« Pas le niveau européen, moi? »

Le petit frère de Ronny ne participera probablement jamais à un Championnat d’Europe avec l’équipe nationale.

Lors de la dernière participation de la Belgique à un Championnat d’Europe, en 1993 à Berlin, Ronny Bayer était le meneur de jeu de l’équipe nationale. Paul, le « petit » frère, ne faisait pas encore partie du groupe. « Ronny m’a toujours dit que c’était un événement spécial, mais je n’ai jamais eu la chance de le vivre », regrette-t-il. « A 31 ans, je sais que les occasions ne seront plus très nombreuses. Je fais partie de la génération de Jacques Stas, qui se rend compte également que cette campagne-ci constituait probablement la dernière chance. Lors de l’EURO 2003, j’aurai 33 ans. C’est encore un bon âge. Lors de l’édition suivante, en 2005, je serai en fin de carrière et je ne pourrai plus prétendre à un rôle majeur… »

Pour cette édition-ci, c’est mal parti. La défaite subie à Liège face à Israël, voici dix jours, a lourdement hypothéqué nos chances. Le fait de terminer, éventuellement, devant la Roumanie et le Danemark permettrait de sauver l’honneur mais ne serait d’aucune utilité dans l’optique du Championnat d’Europe.

Peut-on encore rêver d’une qualification pour l’EURO 2003?

Paul Bayer (en soupirant): Nous avons hérité d’un groupe très difficile. En outre, une fois de plus, nous n’avons pas entamé cette campagne sous les meilleurs auspices. Plusieurs joueurs ont dû déclarer forfait pour cause de blessure. D’autres ont renoncé pour diverses raisons. Ce genre de péripéties est hélas monnaie courante en équipe nationale. Et ce sont à chaque fois des handicaps quasiment insurmontables. Le réservoir belge n’est pas assez vaste pour pouvoir compenser l’absence de valeurs sûres. Il y a parfois aussi une question de motivation. Certains joueurs sont plus ou moins heureux de faire partie des Belgian Lions. Cela s’explique par le fait que certaines personnes, à la fédération ou dans les clubs, ne prennent pas toujours l’équipe nationale au sérieux. Il faudrait être fier de défendre les couleurs de son pays. D’accord, c’est le club qui paye le salaire des joueurs durant toute l’année, mais je ne comprends pas l’attitude d’Ostende qui a voulu obliger Christophe Beghin à renoncer aux Belgian Lions. C’est inconcevable. Un club a pourtant l’obligation de céder ses joueurs à l’équipe nationale. Je peux comprendre qu’Eddy Casteels voulait profiter de la trêve pour effectuer certains réglages à Ostende. Ce n’est toutefois pas une raison suffisante à mes yeux pour s’opposer au prêt des joueurs.

Fier d’une sélection?

Que ressentez-vous par rapport à l’équipe nationale?

Je trouve qu’une sélection est une reconnaissance. Je suis encore capable de ressentir un frisson lorsque j’entends la Brabançonne. En plus, être un Lion revêt un caractère spécial pour moi parce que mon frère en fut l’une des figures de proue. Je me souviens de ma première sélection en match amical contre la Suisse à Quaregnon, en 1995. Jouer aux côtés de mon frère sous le maillot national était très particulier: j’ai ressenti cela comme une consécration. Aujourd’hui, je demeure le seul de la famille à défendre les couleurs de l’équipe nationale. Ronny a connu les bonnes années des Belgian Lions. Je suis sans doute arrivé un peu trop tard.

Y a-t-il chez vous un besoin de reconnaissance après ce qu’a réalisé votre frère?

Pas vraiment. Je ne suis pas jaloux, je suis fier de ce qu’a réalisé Ronny. Il a eu droit à des sélections européennes. C’est un grand nom du basket belge. En ce qui me concerne, j’ai trois titres et deux coupes à mon palmarès. Ce n’est pas mal. Mais, sur le plan international, je ne suis pas arrivé aussi loin que lui.

Est-ce pour cela que l’on fait souvent référence au « petit » Bayer en parlant de vous?

Pas uniquement. D’abord, je suis le plus jeune. Ensuite, il a eu une carrière très riche. Quoi qu’il arrive, je resterai toujours le « petit » Bayer. Cela ne me dérange pas. J’essaye de jouer mes matches chaque semaine et je ne fais pas attention aux comparaisons. Ronny est plus célèbre que moi, c’est clair. Récemment encore, j’ai été accosté par quelqu’un qui m’a demandé: -N’êtes-vous pas le frère d’un basketteur connu? J’aurais pu me sentir vexé. Et bien non: j’y suis habitué.

Moins fort que Ronny?

Etes-vous différent de votre frère?

Ce n’est pas à moi à juger. Nous avons chacun nos qualités. Nous avons des points communs, mais aussi des divergences. Il est plus puissant, je dois plus jouer en souplesse.

A Anvers, en raison de la blessure de Roel Moors, vous devez jouer comme distributeur. En équipe nationale, vous êtes plutôt ailier. Sauf cette fois-ci, parce que Jean-Marc Jaumin a déclaré forfait.

J’ai souvent joué comme distributeur à Anvers, en effet. C’était déjà le cas la saison dernière. C’est intéressant pour un coach d’avoir un joueur polyvalant, qui se sent aussi à l’aise à la distribution qu’à l’aile. Je joue là où le coach me le demande. J’ai parfois besoin d’une période d’adaptation, c’est normal. C’est surtout en défense que les tâches sont différentes, selon que l’on soit meneur ou ailier. Je m’en accomode. J’ignore quelle est ma meilleure place. Ma taille me prédispose plutôt à jouer à la distribution, mais mon habileté au tir ferait plutôt de moi un ailier. Aussi longtemps que je peux jouer, peu m’importe ma place. En équipe nationale, j’alterne: j’ai joué tantôt à l’aile, tantôt comme back up de Jacques Stas à la distribution.

Compte tenu de votre morphologie, n’auriez-vous pas réalisé une plus belle carrière en tant que meneur spécifique?

Peut-être. On ne pourra jamais le dire. J’ai joué comme ailier lorsque j’évoluais aux côtés de Ronny à Ostende, mais aussi parce qu’il y a beaucoup de concurrence à la distribution en Belgique. En revanche, les bons ailiers sont plutôt rares.

Combien de sélections?

Où est votre compteur chez les Lions?

Je n’en ai pas la moindre idée. Tout a toujours été tellement confus. J’ai connu l’époque de Tony Souveryns. Puis, j’ai été écarté à l’époque de Mark Vanmoerkerke (mon plus mauvais souvenir) pour des raisons qui demeurent obscures à mes yeux. A mon avis une simple question d’affinités. Je suis alors revenu avec Tony Van den Bosch. Après mon éviction, l’équipe nationale était devenue moins importante à mes yeux. J’étais déçu. Je ne comprenais pas pourquoi je n’avais pas été repris. Lorsque Vlado Djurovic m’a repêché, j’étais encore sous le coup de cette déception. Puis, Tony Van den Bosch a repris l’équipe nationale en mains et je suis redevenu un titulaire régulier. Du coup, la motivation est revenue. Ainsi que la fierté de porter le maillot belge.

Certaines personnes font régulièrement allusion à la « bande des Anversois » et mettent le doigt sur les relations privilégiées que vous entretenez avec Tony Van den Bosch.

Contrairement à ce que certains prétendent, Tony n’accorde aucun privilège aux Anversois. Lors de la campagne précédente, il n’avait pas sélectionné Pieter Loridon et Roel Moors. Moi-même, j’avais très peu joué. En Ukraine, je n’étais sur le terrain que quelques minutes. A tel point que j’ai parfois eu du mal à l’accepter. Mais on ne peut pas empêcher les gens de faire l’amalgame: comme Van den Bosch est à la fois le coach d’Anvers et de l’équipe nationale, d’aucuns pensent qu’il aura toujours tendance à prendre un maximum de joueurs de son club. Je puis vous assurer qu’il ne sélectionne pas les internationaux sur cette base-là. L’avantage de Tony, c’est qu’il connaît beaucoup de joueurs. Il a joué au plus haut niveau et a coaché plusieurs équipes. Il n’a pas son pareil pour motiver les joueurs.

Quelles stats avec les Lions?

Vos statistiques en équipe nationale sont très loin de vos statistiques en club. D’où la réflexion de beaucoup de personnes: vous êtes un bon joueur de club, mais trop limité au niveau européen.

C’est facile à dire. En Coupe d’Europe, j’ai déjà disputé des matches à 20 points également. Cela signifie que j’ai le niveau. Mais mon rôle est totalement différent en équipe nationale. Chez les Belgian Lions, je n’ai pas le droit de prendre quinze tirs par match. J’ai plutôt un rôle défensif qui n’est pas toujours apprécié. C’est parfois frustrant car les gens ne voient que les points marqués. A Anvers, j’ai un rôle de leader. Je me sens moins investi de responsabilités en équipe nationale. J’ai déjà joué de mauvais matches avec les Belgian Lions, je l’admets. Néanmoins qui peut se targuer d’avoir toujours été brillant? J’ai éclos sur le tard. Je joue au plus haut niveau depuis de nombreuses années, mais je n’ai atteint ma maturité que ces dernières années.

Tony Van den Bosch coache-t-il de la même manière en équipe nationale qu’à Anvers?

Non, c’est impossible. En club, il peut construire. En équipe nationale, il doit parer au plus pressé et obtenir des résultats immédiats. Il doit s’adapter aux caractéristiques d’autres joueurs. Le seul point commun qu’il conserve, c’est son tempérament de gagneur. Il n’aime pas perdre, c’est dans sa nature.

Utilise-t-il les mêmes systèmes de jeu?

Non, évidemment. Les systèmes de jeu sont adaptés aux joueurs dont il dispose. Ce sont aussi des systèmes de jeu simples, qui peuvent être rapidement assimilés par les joueurs qui se retrouvent ensemble durant une courte période. En outre, il ne peut pas trop laisser lire dans ses cartes non plus. Je le vois mal dévoiler tous les systèmes de jeu appliqués à Anvers.

TVDB peut-il rester?

La nécessité d’engager un coach professionnel pour l’équipe nationale revient souvent sur le tapis…

Personnellement, la formule actuelle me convient. Aussi longtemps que Tony accomplit bien son travail et est motivé pour le faire, je ne vois pas où est le problème. Coach professionnel ou affilié à un club, peu importe: c’est surtout une question de compétence et de motivation.

Si Tony Van den Bosch vous écartait de l’équipe nationale, alors qu’il est également votre coach à Anvers, l’accepteriez-vous facilement?

Je serais déçu, c’est sûr. Je pense que je finirais par l’accepter, si mon éviction est justifiée. Avec les années, j’ai mûri sur le plan mental. Et, grâce au fait que je suis le frère de Ronny, je me suis forgé une caparace. J’ai vécu beaucoup de choses dans le basket. Avant, j’étais tout excité lorsqu’un événement se profilait à l’horizon. Je parviens désormais à relavitiser.

Daniel Devos

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