Pas de syndrome Capriati

La Limbourgeoise gardera un bon souvenir malgré tout de l’Open d’Australie.

Pour sa troisième participation Down Under, la Kim Clijsters y a atteint les demi-finales où elle fut battue en trois sets par Jennifer Capriati, la numéro un mondiale en exercice.

Jusque-là, le parcours de la leader belge s’est assimilé à un long fleuve tranquille qui fit sourire certains, et enrager d’autres, tel le Chilien Rios, qui estiment que le tableau féminin ne démarre réellement qu’au stade des quarts de finale. Sans le vouloir, Clijsters lui donna raison.

Après un premier tour de pure routine face à l’Australienne Christina Wheeler, modeste 189e mondiale, qui l’obligea à rester 52 minutes sur le court (6-2 6-1), la protégée de Carl Maes expédia ses rencontres suivantes: 48 minutes pour battre l’Autrichienne Barbara Schwartz (6-1 6-1), 47 pour éliminer l’Australienne Watson (6-1 6-2) et 45 pour venir à bout de la Slovaque Janette Husarova (6-0 6-2).

La seule question qui courait alors dans les vestiaires était: -Comment Clijsters a-t-elle pu perdre des jeux?

« Depuis Roland Garros l’année dernière, Kim bénéficie de tableaux favorables en Grand Chelem », reconnut son entraîneur. « Mais que voulez-vous qu’on y fasse? Pareille situation est due à son classement élevé. Dans les premiers tours, elle affronte forcément des filles beaucoup moins bien classées qu’elle ».

Blessée, elle ne jouera pas à Anvers!

La rapidité des rencontres fut une excellente chose pour la cinquième joueuse mondiale. Souffrant d’un problème chronique à l’épaule droite, la fille de Lei sentit à Melbourne une douleur descendre dans le haut du bras, à hauteur du triceps. La gêne qu’elle éprouve depuis plusieurs années avait progressé et devait aboutir, à quelques jours de la fin du tournoi, à l’annonce qu’elle ne disputerait pas le tournoi d’Anvers pour laisser son épaule se reposer. Pire, on apprit alors que Clijsters allait observer trois semaines de repos complet et qu’elle ne jouerait plus aucun match de double de toute la saison.

On devrait la revoir au tournoi de Scottsdale, prévu à partir du 25 février, et si ce ne pouvait être le cas, Clijsters espère bien être d’attaque la semaine suivante pour le début du tournoi d’Indian Wells dont elle disputa la finale l’an dernier.

Opposée à Justine Henin en quarts de finale, la joueuse de Bree constata si besoin en était encore, qu’elle est très populaire en Australie. Partageant depuis deux ans la vie de Lleyton Hewitt, le numéro un mondial né à Adélaïde, Clijsters est sans cesse appelée « la presque Australienne » ou « l’Australienne d’adoption » par les quotidiens locaux.

Sa personnalité sur le court en fait la copie conforme de son partenaire à la détermination fort prononcée. Agés respectivement de 18 et 20 ans, ils semblent taillés l’un pour l’autre. Et il y a fort à parier que les résultats de l’un inspirent l’autre, et vice versa.

Comme les autres adversaires, Henin ne put pas grand-chose face à la puissance de sa compatriote. Tout juste put-elle faire jeu égal pendant cinq ou six jeux, les premiers d’un match bouclé en 74 minutes (6-2 6-3).

Pas de tactique pour Henin. A qui la faute?

« De toutes les défaites, celle-ci est un peu plus difficile à digérer », reconnut après coup une Justine Henin qui eut du mal à masquer sa déception. « Mais ce n’est pas parce que j’ai perdu quatre fois contre elle qu’elle va devenir ma bête noire. Je mène ma carrière par rapport à moi-même et si je devais sans cesse me comparer à elle, je n’avancerais pas ».

Carlos Rodriguez, le coach de Henin, eut des mots plus durs: « On a assisté à un match entre une fille (Clijsters) qui sait le jeu qu’elle va jouer et une autre qui se demande quoi faire. On ne peut pas jouer au tennis comme cela. Justine n’est pas à la hauteur pour gérer ce genre de situations et il faut le reconnaître. Kim est dix fois plus forte qu’elle. Justine doit accepter qu’il lui faut encore du temps pour s’installer définitivement dans le top 10 mondial. Depuis sa victoire contre Capriati à Wimbledon, elle a perdu tous ses affrontements contre les filles classées entre la première et la dixième place à la WTA. C’est un signe qui ne trompe pas ».

Pareils propos peuvent sembler durs mais Rodriguez n’entraîne pas Henin depuis 1996 par hasard : leur compréhension mutuelle est totale. Si Rodriguez fut aussi explicite, c’est tout simplement parce qu’il atend une réaction de Justine dans les semaines à venir.

« Je n’avais pas de réelle tactique avant le match », dira pour sa part Clijsters. « J’ai joué mon jeu et ne m’attendais pas à une victoire aussi facile. Justine a commis beaucoup d’erreurs en revers, ce qui est inhabituel chez elle ».

La seule inquiétude qui tracassait alors Clijsters était de savoir comment répondrait son bras, la demi-finale face à Capriati étant programmée le lendemain: « Nous avons livré quelques longs rallyes du fond du court et j’espère que ça ira ».

Kim fait souffler la numéro 1 mondiale

Difficile de croire au vu du bras de fer livré 24 heures plus tard face à l’Américaine que la numéro un belge éprouve davantage qu’une gêne au service et en coup droit, les deux coups qui lui posent réellement des problèmes. Car ce match ne sera rien d’autre qu’une explication entre puncheuses du fond du court. Longs et précis, les échanges furent d’une incroyable violence, en tout cas dans les deux premières manches. D’abord menée 4-1, Clijsters effectua une remontée qui aurait pu se terminer par le gain du premier set.

L’avantage psychologique dont bénéficia Capriati fut réduit en poussière dès les battues initiales d’une deuxième manche dominée de la tête et des épaules par la Limbourgeoise. Malgré un entraînement physique qu’elle effectue depuis le début de l’année en compagnie d’une ancienne championne du monde de kick-boxing, l’Américaine était au bord de l’implosion.

« Je l’entendais souffler », dira même Clijsters.

Mais parce que sa position de leader au classement lui a appris à gérer les situations difficiles, Capriati sut redresser la barre.

« Le premier jeu du troisième set fut capital et je le savais », ajoutera la Floridienne. « Si je l’avais perdu, j’aurais eu beaucoup de mal à rester en sa compagnie ».

On regrettera longtemps l’amortie complètement ratée par Clijsters alors qu’elle menait 30-40 sur le service adverse. « Ce fut une décision stupide », expliquera Kim. « J’ai voulu la faire courir mais j’étais trop loin derrière ma ligne de fond pour tenter une amortie ».

Vainqueur par 7-5, 3-6, 6-1, Capriati pouvait s’envoler vers une nouvelle finale australienne face à Martina Hingis dans une revanche de l’an dernier qui promettait monts et merveille. Clijsters, quant elle, venait de redescendre sur terre. Brutalement.

D’autres chances en vue

« J’étais très motivée pour réussir quelque chose ici », avoue Clijsters. « J’ai senti au début du troisième set qu’elle souffrait. Je me suis dit alors qu’il fallait absolument que je continue à la faire beaucoup courir mais je n’y suis pas arrivée. Jennifer s’est mise à mieux jouer et à raccourcir les échanges. A chaque fois qu’elle en eut l’occasion, elle chercha le coup gagnant pour finir le point le plus vite possible. Lors de notre finale à Roland Garros, elle avait commis plus de fautes directes et m’avait permis de rivaliser davantage avec elle. Ce ne fut pas le cas cette fois ».

Même si ce n’est pas le genre de la maison, on tenta de savoir si Clijsters ne nourrissait pas l’un ou l’autre regret, et notamment quant à l’amortie qui lui coûta peut-être le match.

« Non, comme à Paris, j’ai donné tout ce que j’avais », insiste-t-elle. « Je joue toujours mes matches à 100%. Bien sûr, l’amortie fut une mauvaise décision mais dans l’ensemble, Jennifer a prouvé qu’elle était meilleure ».

L’occasion lui fut alors donnée de tirer le bilan de sa tournée australienne. « Je suis satisfaite de mon tournoi », déclara-t-elle. « J’adore jouer en Australie et je suis encore jeune. J’aurai d’autres chances ».

Kim Clijsters ignorait alors qu’en cas de victoire finale à Melbourne, elle aurait détrôné Capriati et serait devenue le 28 janvier la nouvelle numéro un mondiale! Au lieu de cela, elle a entamé sa période de repos à la même position que celle qu’elle avait en débarquant en Australie: cinquième.

Mais une chose est sûre: Clijsters est devenue meilleure. Son tennis a progressé et elle est aujourd’hui une joueuse plus intelligente sur le court. Cela s’est surtout vu contre Henin où elle n’hésita pas à combiner sa puissance naturelle avec quelques coups de patte du plus bel effet.

« C’est ma fierté en tant que coach », expliquera à ce sujet Carl Maes. « J’ai à présent la satisfaction de voir que les choses que je lui ai enseignées se sont mises en place ».

Florient Etienne

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