PAS DE JET D’ÉPONGE

 » Je n’abandonne jamais, je continue toujours à travailler, sûr que ça portera ses fruits « . Entretien avec l’avant sur le Real Madrid et le Club Bruges.

Son nom officiel est Javier García Portillo  » mais en foot, on m’appelle Portillo. Laissez tomber le García « . Portillo est né le même jour que Vincent van Gogh, un 30 mars mais 129 ans plus tard. Il l’ignorait car la peinture ne l’intéresse pas. Depuis 23 ans, le ballon rond est toute sa vie.  » Comme mon père, je suis dingue de football « , avouera-t-il en cours d’interview. En bon Espagnol, il arrivera d’ailleurs en retard au rendez-vous fixé…

Son père et passager – Julian – reste dans l’auto. Le chauffeur Javier est sur ses gardes. Il semble redouter que certaines déclarations ne déplaisent ? Car la question subsiste : l’attaquant loué au grand Real est-il enfin lancé ? Qui sont ses concurrents ? Bosko Balaban ou Rune Lange ? Ce qu’il veut, c’est jouer. Pour cela, il a besoin de la confiance de Jan Ceulemans. Alors, il pourra exploser.

Avant tout, quelles sont vos premières impressions sur le football belge ?

Javier Portillo : Son niveau m’a agréablement surpris. Il est normal que les équipes adverses bétonnent à Bruges mais je regrette quand même que la plupart des formations aient un tempérament aussi défensif.

C’est difficile pour un attaquant ?

Le football n’est facile nulle part. Il est plus agréable d’avoir le ballon, de faire le jeu et de se créer des occasions. Bien sûr, on ne peut espérer voir le meilleur d’un joueur qui débarque dans un environnement totalement neuf. Quand Ronaldo a débarqué à Madrid, il a patienté huit matches avant d’inscrire son premier but. Il faut un certain temps pour s’adapter à ses nouveaux coéquipiers. J’ai peiné pendant quatre matches mais j’éprouve de moins en moins de difficultés au fil du temps.

Le Club a paru en bonne voie grâce à vous…

Notre équipe ne doit pas procéder par longs ballons. Nous recelons suffisamment de qualités pour développer un beau jeu au sol. Je suis convaincu que nous allons avoir le niveau qu’on est en droit d’attendre d’un grand club comme Bruges.

A quoi est dû ce mauvais début de championnat ?

Ce sont des choses qui arrivent. Il faut simplement continuer à travailler et tout finit par rentrer en ordre. Cela a l’air simpliste mais c’est ainsi.

La piètre qualité du jeu et des résultats a suscité pas mal de critiques. Les attaquants, stériles, n’ont pas été épargnés.

A juste titre, on remet en question un attaquant qui rate des occasions de but mais à ce moment, nous ne nous créions guère d’occasions. Pourquoi ? Je l’ai dit : Es el fútbol. Je n’ai jamais douté ? Je ne jette jamais l’éponge, je continue à travailler patiemment, avec la certitude que ça portera ses fruits.

Marquer c’est mieux qu’un orgasme

Une question revient constamment à Bruges : quel est le meilleur système, le 4-4-2 ou le 4-3-3 ?

Les deux tactiques nous conviennent. Personnellement, cela m’indiffère.

Vous avez été renvoyé sur le banc à l’occasion. Comment l’avez-vous pris ?

L’entraîneur peut préférer une autre occupation de terrain. Je dois m’incliner. Je n’en ai jamais fait un problème car il m’a toujours témoigné sa confiance en m’expliquant que je ne devais pas paniquer. Il sait très bien qu’un nouveau a besoin de temps pour s’intégrer. Tout joueur a besoin de la confiance de l’entraîneur. C’est l’essentiel. Il n’est pas bon de renvoyer un joueur sur le banc après deux matches médiocres. Je ne connais aucun attaquant qui marque à chaque joute. C’est impossible.

Marquer était pourtant votre marque de fabrique. Vous êtes le meilleur buteur de tous les temps en équipes d’âge du Real. Quel est votre secret ?

Travailler dur et être confiant. Il n’y a pas de secret.

 » Marquer, c’est mieux qu’un orgasme « , avez-vous déclaré il y a trois ans au magazine espagnol Don Balón. Votre joie après un but est d’ailleurs manifeste : vous avez vraiment un kick.

Cette déclaration à Don Balón était à prendre au second degré, vous savez (il rit). Un attaquant vit évidemment de ses buts, même si ce n’est pas tout. Ce même magazine m’a comparé à Hugo Sanchez, un jour. En soi, cela ne me pose aucun problème mais le journaliste a ajouté que je participais trop peu au jeu, ne me souciant que de marquer. C’était peut-être vrai à l’époque car cela remonte à quatre ans, mais ce n’est plus le cas maintenant. On me dit même que je recule trop.

Autre chose : vos parents et votre frère vous ont suivis à Bruges. Leur présence est-elle essentielle ?

Comme tout le monde, j’ai besoin d’être entouré de ma famille. Qu’il s’agisse de vos parents, de votre femme ou de votre amie, vous avez besoin de quelqu’un sur lequel vous appuyer. Par ailleurs, le noyau m’a très bien accueilli. Ivan Leko et Victor parlent espagnol, Gert Verheyen se débrouille. Cela m’a facilité la vie. Je suis des cours privés de néerlandais et d’anglais, essentiellement basés sur le vocabulaire footballistique.

Une famille dingue de foot

De quel milieu provenez-vous ?

Mes parents ont toujours travaillé dur, dans l’horeca. Mon père est fanatique de football. C’est un connaisseur. Il rate rarement mes entraînements. Tous les hommes de la famille sont atteints par le virus. Nous regardons les matches tous les jours, nous les enregistrons aussi. J’essaie d’apprendre en les visionnant. Ma mère ne trouve pas ça marrant tout le temps (il rit). Mon père, comme mon frère Julio, a joué à Aranjuez. Je suis le cadet de trois, dont une fille. Je suis cependant le seul de la famille à être devenu footballeur professionnel. Mon père et mon frère n’ont pas émergé.

Vous avez même attiré le Real ! Il doit être très difficile de passer des équipes d’âge au noyau A, où seules les étoiles mondiales obtiennent une place ?

L’école des jeunes du Real est une des meilleures d’Europe mais atteindre l’équipe fanion n’est effectivement pas facile. En Espagne, il n’y a pas de politique similaire à celle de l’Ajax, pour citer le plus bel exemple. Le club des Pays-Bas ose donner leur chance aux jeunes, leur permet aussi de commettre des erreurs. Le Real les investit de lourdes responsabilités. De ce point de vue, Vicente Del Bosque constituait une exception. Il a osé reprendre des jeunes dans le noyau A, comme Raúl, Pavon, Iker Casillas ou moi-même. Je dois beaucoup à Del Bosque. C’est lui qui m’a visionné à l’âge de onze ans et m’a fait transférer au Real. Il m’a accordé sa confiance, a continué à me suivre puis m’a permis de débuter en équipe fanion.

Vous avez continué à résider à Aranjuez, à quelque 50 kilomètres de Madrid. C’est exceptionnel pour un club comme le Real, non ?

Peut-être mais cela n’a jamais posé problème, pour autant que j’arrivais à l’heure aux entraînements. Avant que j’obtienne mon permis de conduire, mon père devait me payer un chauffeur car il n’en avait pas…

Combiner vos études avec le football en équipes d’âges et en Réserves du Real n’était-il pas difficile ?

J’ai fréquenté l’école jusqu’à 17 ans. C’était difficile, je dois l’avouer. Quand on se concentre sur le football, on a de moins bons points à l’école et si on s’investit trop dans les études, le foot en pâtit. J’ai choisi le sport.

Lors d’une interview télévisée, vous avez affirmé que Zinédine Zidane était le meilleur footballeur avec lequel vous ayiez joué. Qu’est-ce qui le rend particulier ?

Je n’ai jamais vu d’autres réussir ce qu’il fait avec un ballon. C’est comme s’il venait d’une autre planète. Je ne pense pas qu’on reverra pareil joueur de sitôt. Ronaldo, lui, est un phénomène parce qu’il marque. Il trouve toujours le chemin du but. C’est impressionnant.

Collégialité madrilène

Restez-vous en contact avec des joueurs du Real ?

Oui. Raúl et Iker Casillas me téléphonent régulièrement ou m’envoient un sms pour me demander comment ça se passe à Bruges. Ce ne sont pas des vedettes repues. Mon intégration s’est déroulée sans pli, j’ai toujours été bien accueilli. Raúl et Morientes m’ont particulièrement encadré et conseillé. Ce sont des attaquants mais la collégialité passe avant la concurrence. Au bout de quatre ans, on développe une certaine amitié footballistique.

Quel regard portez-vous sur vos quatre saisons dans le noyau A du Real ?

J’y ai vécu de bons moments et de moins bons. Notre victoire en Ligue des Champions reste un souvenir magnifique, même si je n’étais pas titulaire. J’ai inscrit 17 buts lors de ma saison avec Del Bosque, clôturée par le titre national : dix buts en championnat, deux en Ligue des Champions et cinq en Coupe.

Les places sont très chères. On comptait encore sur moi quand on a décidé de se séparer de Michael Owen mais je voulais absolument jouer. J’ai donc préféré partir. Je suis lié au Real jusqu’en 2007… On verra si j’obtiens encore une chance d’y jouer.

Vous n’avez pas été aligné chaque semaine à la Fiorentina non plus. Pourquoi ?

J’ai été titularisé dès le début mais à une position qui ne me convient pas, sur le flanc. Ensuite, je n’ai plus été repris systématiquement. Le football italien est radicalement différent de l’espagnol. Bizarre, pas beau du tout, défensif, voilà comment je le décrirais. Comme en Espagne, il faut posséder un bon bagage technique mais on n’a guère d’espaces.

Vous avez été international jusqu’en Espoirs. Espérez-vous une sélection pour le Mondial ?

Je continue à en rêver, même si nous avons deux éléments de classe en attaque, Raúl et Fernando Torres. Enfin, on ne sait jamais. Un noyau est composé de 25 joueurs. Le sélectionneur me connaît et il sait que je joue à Bruges. Il est toujours le bienvenu s’il veut me visionner (il rit).

Les tatouages de vos bras ont-ils une signification ?

Non, je les trouve juste beaux. Peut-être ferai-je tatouer le nom de mes enfants, qui sait ? Mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour. (il sourit) : Soy soltero y sin hijos (je suis célibataire et sans enfant).

Les femmes belges ne vous courent pas après ?

Si, quand même. Belges ou Espagnoles, peu m’importe, pour autant qu’elles soient sympathiques. Et belles (il rit). Pour le moment, je me concentre sur le football. Le reste viendra plus tard.

ROEL VAN DEN BROECK

 » RAúL ET CASILLAS M’ENVOIENT RÉGULIÈREMENT DES SMS  »

 » JE NE CONNAIS AUCUN AVANT QUI MARQUE À CHAQUE MATCH « 

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