« Pas de simples attrape-voix ! « 

Point commun entre Mbo Mpenza, Stijn Stijnen, Steve Dugardein, Giovanni Seynhaeve, Dany Verlinden et quelques autres gars du foot ? Leur présence sur une liste aux communales de ce dimanche.

Plus encore, peut-être, qu’aux législatives, les élections communales nous offrent à chaque scrutin des débauchages de premier choix dans le rang des people de tous bords, qu’ils soient issus des médias audio-visuels ( Denis Collard, PierreCollard-Bovy, Nathalie Winden, Françoise Palange, Carl Huybrechts, Phaedra Hoste,…), de la chanson ( Lou Deprijck, sans ses Hollywood Bananas), de la Justice ( Michel Bourlet) ou qu’ils soient de simples quidams projetés un peu par hasard – et parfois par malheur – sous les feux de la rampe : Jean-Denis Lejeune, Walter le libraire, le syndicaliste Salvatore Bongiorno, le policier Stéphane Delfosse – grièvement blessé lors de la catastrophe de Ghislenghien – ou l’ancien commandant de la base de Florennes, LucGennart.

Forcément, le sport n’échappe pas à cette tendance assez récente et fructueuse pour les partis qui osent et réussissent ce pari de séduire des  » attrape-voix  » musclés. Aux côtés, entre autres, de Christophe Rochus (tennis), Filip Meirhaeghe (VTT), Gaëlle Valcke (hockey), Ulla Werbrouck (judo), Marc Deheneffe (basket), Tom Steels (cyclisme) ou des athlètes Anja Smolders, Veerle Dejaeghere et Sandra Stals, les footballeurs (voir encadré) ne sont pas en reste pour tenter de séduire l’électeur. Sport populaire par excellence, le football rassemble les foules, cristallise les passions autour d’hommes adulés et (re)connus même si, dans le microcosme politique belge, ils ont parfois (souvent ?) mauvaise image.

Ambitions strictement communales

Alors, forcément, on peut se demander par quels moyens et avec quelles motivations personnelles ou plus collectives ces ex-footballeurs effectuent leur entrée en politique. Et surtout, pour quels résultats concrets ? A quelques jours du scrutin communal, nous les avons sondés sur les événements qui les ont conduits à accepter de s’inscrire sur une liste politique, sur leurs  » ambitions  » éventuelles avec, en guise de conclusion intuitive, plusieurs constantes. D’abord et avant tout, ces gars-là, de Mbo Mpenza à Olivier De Cock en passant par le tandem mouscronnois Giovanni SeynhaeveSteve Dugardein, sont généralement arrivés en politique par hasard, via un appel du pied d’une connaissance proche ou assez vague.

 » Malgré tout, il y avait une sensibilité déjà présente « , entend-on fréquemment dans leur bouche. Apparemment, ces vedettes du ballon rond ne visent pas plus loin que les limites de leur commune, probablement marquées par le contre-exemple de Marc Wilmots, élu au Sénat pour le MR en mai 2003 (avec 109.000 voix !) mais qui avait préféré arrêter les frais deux ans plus tard, de son plein gré. Préférant laisser aux politiciens bien établis le soin de viser les sièges confortables des hémicycles des Régions ou de l’Etat, ces gars-là se la jouent modeste, préférant mettre en exergue (on ne se refait pas !) la notion d’équipe pour laquelle ils sont prêts à aller au charbon, visiblement conscients de leurs lacunes légitimes et de l’image négative qu’ils continuent bien malgré eux de véhiculer.  » Après tout « , nous confirme sous le couvert de l’anonymat l’un d’eux qui ne se présenterait pour rien au monde,  » il paraît que nous ne sommes que des footballeurs sans cerveau, comme je l’ai déjà entendu à de maintes reprises. Enfin, c’est ce que la classe politique pense et cette image reste difficile à casser.  » Lui aussi approché lors des dernières élections par le CDH et le MR, et par une liste indépendante dont il ne se souvient plus du nom, le Carolo Alex Teklak a préféré décliner poliment mais fermement. Il confirme ce sentiment de malaise.  » Je ne veux pas généraliser mon cas et je sais que cela ne va pas plaire mais, à chaque fois que j’ai été approché sur ma commune de Walcourt, je n’ai pas senti de véritable projet concret et porteur derrière ces différentes demandes « , explique-t-il.  » Je ne suis évidemment pas dupe : c’est ma notoriété qui était prioritairement recherchée, pas d’éventuelles compétences que j’aurais pourtant pu être tenté de mettre au service de ma commune. Je suis de ceux qui pensent que la politique, a fortiori celle qui concerne le sport, doit appartenir à de véritables spécialistes du genre au même titre que les fédérations sportives ne peuvent être gérées efficacement par des politiciens qui ne comprennent rien au sport. Je souhaite beaucoup de plaisir à mes anciens équipiers ou adversaires, mais moi, j’ai préféré ne pas me lancer là-dedans sans avoir de garanties que je pourrais faire réellement bouger les choses. Je ne veux pas être un simple attrape-voix ! Ce n’est pas un refus catégorique pour le futur non plus mais bon, il ne faut pas se voiler la face : le sport, en Belgique, est un peu le parent pauvre de la politique. Il n’y a pratiquement aucune vision à long terme, on n’y investit pas de réels moyens non plus malgré quelques initiatives louables comme celles d’ AndréAntoine. Au vu de la crise, j’ai bien peur que cela ne s’arrange guère durant les années à venir. Quel est l’intérêt de débloquer des budgets pour le sport ?  »

Il n’y a pas que le foot

Présent sur les listes de l’Open VLD à Bruges, la ville où il a fait la majeure partie de sa carrière, Olivier De Cock ne conçoit dans son engagement politique que des ambitions à portée limitée.  » Mon envie première, c’est de rester à l’écoute des gens que je croise au quotidien, dans le cadre de mon activité d’agent immobilier ou au hasard de mes flâneries « , explique ce jeune retraité du foot professionnel, qui joue encore au FC Damme, en P1.  » Pour moi, il est impensable d’avoir un travail où je pose mon cul sur une chaise toute la journée ! Il faut que je bouge, et ce qui m’intéresse réellement, ce sont les rapports sociaux que je peux nouer avec des gens issus de toutes les classes sociales, comme on peut en trouver dans tous les stades. Mes ambitions sont claires et simples, je souhaite apporter mon expertise dans les deux domaines que je maîtrise le mieux : l’immobilier et le sport. Bruges est une ville qui compte 7.000 étudiants. Il faut pouvoir leur offrir des logements décents à prix raisonnables, mais aussi leur permettre de s’épanouir par le biais du sport.  »

Actif en tant que coordinateur général de l’Ecole des Sports sur le site du Futurosport qu’il arpentait déjà quand il était la figure de proue de l’Excelsior Mouscron, Dugardein abonde dans ce sens, lui qui sera 16e sur la Liste PS aux côtés de son ami et ancien équipier Seynhaeve (18e).  » Comme lui, je suis issu d’un milieu modeste, celui du Nouveau Monde à Mouscron. Mes origines sont ouvrières et mes parents ont toujours été socialistes. Mon implication politique, je ne pouvais la concevoir autrement que via le rouge, une couleur qui m’a toujours accompagné, dans ma vie de tous les jours comme sur un terrain. Maintenant, après avoir pris le temps de la réflexion quand on m’a proposé de me présenter, je veux concrètement aider la commune par le biais du sport, mais du sport pour tous. L’Excelsior, cela a été une belle partie de ma vie, et le club est en train de revivre grâce à Lille. Il faut toutefois mieux gérer ce club, lui redonner une identité locale, mais aussi ne pas tout miser dessus. L’équipe de water-polo locale de Mouscron gagne chaque année le titre, remporte des Coupes de Belgique mais ne peut même pas jouer sur la scène internationale. D’autres sports méritent qu’on s’y intéresse. Le foot, c’est bien, mais il n’y a pas que cela. Il faut encadrer les jeunes, leur donner une chance de s’épanouir par ce biais.  »

Les critiques avant le verdict des urnes

Deuxième constat : contrairement aux  » vrais  » politiciens, les footballeurs préfèrent tous agir dans la discrétion, sans appuyer trop fort sur la carte de la notoriété déjà bien établie dans la commune où ils résident. Ainsi Mbo Mpenza, qui sera présent sur une liste indépendante surnommée  » L’Equipe  » et sera opposé entre autres à Christophe Rochus (8e sur la liste  » Avec Vous  » du bourgmestre Alain Clabots) à Grez-Doiceau, avoue ne pas courir les marchés pour distribuer des flyers et présenter son programme. A 35 ans, il s’est lancé en politique un peu par hasard, pour porter sur les fonts baptismaux un ambitieux projet qu’il défend déjà depuis deux ans. Mais il n’est pas prêt à se  » prostituer  » pour arriver à ses fins non plus.  » Le but premier, c’est que mon projet d’intégration par le sport puisse être connu et reconnu « , explique Mbo, qui a dû temporairement mettre entre parenthèses ses activités de consultant foot à la télé.  » D’abord à l’échelle communale mais j’ai l’intention, ensuite, de le développer au niveau régional puis – pourquoi pas ? – national. Les gens me connaissent, peuvent m’aborder, mais je ne veux pas faire de politique politicienne. Ce n’est pas mon domaine. Maintenant, quand je lis dans la presse que je me cache, cela me met hors de moi. J’ai participé à des manifestations sportives, j’ai multiplié les rencontres avec mes colistiers pour mettre en évidence mon projet, j’ai déjà eu des contacts avec des politiciens de haut vol issus d’autres partis pour voir où je pouvais aller. Ce qui m’énerve, c’est qu’on puisse penser qu’un footballeur n’a pas sa place en politique. Je suis un citoyen comme les autres, je paye mes impôts et tout ça. Bien sûr, je n’ai pas fait dix ans de sciences-po, je ne suis pas juriste mais j’écoute, je partage, je progresse dans un milieu que je découvre.  »

Giovanni Seynhaeve, lui, se défend de vouloir chercher les voix à tout prix.  » Je suis connu à Mouscron et c’est agréable de se faire accoster par les gens de la rue qui veulent connaître mon programme, mes idées. Ma notoriété footballistique me permettra peut-être de faire quelque chose de bien pour le sport à Mouscron et je serais idiot de ne pas en profiter tout en gardant en tête les raisons de ma présence sur les listes du PS. Si on profite positivement de cette notoriété, où est le problème ?  » Son colistier Dugardein acquiesce en guise de conclusion.  » Vous savez, durant ma carrière, j’ai été taclé, critiqué. Ici, on m’a dit que sur les forums, certains m’avaient matraqué. Je m’en fous ! Si certains pensent que je ne suis qu’un attrape-voix, c’est leur droit, je les laisse dire, mais je ne me considère pas comme tel. J’ai beaucoup d’amis qui ont d’autres convictions politiques que les miennes et m’ont fait savoir qu’ils ne voteraient pas pour moi. Je n’ai aucun problème avec cela. Je connais aussi l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays. Moi, ce qui compte, c’est de m’impliquer pour ma commune, pour apporter mon expertise, mon énergie. L’échevin actuel des Sports fait de l’excellent boulot mais qui sait si je ne pourrais pas l’aider à faire encore progresser les choses ? J’essaie toujours d’aider les gens qui en valent la peine dans la mesure du possible. Je ne suis pas du genre à faire des promesses que je ne pourrais pas tenir. Croyez-moi, ce n’est pas le cas de tout le monde… « 

PAR VINCENT JOSÉPHY

 » Je souhaite apporter mon expertise dans les deux domaines que je maîtrise le mieux : l’immobilier et le sport.  » ( Olivier De Cock)

 » J’ai refusé d’apparaître sur une liste. C’est ma notoriété qui était prioritairement recherchée, pas mes compétences.  » (Alex Teklak)

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