosport, dont le nouveau patron est… JeanLouisLosfeld, l’ancien adjoint de Saint-Jean !

Au niveau de la direction également, une restructuration a été opérée. Le président Van Daele gérera le secteur financier, D’Haese reprendra le secteur commercial et Tirloit s’occupera du recrutement sportif en compagnie de Vandenbrouck.

Et au niveau des joueurs ? Un jeune attaquant français, qui a fêté ses 21 ans jeudi passé, vient d’être engagé : Demba Ba, en provenance de Rouen. La direction espère lever l’option sur AdnanCustovic et prolonger le contrat de Dimbala. Elle aimerait aussi conserver Zewlakow, mais il appartient à Metz. S’il reste, il deviendrait tout simplement le meilleur buteur en activité du championnat de Belgique, puisque GertVerheyen a arrêté. Chantry, prêté à Mons où il a fêté le titre de D2, entre dans les plans de Vandenbrouck. PatriceLuzi et Noukeu peuvent partir si une belle offre leur est faite. Ce n’est sans doute pas un hasard si ce sont deux joueurs dont la vente pourrait rapporter un peu d’argent. En outre, leurs successeurs éventuels sont déjà là : Martin n’a jamais démérité et Sanchez rêve de retrouver une place au centre de l’entrejeu, plutôt que sur le flanc. Le futur successeur de Besengez est déjà là également : DaanVanGyseghem ne demande qu’à jouer davantage. Et le jeune arrière gauche RomainHaghedooren sera intégré au noyau A. Quand on disait qu’on allait privilégier les produits locaux…

DANIEL DEVOS

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