» Pas du tout concerné par Eupen… « 

L’ancien T1 de Sclessin parle de son frère, de son défi français et de sa dernière saison à la barre des Rouches.

Après avoir longtemps usiné sa passion sous les fumées de Sclessin, Dominique D’Onofrio (58 ans) a retrouvé une région qui elle aussi bosse pour retrouver sa grandeur d’antan. Baignée par la Moselle, Metz est le chef-lieu d’une Lorraine fière de son passé industriel qui se tourne désormais vers d’autres secteurs d’activités.

Le stade Saint-Symphorien vit au rythme de la L2 mais s’apprête à subir une rénovation en profondeur coûtant 55 millions d’euros. Le club à la Croix de Lorraine déposera aussi, le 15 mars prochain, sa candidature pour abriter des matches de l’Euro 2016.

C’est dans ce contexte prometteur que DD est arrivé au FC Metz en décembre pour revêtir le costume de directeur sportif. Le Liégeois y passe le gros de la semaine, vit près de l’équipe fanion et prépare la prochaine saison. Sa vie a bien changé…

Votre frère, Lucien, a sauvé Eupen en y injectant de l’argent : est-ce que cet événement pourrait vous concerner ?

Dominique D’Onofrio : Non. Je l’affirme clairement : je ne suis pas du tout concerné par Eupen. J’ai du boulot et un défi magnifique à Metz. Je m’y consacre à fond. J’ai signé un contrat qui se terminera le 1er juillet. On fera le point et on verra si nous poursuivrons ou pas notre chemin. Je me sens très bien à Metz où l’accueil a été formidable.

Comment va Lucien ?

Bien, la vie continue. Il a tourné la page. II se partage entre Lisbonne et Liège. Il y a eu la disparition de Tomislav Ivic aussi, il ne faut pas l’oublier. Mon frère et lui étaient très proches. Moi aussi. Lucien a connu beaucoup d’excellents coaches mais, pour lui, Ivic était le plus grand, l’inventeur du pressing haut, etc. Je l’ai fréquenté au quotidien. Pour moi, Ivic était un père, un ami, un confident, un géant. Un grand Monsieur qui a professionnalisé le Standard, je suis fier d’avoir travaillé avec lui. Même à la fin de sa carrière, ses entraînements étaient toujours modernes.

Que s’est-il vraiment passé avec lui à Anderlecht ?

Je n’en sais rien. Lucien n’a jamais eu de problèmes pour trouver du travail. Roger Vanden Stock l’estime et cela veut dire quelque chose. Que s’est-il passé au niveau du conseil d’administration d’Anderlecht ? Je l’ignore. Lucien a besoin de la confiance de toutes les composantes d’un club pour fonctionner.

L’intention était bien d’intégrer le conseil d’administration des Mauves ?

Je ne connais pas le deal qu’il avait avec Vanden Stock. Je lis la presse comme tout le monde.

Mais Lucien entendait bien siéger au CA d’Anderlecht et l’attitude négative de certains administrateurs l’a éloigné des Mauves, non ?

Je l’ai lu. C’est certainement une des raisons.

En route pour la Lorraine

Comment êtes-vous entré en relations avec le FC Metz ?

Bernard Serin a succédé au légendaire Carlo Molinari à la présidence en 2009. Il est notamment actionnaire du grand quotidien de la région, le Républicain Lorrain, et soutient à fond le dossier de modernisation du stade. Ce capitaine d’industrie est aussi très connu à Liège où il est président du comité scientifique du groupement de redéploiement économique. Après être passé chez Arcelor et avoir dirigé Cockerill-Sambre, il a repris CMI (Cockerill Maintenance et Ingénierie) devenu un des fleurons d’un bassin sidérurgique liégeois qui traverse de grosses difficultés. CMI a une loge au Standard et je connais Bernard Serin depuis des années. Cet ingénieur est un passionné de foot et en 1993 déjà, j’avais suivi la finale de la Coupe Standard-Charleroi (2-0) avec lui.

Et c’est lui qui vous a sollicité ?

Oui, il connaît mon profil mais on en a parlé plusieurs fois avant d’aller plus loin. Puis, en décembre dernier, j’ai accepté d’aider Metz en remplaçant un Joël Muller devenu son conseiller et président du syndicat des entraîneurs français. Ce défi de directeur sportif est très intéressant. J’avais eu des contacts pour entraîner en Chine mais cela ne cadrait pas avec mes attentes. Je voulais prendre un peu de recul. Puis, l’offre de Metz m’a emballé car elle émane d’un club qui a un passé, des projets, une tradition de travail avec les jeunes, une envie de se dépasser qui m’ont rapidement séduit. Quand je suis à Metz, je vis à l’hôtel. Ce n’est pas loin de Liège et, comme convenu avec Metz, je ne renonce pas à mes activités de consultant pour Voo.

Avez-vous renoncé à vos ambitions de coach ?

Non. Pour le moment, je suis totalement impliqué à Metz et cela me plaît beaucoup. Il y a un excellent organigramme et je travaille avec le staff, le coach, le directeur général et Joël Muller que je consulte régulièrement. Metz veut remonter en L1. Pour préparer 2012-13 et recruter des renforts, je voyagerai au Togo et au Sénégal où Metz a une académie. Notre centre de formation vient d’accueillir 30 Chinois U15 en stage et le club aligne d’ailleurs deux Chinois en CFA. J’ai été actif lors du mercato d’hiver : on a signé trois arrivées. On vit avec un budget de 11 millions d’euros sous contrôle de la DNCG (Direction nationale du contrôle de gestion). On ne peut pas dépasser la masse salariale. Il faut innover, voyager et j’ai des réseaux ou des pistes qui datent du Standard. Metz vit au c£ur de la L2 où les clubs louent ou prêtent pas mal de joueurs en mal de temps de jeu ; mais je suis impressionné par la qualité technique de ce championnat.

 » Conceiçao a été de loin mon meilleur adjoint « 

Il y aura bientôt un an, le Standard fit sensation lors du premier match des play-offs 1 à Anderlecht : vous vous en souvenez ?

Bien évidemment. Quand on a vu notre compo, certains ont sorti les kalachnikovs pour me descendre en cas de défaite. J’avais bien caché mon jeu.

Herman Van Holsbeeck déclara qu’Anderlecht était au courant de vos intentions…

Impossible. Tout le monde s’est échauffé et la feuille de match a été complétée 12 ou 13 minutes avant le coup d’envoi. Tout était secret et bien préparé. J’avais abordé l’idée d’un énorme turnover (dont je ne suis pas un partisan en temps normal) avec mon staff en fin de semaine. Personne n’était d’accord. Même pas Sergio Conceiçao.

Que vous a apporté Sergio ?

J’ai eu des tensions avec lui quand il jouait mais il a été de loin mon meilleur adjoint. Conceiçao a découvert le métier, ses difficultés, le travail au quotidien. Sergio m’a apporté sa rage de vaincre et il a l’étoffe d’un futur grand coach et le prouve déjà à Olhanense au Portugal. Il m’a dit un jour : – Avec toi et ta façon de travailler et de communiquer, j’ai gagné cinq ans. Cela m’a fait plaisir.

Sergio a fini par partager votre idée pour le voyage à Anderlecht…

Oui, oui, on en a parlé avec tout le staff. A ce moment-là, la demi-finale retour de Coupe de Belgique contre Gand était prioritaire. Le Standard pouvait digérer une défaite à Anderlecht et il restait 9 rencontres pour atteindre notre objectif : la 4e ou la 3e place. Par contre, il fallait battre Gand en Coupe de Belgique après le 1-0 de l’aller. Une place en finale était plus importante que le premier des 10 matches des PO1 qu’Anderlecht avait abordé avec 8 points de plus que le Standard.

Quand avez-vous finalisé votre plan ?

C’est pendant la promenade matinale que j’ai expliqué mes intentions et ma stratégie à ceux qui ne joueraient pas à Anderlecht afin de se reposer en vue de la visite de Gand à Liège trois jours plus tard : Mangala, Witsel, Defour, Leye, Carcela, Tchité, etc. Ils ont immédiatement adhéré et j’ai tout expliqué aux autres lors de la théorie, deux bonnes heures avant le coup d’envoi. J’allais en prendre plein la gueule en cas de lessive mais j’avais confiance : mon effectif était valable en profondeur et j’ai toujours bien travaillé avec ceux qui ne jouent pas beaucoup. J’ai souvent bien réussi chez les Mauves mais je n’étais même pas certain de gagner en alignant ma meilleure équipe. Sur ce coup-là, nous n’avions rien à perdre et on a tout gagné : un match référence, un état d’esprit incroyable (notamment sur le banc), un déclic et le début d’une aventure unique. Pourtant, je ne pense pas que le Standard 2010-11 soit né à Anderlecht ou lors des PO1. On oublie tout le travail accompli tout au long de la phase classique.

C’est-à-dire ?

J’avais perdu Dieumerci Mbokani, Milan Jovanovic, Wilfried Dalmat, Momo Sarr, Marcos, Igor De Camargo, Benjamin Nicaise, Wilfried Dalmat. Tous des joueurs expérimentés avec la conquête de deux titres pour la plupart. Quand on voit ce que Dieu et Jova apportent à Anderlecht, on peut imaginer à quel point ils m’ont manqué. J’ai aussi déploré un paquet de blessés : Mangala, Cyriac, Witsel, Bolat, Defour. Il a fallu chercher et travailler dur pour refaire une équipe, surtout toute la division offensive. La venue de Van Damme et Kanu a accéléré la métamorphose. Je savais que ce serait une saison difficile Mais à Anderlecht, j’étais tranquille…

 » Witsel a atteint un niveau exceptionnel la saison passée « 

C’est le plus beau coup de votre carrière ?

Je ne sais pas. On m’a souvent jugé sur un match, gagné ou pas. Or, j’ai coaché 186 fois le Standard, rien qu’en championnat. J’en suis fier. Après le match à Anderlecht, j’étais heureux. Cela nous a boostés. On a largement mérité ce 1-3 qui m’a rappelé un 1-4 signé là-bas quelques années plus tôt. J’avais confiance car si l’équipe de départ a étonné, elle était équilibrée avec Camara et Van Damme dans l’axe de la ligne médiane.

Etonnant Camara…

Pour moi, il a été la révélation des PO1. Quand Defour est revenu de blessure, je ne l’ai pas écarté. Son transfert à Valenciennes m’a surpris mais je sais qu’on y est content de lui et cela ne m’étonne pas. Je n’oublie pas Witsel qui a atteint un niveau exceptionnel la saison passée : il était largement au-dessus du lot en Belgique. Avec son apport, entre autres, le Standard a atteint un niveau de Ligue des Champions et, sincèrement, cette équipe était imbattable en PO1. Tout était à la hauteur : technique, physique, gestion tactique, mental. Le bilan est éloquent : huit succès, deux nuls au Club Bruges et surtout à Genk qui a eu de la chance. Je n’aime toujours pas cette formule et on ne vivra plus jamais de tels PO1. Ils ont fait rêver, mais rien ne vaut un championnat classique. Le Standard méritait d’être champion. Dans les 15 derniers matches, nous étions la meilleure équipe de Belgique. Et je ne parle même pas des PO1, c’était tellement clair. Pour moi, personnellement, nous avons réalisé le doublé.

Sans la blessure de Mehdi Carcela, le Standard aurait gagné à Genk ?

J’en suis persuadé. J’étais certain d’y gagner. Mehdi a fameusement grandi la saison passée et a failli mourir sur le terrain. Et pas de carte rouge pour ce coup de pied au visage ? Supprimons les cartes rouges alors. Je n’ai pas aimé la réflexion de Franck De Bleeckere, le meilleur arbitre belge : – Personne n’a rouspété. Est-ce pour cela qu’il n’a pas pris la décision qui s’imposait ? A-t-il vu le désarroi de ceux qui avaient peur pour la vie de Mehdi ? Au repos, mes joueurs pleuraient dans le vestiaire. C’était la catastrophe et De Bleeckere voulait qu’on réagisse ? Mon équipe était ébranlée et j’ai dû la réorganiser. Mehdi n’en est toujours pas remis… J’en veux aussi à un juge de touche.

Pourquoi ?

A 0-1, Witsel n’a plus qu’à donner le ballon à Tchité seul au premier poteau pour doubler la marque. Le linesman indique alors que le ballon était sorti des limites de jeu. Or, ce n’était pas le cas. Genk a été promené et impuissant sauf sur un corner évitable : un coup franc de Genk filait un mètre à côté de notre but. Bolat a quand même repoussé le ballon en corner. S’il la laisse filer, le match est gagné. Kennedy, monté au jeu, ce qui a un peu déstabilisé notre organisation, en a profité pour égaliser : 1-1, terminé, une agression et des détails ont joué en faveur de Genk. La Coupe, on l’a gagnée pour Mehdi qui a téléphoné dans le vestiaire avant le coup d’envoi : – Ramenez-moi ce trophée à Liège. Je n’oublierai jamais ce moment-là. Nous avons gagné pour lui, 18 ans après la dernière finale gagnante de 1993. Pas mal pour une équipe en reconstruction…

 » J’ai préféré prendre du recul et rester sur une bonne note « 

En reconstruction comme celle d’aujourd’hui…

Bolat, Pocognoli, Kanu, Ciman, Goreux, Opare, Van Damme, Cyriac, Tchité, Felipe étaient déjà là en 2010-11 et j’ai lancé Michy en D1. Cette équipe a gardé pas mal de pans de la saison passée. Elle doit terminer dans le Top 3 et même plus. Pour Voo, je suis la D1. Le Standard est intéressant avec un bon Vainqueur et Seijas est pas mal. J’aime bien Courtrai qui produit un jeu positif. Le Club revient fort et rien n’est laissé au hasard avec Daum. Gand est bien posé sur le terrain. Mais la grosse mécanique, c’est Anderlecht, pas trop à l’aise à l’extérieur, mais qui peut accélérer le jeu, le contrôler, émerger à chaque instant avec Dieu, Suarez, Jova et Gillet. Le titre ne devrait pas lui échapper.

Après le succès en Coupe, vous n’imaginiez pas que la fin de votre aventure au Standard était si proche ?

Non. J’ai d’abord savouré la conquête de la Coupe de Belgique. J’étais persuadé que Lucien allait rester. Il avait des idées, une stratégie. Et la direction de l’époque m’a proposé de rester un an de plus à mon poste. J’ai réfléchi, pensé à cette petite partie du public qui est contre moi. Cela ne changera jamais. Pourquoi ? Je n’en sais rien, je ne comprends pas. Ils m’auraient fait des misères cette saison après une défaite. Je ne souhaite cela à personne. Quand mon fils est monté au jeu contre le Lierse, j’ai compris. Francesco ne méritait pas ces huées. C’était dur, surtout pour sa maman qui était dans la tribune. Si je lui ai demandé de jouer, c’est parce qu’il le méritait. C’est un jeune du club : il est arrivé au Standard avant Lucien et moi. A six ans et y a fait toutes ses classes. Il a passé quatre semaines au CS Bruges et est en revalidation pour le moment : je vais trouver une solution pour lui.

Quand avez-vous changé de cap ?

J’ai préféré prendre du recul et rester sur une bonne note. J’en ai parlé au staff qui était très déçu. Chaque fois que j’ai coaché le Standard, le club ajoutait un avenant à mon contrat à période indéterminée. Comme cet avenant se terminait le 30 juin, il restait à examiner, comme convenu, ce contrat à période indéterminée qui me lie au Standard. Quand j’ai annoncé mon départ à la presse, je me suis dit que tout était réglé en amont. A mon retour de vacances, une nouvelle direction s’est installée avec ses idées et ses priorités mais le problème de mon contrat à période indéterminée n’avait pas encore été réglé à l’amiable…

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : IMAGEGLOBE/ KETELS

 » Le Standard méritait d’être champion : j’étais certain de gagner à Genk. « 

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