« Pas de respect, ici »

C’est au Freethiel, précisément, que tout avait débuté, en 1999, pour le jeune Bruxellois: « Je serai toujours reconnaissant au président Frans Van Hoof de m’avoir donné une chance à l’époque. Il prenait un risque en choisissant de confier la destinée de l’équipe Première à un homme de 32 ans, quasiment inconnu au bataillon à ce moment-là. Pour moi, ce fut le début d’une très belle histoire qui s’est malheureusement terminée en eau de boudin, au début de cette saison, suite à l’arrivée de Jean-Marc Guillou ».

Vous avez été le premier entraîneur limogé en D1 le 20 septembre dernier. Comment un nouveau venu comme vous, a-t-il vécu cette mise à l’écart?

Emilio Ferrera: Ce n’était pas la fin du monde, dans la mesure où mes compétences n’avaient jamais été mises en doute. La pierre d’achoppement, ce furent mes relations tendues avec le manager sportif français. La direction se devait, dès lors, d’effectuer un choix. Et elle a opté, logiquement, pour le technicien qui avait investi à la fois de l’argent et des joueurs au sein du club.

L’attente n’aura pas été très longue puisque 15 jours à peine après votre licenciement, vous aviez déjà retrouvé de l’embauche au RWDM. Molenbeek qui, avec une unité sur 21 était encore plus mal loti que Beveren après sept journées. Pourtant, vous aviez le sentiment de faire un pas…

Pour avoir vu l’équipe molenbeekoise à l’oeuvre à plusieurs reprises, jusque-là, j’avais la nette impression qu’elle n’occupait pas une position en rapport avec son véritable potentiel. C’était, déjà, un bon point de départ. De plus, j’ai toujours eu un faible pour le RWDM, que je considère comme le club bruxellois par excellence. Et comme je me suis toujours senti un Ket beaucoup plus qu’un Andalou, mon rêve secret était d’y entraîner un jour. Lors du renvoi de Guy Vandersmissen, je m’étais même permis, à tout hasard, de poser ma candidature pour le relayer. J’avais donc depuis longtemps l’idée et l’ambition de travailler là.

Miracle

Depuis votre arrivée au stade Edmond Machtens, le RWDM a pris à peu près 50% des points mis en jeu. Si vous aviez été là depuis le début du championnat, l’équipe occuperait-elle aujourd’hui une position dans le ventre mou du classement?

Ce serait faire peu de cas des mérites de mon devancier, Patrick Thairet, qui a quand même dû imbriquer pas mal de monde, durant l’été, avant que je reprenne le témoin. Je ne vais donc pas dire que j’aurais fait mieux que lui. Ce qui est sûr, par contre, c’est que notre capital-points aurait probablement été plus important encore si les conditions de travail du noyau avaient été meilleures.

Ce n’est vraiment pas le Pérou, au RWDM, au niveau des infrastructures. Et comme si cette problématique ne suffisait déjà pas, il a fallu composer avec des questions d’argent et de licence. Dans de telles circonstances, je n’hésite pas à dire que nous avons réalisé un miracle à Molenbeek. Et quand je dis « nous », je parle des joueurs, du staff technique ainsi que du staff médical. En six mois, personne d’autre, au sein du club, ne nous a aidés. Depuis septembre, nous sommes des naufragés sur une île, loin de tout. Et nous devons nous débrouiller tous les jours pour survivre, sans le moindre coup de pouce des autres composantes du club. Désolé, mais le seul département qui fonctionne au RWDM, c’est le groupe pro.

Ces contingences extra-sportives pèseront-elles lourd dans la balance le jour où vous serez appelé à vous prononcer sur votre avenir?

Qui ne rêverait pas de coacher un club doté de bons joueurs, d’infrastructures à la page et où tout le monde est payé à heure et à temps? J’y serais sensible, évidemment, comme n’importe qui. Mais je me demande réellement, en lisant et en écoutant tout ce qui se raconte, si pareille situation existe bel et bien en Belgique. Et je n’en suis pas persuadé du tout. Qui suis-je, d’ailleurs, pour exiger la perfection en la matière? Je peux fort bien m’accommoder de certains manquements ou approximations, à quelque niveau que ce soit. En revanche, s’il est un domaine où je suis très tâtillon, c’est le respect. Et celui-là, je ne le sens pas au RWDM. Depuis six mois, je n’ai jamais perçu de signe en ce sens en tout cas. On ne m’a encore à aucun moment complimenté pour le chemin que l’équipe a accompli depuis mon entrée en fonction, par exemple. En revanche, qu’est-ce que je n’ai pas dû entendre lorsque celle-ci a concédé quatre défaites d’affilée à l’entame du deuxième tour. Alors, quelques voix se sont effectivement élevées, l’une un peu plus fort que l’autre.

Grève

Celle de Freddy Smets, sans doute. On dit qu’il n’apprécie pas que vous laissiez sur le carreau Alexandre Kolotilko, dont le club veut monnayer le talent en fin de saison?

Le jour où l’on voudra m’imposer des choix, je claquerai la porte, c’est aussi simple que cela. Ou bien on me la claquera au nez, comme à Beveren. Je n’ai pas besoin de nounou. Alex ou non dans l’équipe, j’en fais mon affaire. Freddy Smets, en sa qualité de directeur sportif, doit veiller au bien-être journalier des joueurs, que ce soit sur le terrain ou ailleurs.

Ce n’est pas un mystère que le FC Malinois vous suit d’un oeil plus qu’intéressé. Ce club s’est retrouvé à la une des pages sportives, récemment, étant donné que ses joueurs avaient fait la grève. Une situation que vous avez déjà connue à Molenbeek, dans un passé récent. Troquer le RWDM pour les Sang et Or, serait-ce vraiment une bonne idée?

Dans la mesure où le club idéal n’existe pas, pour les raisons que j’ai évoquées plus haut, mon souhait est de poursuivre ma route dans un entourage où les considérations extra-sportives influent le moins possible le boulot quotidien. D’après l’entrevue que j’ai eue avec le président Eric De Prins ainsi qu’avec Patrick De Cock, en début de semaine dernière, tout sera mis en oeuvre pour repartir sur des bases saines la saison prochaine. J’en accepte l’augure. Mais voilà une éternité que le RWDM s’entraîne dans la gadoue et se débat dans les problèmes financiers. Les prétendues garanties, je m’en méfie dans ces conditions. Je ne dis pas que je serai automatiquement mieux loti sur tous les plans à Malines, si j’en viens à accepter l’offre de ce club. J’y aurai au moins l’avantage de disposer d’un superbe outil de travail. Car le terrain principal et les aires d’entraînement du KV sont de réels billards. C’est déjà ça… Attention, je ne suis pas encore Malinois pour autant.

Il se murmure effectivement que d’autres clubs ont songé ou songent toujours à vous. Pourtant aussi bien à La Gantoise qu’à Anderlecht, on estime qu’à 34 ans vous êtes trop jeune pour effectuer le grand saut.

Mon jeune âge est pourtant un très bon signe (il rit). Car dans tous les clubs où je suis passé, c’était toujours la même rengaine au départ… Pourtant, aussi bien au Racing de Bruxelles, où j’ai commencé à l’âge de 26 ans, qu’au RJ Wavre ou au SK Lombeek, les dirigeants n’ont jamais eu qu’à se féliciter de mes services. La valeur n’attend pas le nombre des années, c’est bien connu. Et ce constat est tout aussi valable pour un joueur que pour un coach. Victor Fernandez est devenu champion d’Europe avec Saragosse à 34 ans. Cela ne l’empêchait pas de faire l’unanimité. Pourquoi en irait-il différemment pour moi?

Confiance

Vous avez toujours témoigné d’une très grande confiance en vous. Une attitude qui ne vous a pas valu que des amis jusqu’à présent. Georges Leekens, Franky Vercauteren et Hugo Broos, pour ne citer qu’eux, se sont parfois répandus en propos peu amènes sur vous, en disant que vos paroles ne sont que du vent.

Si Trond Sollied avait tenu ce language-là, je m’inquiéterais. Il est avec Sef Vergoossen et Régi Van Acker celui pour qui j’ai le plus d’estime en Belgique. Ce que peuvent bien penser les trois autres, je m’en fous éperdument. S’ils savaient quels sentiments eux m’inspirent, ils seraient encore plus virulents envers moi.

On peut comprendre que Trond Sollied et Sef Vergoossen ne vous laissent pas indifférents. Mais pourquoi Régi Van Acker?

Parce qu’il a une ligne de conduite, au même titre que les deux autres, alors que la plupart des clubs de D1 n’en ont pas. Le Lierse est une des équipes qui possèdent les meilleurs principes de jeu de notre championnat mais elle n’est pas efficace. L’entraîneur lierrois est également issu des catégories inférieures, de Provinciales. Son parcours mérite le respect.

Beveren d’abord, le RWDM à présent: jusqu’ici, vous avez été, comme entraîneur, le sauveur des causes désespérées. Si le FC Malines remontait et que vous répondiez à son appel, ce ne sera pas pour briguer une qualification européenne immédiatement. Or, vous aviez dit dans nos colonnes qu’il n’était pas bon, pour votre évolution, de travailler trop longtemps dans des cercles de moindre envergure.

Je suis peut-être bien arrivé à la croisée des chemins, même si une année de plus ou de moins à cet échelon ne fait pas une grande différence. Mais, pour mon épanouissement, c’est vrai que je dois quand même veiller à travailler tôt ou tard dans un club où je pourrai exprimer mes idées, à travers mes joueurs, sans devoir tenir compte -ou beaucoup moins- de l’opposition. Jusqu’à présent, une bonne partie de ce que je transmets à mes hommes est axé sur le team adverse. Pour progresser, je dois immanquablement limiter cette part-là. Mais il faut évidemment le matériel humain pour y parvenir.

Autorité naturelle

Vous êtes enseignant de formation. Y a-t-il des similitudes entre l’instituteur que vous étiez devant vos élèves et le coach faisant face à ses joueurs à présent?

Tout à fait. Je pars du principe que j’enseigne une matière tous les jours, à mes joueurs, comme je le faisais avec mes élèves autrefois. En guise de contrôle, le match du week-end remplace l’interrogation. C’est là que je vois si tout ce que j’ai transmis a été effectivement assimilé.

Quel type d’instituteur étiez-vous?

J’étais sévère mais juste. J’avais une autorité naturelle qui faisait en sorte que je ne devais jamais coller de punition. Ce comportement est toujours d’application aujourd’hui: je n’ai jamais mis aucun de mes joueurs à l’amende. Et si vous leur demandez ce qu’ils pensent de moi, je suis sûr qu’ils diront: -Froid et distant (il rit).

Bruno Govers, ,

« Le seul département qui fonctionne, au RWDM, c’est le groupe pro. Le reste, je préfère ne pas en parler »

« Ce que Leekens, Vercauteren et Broos pensent de moi, je m’en fous éperdument »

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