Pas peur de rester

Il y a un an, MPH s’en allait. Le T1 roumain du Standard fait l’inverse. Pourquoi ?

Ya-t-il un dénominateur commun entre les derniers événements qui ont meublé la vie au Standard et au Real Madrid ? Directeur technique des Rouches, Dominique D’Onofrio allume son cigare et sourit. Car c’est bien Laszlo Bölöni qui, au Sporting de Lisbonne, a offert les premières minutes de jeu à celui qui est désormais l’artiste le plus cher de l’histoire du football : Cristiano Ronaldo acquis par les Madrilènes à Manchester United pour 94 millions d’euros.

Bien introduit au top du Real, Lucien D’Onofrio a suivi cette affaire de près et mesure depuis belle lurette que la jeunesse est un atout important. N’est-ce pas un des fonds de commerce de Bölöni ? Ses jeunes liégeois ne sont-ils pas les diamants européens de demain ? Ce sont des atouts qui ne peuvent être négligés. Dans ce contexte, Dominique D’Onofrio souligne tout de suite que  » Bölöni est un des rares coaches-formateurs au plus haut niveau.  »

C’est dire si cet élément de réflexion a été important dans la tête des décideurs du Standard… et dans celle de Bölöni. Leurs négociations ont été fort suivies par les médias belges, mais trois jours avant de parapher son nouvel accord au Standard, le coach de Transylvanie jouait calmement au tennis au Sart-Tilman avec Cvijan Milosevic, l’agent de Milan Jovanovic. Il n’y avait pas un photographe dans les parages alors que sa décision était imminente… Ces quelques balles étaient-elles indicatives à propos d’un état d’esprit l’incitant à rester à Sclessin ? Peut-être bien. Bölöni accorde beaucoup d’importance à la qualité de vie. Il vit son métier à fond mais sans jamais négliger la vie de famille.

 » A mon avis, cela a aussi joué « , explique Milosevic.  » En Belgique, on ne passe pas tout son temps dans les hôtels et les avions entre deux matches de championnat. On peut jouer en D1 et en coupe d’Europe tout en menant une vie normale. Il apprécie certainement la Belgique. « 

Dominique D’Onofrio n’ignore rien du caractère de Bölöni et le Standard a pu mesurer l’ampleur de son travail. Il y a un an, Michel Preud’homme a peut-être un peu tremblé au moment de prolonger ou pas son séjour à Sclessin. Pouvait-il confirmer ou aller plus haut ? En espérant un contrat de deux ou trois ans, MPH a étalé des doutes. Il a préféré la sécurité d’un autre projet et cela peut se comprendre.

Pour Bölöni, retrouver la Coupe aux grandes oreilles est plus important que tout

Les propos tenus par Bölöni au fil de la saison annonçaient une autre issue. Il a signé quelques phrases qui en disaient long sur ses dispositions et son état d’esprit :  » Je peux être plus qu’un simple coach pour ma direction (…) Je sais quand on peut lancer un jeune ou lui permettre de tenter sa chance à l’étranger (…) Je ne trahirai jamais Lucien D’Onofrio (…) etc.  » Il s’est attelé à une tâche difficile mais n’a pas tremblé. De plus, il a dessiné des plages de progrès, a indiqué un chemin à suivre et l’homme n’avait pas du tout l’intention de céder son héritage à un autre. Pour lui, cet effectif peut affronter dignement les poules de la Ligue des Champions. Encore une pièce à ajouter au dossier Bölöni qui rêvait depuis ses débuts en tant que coach de retrouver le gotha européen. Quinze ans de travail acharné sont enfin récompensés : retrouver la Coupe aux grandes oreilles qu’il remporta comme joueur en 1986 est plus important que tout.

 » Son travail n’est pas terminé, loin de là « , certifie Dominique D’Onofrio.  » Sa confiance en lui est rassurante. C’est un guide qui connaît le haut niveau. Il sera chez lui en Ligue des Champions et sait ce qu’un joueur vit et ressent à ce niveau. A mon avis, la qualification du Standard pour les poules de la Ligue des Champions a multiplié son intention de rester chez nous. Mais, cela dit, il était normal, après notre bonne campagne, qu’il intéresse de très bons clubs étrangers. Le contraire aurait été étonnant après les perfs européennes, la Supercoupe, le titre, sa distinction de Coach 2009. Et l’enquête secrète de Sport/Foot Magazine révèle que de nombreux joueurs de D1 aimeraient l’avoir comme… coach et ce n’est pas le fruit du hasard. Il a permis au Standard et à tout le football belge de grandir. Ses résultats et ses messages ne concernaient pas que les Rouches. C’est une personnalité qui a le souci de penser au football, en général, pas seulement à ses propres résultats. Son charisme en fait un homme directement très écouté.  »

Journaliste roumain, Vlad-Mihai Amariei nous a confirmé que Bölöni avait été approché par pas mal d’émissaires :  » Celtic Glasgow, Dinamo Bucarest, Steaua Bucarest, l’équipe nationale de Roumanie, quelques clubs turcs, etc. J’ai cru à un moment qu’il reviendrait en Roumanie. Il y a tellement à faire faire chez nous mais l’outil de travail ne lui convient désormais plus. Bölöni est fait pour le top.  »

Bölöni a analysé ces offres avec politesse mais plus que probablement sans intention d’y donner suite. On l’ignore généralement, mais la principale offensive est venue de France. Responsable du recrutement au PSG, Alain Roche a suivi plusieurs fois le Standard lors de la saison écoulée et s’est intéressé de près au travail et aux performances de Bölöni. Le PSG cherchait un nom pour succéder à Paul Le Guen. D’après nos renseignements, Bölöni a rencontré plusieurs fois Roche en France. Là, le danger était réel pour le Standard. Les clubs français ont des moyens financiers bien plus importants que ceux des Liégeois. De plus, Bölöni n’a pas digéré son échec à Monaco et rêve de remettre un jour les pendules à l’heure en L1. Enfin, le T1 du Standard possède une maison au soleil du côté de Nice, dit-on, et Paris-Côte d’Azur, ce n’est pas un long déplacement. Le Standard a-t-il tremblé en notant ces divers intérêts ?

 » Non, pas du tout « , relève Dominique D’Onofrio.  » Le Standard ne panique jamais. Et cela n’aurait pas changé si Bölöni avait choisi de partir. Tout cela était normal. Bölöni connaissait parfaitement les règles du jeu et ce que Lucien pouvait lui offrir. Je suppose qu’il a eu un ajustement au niveau du salaire, mais l’élément de base est resté le même : un contrat d’un an. Le Standard ne changera pas cette façon de travailler qui, finalement, convient à tout le monde. Un tel accord peut être prolongé plusieurs fois. A la fin, cela n’a pas gêné le coach car il y avait bien plus en jeu qu’un contrat. Bölöni inscrit cette prolongation dans son plan de carrière. Il connaît Lucien depuis des années et ils sont souvent sur la même longueur d’onde. C’est un immense avantage : il n’y aura jamais de lézard entre eux ou entre Böloni et moi. La présence de Lucien dans les hautes sphères compte. Böloni le sait. De plus, il apprécie notre vision du football et la qualité de l’outil de travail à l’Académie Robert Louis-Dreyfus. En plus de la qualification pour la Ligue des Champions, notre centre d’entraînement l’a vraiment séduit.  »

La direction a apprécié son courage à Liverpool

Si Bölöni est sous le charme, l’inverse est tout aussi vrai. La haute direction liégeoise a apprécié son volume de travail, son courage à Liverpool où une prise de bec avec Rafael Benitez ne l’a pas effrayé, ses idées tactiques, sa gestion du départ de Marouane Fellaini et de Dante, son travail avec les jeunes, sa façon de régler les conflits internes, son ambition et sa classe lors des test-matches, etc.

Maintenant, il reste à préparer la prochaine saison qui s’annonce déjà à l’horizon. Que veut Böloni ?  » Mais rien qui ne soit pas dans les cordes du Standard « , précise Dominique D’Onofrio.  » Si Jova ne trouve pas de chaussure à son pied, il peut rester chez nous. Ce serait un plus, car les joueurs de cette catégorie ne se trouvent pas sous le sabot d’un cheval. Si c’est le cas, nous ne perdrons qu’ Oguchi Onyewu dans le noyau de base. Personne d’autre ne partira. Le désir du club est de continuer avec cet effectif. Il sera renforcé, c’est certain, avec l’apport de joueurs dignes d’être des titulaires. On le sait aussi, le Standard ne cassera jamais sa tirelire. Cette époque n’est plus du tout de mise chez nous et cela nous a réussi. Nous l’avons encore prouvé en janvier en recrutant Sinan Bolat et Christian Benteke : tout le monde n’y croyait pas mais cela a marché.

Le Standard va acquérir quatre ou cinq joueurs (dont un arrière pour remplacer Onyewu, peut-être un médian ayant de la taille) mais cherchera surtout des solutions internes. Bölöni excelle dans cet art de faire confiance à un jeune au bon moment, comme ce fut le cas avec Mehdi Carcela. Il n’a jamais froid aux yeux. Tous les joueurs ont progressé avec lui. Prenez le cas de Steven Defour qui est devenu le moteur du Standard. Je peux en citer d’autres. Le T1 suit les U21 avec attention et le Standard a d’autres équipes de jeunes très douées. Comme moi, Bölöni regrette le fait que les équipes de D1 ne puissent toujours pas aligner ses Espoirs en D3. Leur présence à ce niveau boosterait l’intérêt médiatique pour la D3 et offrirait un temps de jeu intéressant à des jeunes qui abordent leur post-formation. Bölöni a vécu les bienfaits de ce système en France. Son vécu ne s’arrête pas à l’équipe fanion, loin de là. Le Standard et son coach partagent la même philosophie. C’est aussi pour cela qu’il est chouette de continuer ensemble. Je suis certain que le Standard progressera encore avec Bölöni.  »

par pierre bilic – photos: belga

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