Pas de honte

L’ancien attaquant de Malines est devenu un défenseur central à Anderlecht.

Lors de la période des transferts, bien des observateurs se sont demandé ce qu’un joueur comme Joris Van Hout pouvait aller faire à Anderlecht. Ils ignoraient qu’il allait occuper le poste d’arrière central. A la pointe de l’attaque malinoise, ce grand gabarit s’était surtout signalé par un jeu de tête impressionnant. Cela n’avait pas échappé aux recruteurs anderlechtois. Il suffisait, en fait, de transformer ce jeu de tête offensif en un jeu de tête défensif pour devenir une tour du compartiment arrière. Les propositions n’avaient pas manqué pour Joris Van Hout. De Bruges notamment, mais aussi de l’étranger.

Pourquoi avez-vous opté pour Anderlecht?

Joris Van Hout: Une proposition du Sporting ne se refuse pas. C’est ce qui se fait de mieux en Belgique. J’avais d’autres possibilités. Un départ à l’étranger est toujours aléatoire: on ne sait jamais avec précision où l’on va tomber, ni les difficultés d’adaptation que l’on risque de rencontrer. En optant pour Anderlecht, je savais que je deviendrais membre du club champion de Belgique et que j’avais des chances de participer à la Ligue des Champions. Je savais aussi que la concurrence serait rude. Je suis venu à Anderlecht sans trop de prétentions. Je ne revendiquais pas un rôle de titulaire régulier. J’espérais simplement recevoir ma chance et grappiller tout ce qu’il y avait à prendre. Pour l’instant, cela ne se passe pas trop mal. Je me suis rapidement intégré et j’ai déjà eu l’occasion de jouer à plusieurs reprises.

« Je savais que je serais amené à reculer »

Saviez-vous au départ que vous alliez être utilisé comme défenseur?

Je savais que c’était une possibilité. Sans que le terme de défenseur ne soit utilisé, on m’avait laissé entendre que je n’évoluerais pas nécessairement comme attaquant et, donc, que je serais peut-être amené à reculer dans le jeu. Eventuellement comme milieu de terrain. Me voilà maintenant arrière central. Si c’est le prix à payer pour réussir à Anderlecht, cela ne me dérange nullement.

Etes-vous trop limité pour évoluer comme attaquant dans un club de l’envergure d’Anderlecht?

Peut-être. Aussi longtemps que je n’aurai pas évolué en pointe au Parc Astrid, je ne pourrai pas répondre à cette question. Je sais simplement que, pour l’instant, j’évolue comme défenseur et j’essaye de donner satisfaction à ce poste.

Comment se passe votre adaptation?

Très bien. Au niveau de l’intégration, je me suis rapidement senti chez moi. Je n’ai rencontré aucun problème majeur. Je me sens bien dans ma peau et je digère sans trop de problèmes la succession de matches et d’entraînements. En ce qui concerne mon nouveau rôle sur le terrain, je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre. Le positionnement, notamment. Quand faut-il exercer un marquage serré sur l’adversaire? Quand faut-il, en revanche, lui accorder un peu plus de liberté? Cela viendra avec le temps et l’expérience. J’ai encore tendance à vouloir anticiper, mais je me rends compte que si l’intervention est loupée, cela risque d’avoir de graves conséquences. En tant qu’attaquant, on doit moins se poser de questions. On peut jouer à l’intuition. Un défenseur doit constamment avoir les attaquants adverses à l’oeil. On ne peut jamais relâcher son attention.

Songez-vous à des joueurs comme Gordan Vidovic ou Bart De Roover, également d’anciens attaquants reconvertis en défenseurs, qui sont devenus internationaux dans leurs nouvelles fonctions?

Pas du tout, il est encore trop tôt pour revendiquer quoi que ce soit. Je dois encore me perfectionner dans mon nouveau rôle.

L’entraîneur s’occupe-t-il davantage de vous que d’autres joueurs?

Pas spécialement. Il essaye de me guider, comme le font d’ailleurs mes partenaires sur le terrain, mais il n’interrompt pas l’entraînement toutes les cinq minutes pour me positionner.

« Mon nouveau rôle me plaît »

Cette mutation s’est-elle effectuée rapidement dans la tête également?

Sans problème. Chaque position a son charme.

Quel plaisir peut-on éprouver en évoluant comme garde-chiourme au centre de la défense?

C’est une autre manière de jouer. D’abord, on a l’avantage d’avoir tout le jeu devant soi. A l’exception du gardien de but, on n’a personne dans son dos. On peut donc contrôler le ballon plus calmement. Mais on doit aussi être conscient que la moindre erreur peut se révéler fatale. Pour l’instant, mon nouveau rôle me plaît.

Vous n’enviez donc pas Gilles De Bilde ou Ivica Mornar, qui peuvent continuer à goûter aux joies du buteur?

J’ai déjà eu la chance d’inscrire un but contre Genk, je ne suis donc pas réellement en manque. Je ne suis certainement pas jaloux des attaquants. Je connais les sensations que l’on peut ressentir en pointe, mais c’est désormais du passé pour moi. Définitivement? On ne sait jamais ce que l’avenir peut me réserver, d’autant que je n’ai que 24 ans. Pour l’instant, je me sens bien derrière. Comme Glen De Boeck, j’ai l’autorisation de monter sur corner. Et je me débrouille assez bien de la tête.

C’est un atout supplémentaire?

Sans doute. J’ai toujours été assez fort dans les duels aériens, et c’est d’ailleurs pour cela qu’Anderlecht m’a engagé comme arrière central. Si mon jeu de tête offensif doit se transformer en un jeu de tête défensif, je ne m’en formaliserai pas. Je suis venu à Anderlecht avec la seule intention de donner le maximum pour réussir. A quelque position que ce soit. La suspension de Glen De Boeck et la blessure d’Olivier Doll m’ont offert une chance comme arrière central. Contre Genk, j’ai débuté dans une défense à cinq, avec Aleksandar Ilic en libero, mais en deuxième mi-temps, nous sommes revenus à une défense à quatre.

Encaisser trois buts, c’est beaucoup pour Anderlecht. Avez-vous culpabilisé?

Encaisser trois buts, c’est beaucoup pour toutes les équipes. Mais cela arrive. Sonck et Dagano forment peut-être le duo d’attaquants le plus dangereux du championnat de Belgique. Ils sont tous les deux rapides et robustes. Pourquoi devrais-je culpabiliser? Je sais que je suis dans un processus d’apprentissage. C’est en tirant les leçons des erreurs commises que l’on progresse.

« On n’a pas de prise sur Batistuta et Raul »

Après Genk et son duo d’attaquants, vous avez été titularisé contre l’AS Rome. Comment appréhende-t-on la venue de Gabriel Batistuta lorsqu’on n’est pas un défenseur de formation?

J’ai appris assez tard que je serais titularisé pour ce match, je n’ai donc pas eu l’occasion de me mettre martel en tête. J’ai essayé de me concentrer sur ma tâche. Sur le terrain, j’ai bien senti que Gabriel Batistuta était un joueur d’un niveau supérieur. Pour moi, il importait d’essayer de rester dans ses parages. Je sentais que j’avais très peu de prise sur lui. J’ai très rarement pu engager le duel d’homme à homme et c’était une sensation désagréable, que j’ai encore ressentie au Real Madrid: dans ces équipes-là, les attaquants vous échappent constamment. Ils sont toujours en mouvement et essayent de se placer dans votre dos.

Pouvez-vous comparer Batistuta à Raul?

Ce sont deux grands joueurs, mais ils sont difficilement comparables. Raul est encore davantage en mouvement que Batistuta. Il touche beaucoup le ballon, recule dans le jeu et recherche les combinaisons. Batitusta donne l’impression de rechercher le chemin le plus court vers le but adverse. Mais il est capable de faire bien d’autres choses.

Défend-on différemment face au Real Madrid que face à l’AS Rome?

Je ne le pense pas. On sent toutefois que le Real est encore supérieur à Rome dans les combinaisons. Les Madrilènes excellent particulièrement dans les « une-deux ». C’est très difficile pour un défenseur d’intervenir. Il y aussi constamment des montées sur les flancs, et des joueurs qui se positionnent soit entre les lignes, soit dans votre dos. Ils vous obligent à choisir: rester sur votre position ou la quitter pour surveiller l’adversaire de plus près. Si vous bougez, ils risquent de vous filer sous le nez. C’est parfois le jeu du chat et de la souris.

Quelle différence avez-vous notée entre de grands attaquants de la Ligue des Champions, comme Batistuta et Raul, et ce qui se fait de mieux en Belgique, comme Sonck et Dagano?

En championnat de Belgique, on a davantage de prise sur les attaquants. On les a devant soi et on peut réellement aller au contact physique. En Ligue des Champions, les attaquants adverses sont insaisissables. Je ne pense pas que nous ayons failli à notre tâche à Madrid. Le Real était tout simplement plus fort que nous. Le championnat d’Espagne est sans doute le plus relevé d’Europe. D’autres équipes espagnoles ont démontré, de la même façon, qu’elles étaient capables de renverser une situation compromise lorsqu’elles se décidaient à accélérer le rythme. La Corogne était aussi menée 0-1 par Manchester United, mais a réussi à s’imposer 2-1 en fin de match. La saison dernière, cette équipe avait même renversé un score de 0-3 en 4-3 contre le PSG. Il n’y a donc aucune honte, pour Anderlecht, à ne pas savoir suivre le rythme du Real Madrid.

« On parle vite de crise »

Mais on a tout de même parlé de crise après cette défaite.

On parle vite de crise. Après la victoire à Alost, toute trace de crise avait disparu. Vous savez, à Malines, j’en ai vu d’autres: c’était une crise permanente. Il y a eu des changements d’entraîneur, des joueurs qui ont été relégués dans le noyau B ou C. Je ne suis pas encore à Anderlecht depuis assez longtemps pour savoir quelle est la portée de la crise dont on a parlé. Tout ce que je peux dire, c’est que j’avais, comme tout le monde, entendu des rumeurs selon lesquelles l’ambiance n’était pas toujours drôle à Anderlecht, mais pour l’instant, je n’ai rien remarqué de cela.

Mardi prochain, vous retrouverez le Real. Ce club est-il hors de portée dans votre poule?

Probablement. Mardi prochain, nous essayerons d’engranger un point et la victoire si possible, mais ce ne sera pas facile. Je me refuse à évaluer nos chances de qualification pour le deuxième tour. Je sais qu’après, un match très difficile nous attendra encore au stade Olympique de Rome. Nous ferons le maximum et on verra bien ce que cela nous rapportera.

Daniel Devos

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