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Pas de plafond aux commissions

Les clubs professionnels voulaient mettre au pas le milieu des agents par des mesures sévères mais l’autorité compétente es concurrence n’a donné son feu vert qu’à une version light des projets initiaux.

On dirait que les clubs professionnels belges vont permettre à des personnes externes de consulter les détails financiers de leurs transferts. Ils veulent y impliquer les agents des joueurs. L’objectif est de faire passer les paiements des transferts via une clearinghouse, à l’avenir. C’est stipulé dans les propositions de règlement concernant les managers, un projet réalisé par un panel d’experts à la demande de la Pro League, l’association des clubs pros. Ce panel était composé de Pierre François, le CEO de la Pro League, Melchior Wathelet, politicien CdH, et Wouter Lambrecht, un juriste courtraisien qui travaille pour le FC Barcelone.

Clubs et agents devront financer le système de contrôle. Initialement, chaque club et chaque manager devait verser 5.000 euros mais le droit d’accès est descendu à 500 euros dans la dernière version du texte, une adaptation dans laquelle beaucoup voient la main de l’autorité belge compétente en matière de libre concurrence. Elle a donné son aval à la dernière version du panel, après avoir refusé un projet précédent.

UN SEUL AVERTISSEMENT

La Pro League déclare vouloir offrir ainsi une réponse aux situations intolérables qui accompagnent transferts et contrats. Il y a un an, l’Opération Mains Propres a soulevé le couvercle de cette fosse d’aisances. L’enquête du parquet fédéral a déclenché une vaste opération policière le 10 octobre 2018. Cette intervention concernait essentiellement les affaires douteuses des agents Dejan Veljkovic et Mogi Bayat, connues ou non des clubs. La ministre des Affaires sociales Maggie De Block (Open VLD) s’est empressée de menacer le monde du football de lui supprimer son tarif préférentiel en cotisations sociales. Marc Coucke, alors président de la Pro League, a rétorqué que son association allait limiter le pouvoir des managers. Le propriétaire d’Anderlecht passait ainsi sous silence le rôle des clubs, qui ont aidé les agents à acquérir ce pouvoir.

Il n’est pas surprenant que Coucke et Cie aient songé à une clearinghouse. Deux semaines avant le déclenchement de l’Opération Mains propres, le comité des parties prenantes de la FIFA avait présenté l’idée. Coucke a repris celle-ci en se référant à l’Angleterre, où cette instance existe depuis longtemps mais les managers qui travaillent parfois Outre-manche savent que ce n’est pas la solution à tous les problèmes.  » Ceux qui perçoivent une commission via la clearinghouse peuvent la virer à un autre compte « , explique le manager Stijn Francis,  » puis de là à un autre compte et enfin à un joueur ou à un directeur sportif. Personne ne peut contrôler ces transactions.  » Francis fait allusion aux rétrocommissions, une pratique qui consiste à récompenser un membre du club de sa collaboration au transfert.  » Le football anglais a également connu des scandales. L’absence total de conscience éthique en football est le principal problème. On peut lui imposer mille règles, ça ne changera rien.  »

Les règles n’ont d’ailleurs aucun sens si on n’en contrôle pas l’application. Ces dernières années, les agents doivent déjà se conformer à certaines règles en Belgique. Elles figurent dans le décret flamand de 2010 sur le placement professionnel privé. L’été dernier, le texte a été durci à la demande du ministre flamand du Sport, Philippe Muyters (N-VA). Mais en novembre 2018, le politicien Renaat Landuyt (S-PA) a demandé à Muyters combien de contrôles avaient été effectués dans le cadre du décret. La réponse a été navrante : deux en 2014 et un en 2017. Seul ce dernier contrôle a abouti à quelque chose : un avertissement.

Melchior Wathelet, politicien CdH, figurait parmi les trois experts qui ont concocté le projet de règlement concernant les managers.
Melchior Wathelet, politicien CdH, figurait parmi les trois experts qui ont concocté le projet de règlement concernant les managers.© BELGAIMAGE

Indépendamment de ces remarques, on considère que la clearinghouse est un premier pas positif, dans la mesure où elle offre plus de transparence. D’après la dernière version du projet, elle ne sera pas un simple passe-plats : elle pourra refuser des paiements si elle a des doutes. Il sera également possible de déposer plainte auprès de la clearinghouse, ce qui peut déclencher des procédures auprès de la Cour belge d’arbitrage sportif (CBAS).

ÇA BOUGE AUSSI À LA FIFA

La commission de la concurrence n’a pas seulement incité le panel d’experts à diminuer le droit d’accès à cette clearinghouse. Elle a supprimé d’autres mesures, comme le nombre maximum de joueurs d’un même manager par club et l’interdiction faite aux clubs d’employer un entraîneur et des footballeurs faisant partie du même portefeuille. Les commissions plafonds des agents ont également disparu du projet. Une organisation privée n’a pas le droit de déterminer ce que peut gagner un autre groupe. Les spécialistes trouvent fort que cette idée ait été reprise dans la première version alors que Wathelet aurait dû savoir qu’elle serait refusée, en sa qualité d’ancien juge de la cour européenne de Justice.

L’interdiction de dual representation est bel et bien maintenue. Un manager ne peut plus représenter plusieurs parties impliquées en même temps. La version finale reprend aussi l’interdiction des  » commissions garanties « . Le club acheteur ventile le paiement de la commission du manager sur la durée du contrat du joueur. Si un football se produit pour un club pendant quatre ans, le manager perçoit chaque année un pourcentage du salaire annuel brut du joueur. Mais souvent, les footballeurs s’en vont avant la fin de leur contrat. Les managers continuaient à toucher les tranches dues pour le reste du contrat. Ce ne sera désormais plus possible si la Pro League approuve les propositions du panel, en décembre.

Ça bouge aussi à la FIFA. Le comité des parties prenantes vient de donner son feu vert à une clearinghouse. Les commissions perçues sur les transferts internationaux devraient passer par cette instance. La FIFA envisage aussi d’imposer des commissions plafonds aux agents : 3% sur le salaire annuel brut d’un joueur pour les transferts entrants, 10% du montant du transfert sortant. On s’attend toutefois à ce que la fédération mondiale de football se heurte aux règles de la libre concurrence. L’autorité belge en la matière a déjà signalé que de telles limitations étaient illégales dans notre pays.

Le mois prochain, le FIFA Council va se pencher sur ces propositions. Une fois celles-ci approuvées, il s’écoulera encore au moins un an avant qu’elles n’entrent en vigueur. D’ici là, la clearinghouse et les nouvelles règles belges devraient être opérationnelles. Restera à voir à quelle vitesse les nouvelles règles FIFA prendront le dessus sur les belges et dans quelle mesure la FIFA pourra les imposer.

Qui va occuper la clearinghouse ?

On ne sait pas encore qui va screener les transactions en football. Il est crucial que les personnes désignées soient indépendantes. Elles seront extérieures au milieu, d’après les propositions déposées : pour moitié des juristes, pour moitié des experts-comptables. Cependant, les managers ont protesté quand on a évoqué le nom de Deloitte. Cette société de consultance a présenté une étude d’impact de la Pro League sur l’économie belge cette année, à la demande des clubs professionnels. Les initiés sont unanimes : cette étude a été réalisée à la tête du client.

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