Pas de Conceição-Dépendance

Les deux techniciens partagent un temps de jeu abrégé et pas mal d’idées intéressantes.

Ils sont tous les deux petits, ont la même couleur de peau, parlent la même langue et présentent des caractéristiques identiques : Moreira et Wamberto, deux joueurs dont les noms et prénoms se confondent dans une même admiration de la part des supporters. Car même s’il pose toujours comme condition minimale un maillot trempé de sueur, le public de Sclessin est comme les autres : il aime les artistes de poche, ceux qui sont capables d’enflammer un match sur quelques actions. Une espèce en voie de disparition chez nous et dont Simon Tahamata reste la référence.

Tant le Brésilien Wamberto (lors de son premier passage en 1996) que le Portugais Moreira (lors de sa première saison à Sclessin, en 2001-2002) ont déjà mérité la comparaison avec l’artiste moluquois. Aujourd’hui, alors que le Standard semble armé pour obtenir un titre après lequel il court depuis 23 ans, les deux joueurs ont pourtant du mal à ressortir du collectif. Wamberto est plus souvent qu’à son tour sur le banc et Moreira a dû émigrer sur le flanc gauche, où il fait face à la concurrence de Michel Garbini.

Tahamata, c’est un nom qui évoque quoi pour vous ?

Wamberto : Lui, il jouait tous les matches (il rit). Je ne l’ai pas connu au Standard, évidemment. Mais j’ai souvent été en contact avec lui lorsque j’étais à l’Ajax et je le retrouve avec plaisir à chaque fois que je vais à Amsterdam.

Moreira : Personnellement, j’avais déjà entendu parler de lui mais je ne l’ai rencontré qu’une fois : on me l’avait présenté après un match Standard-GBA. C’est bien d’être comparé à d’anciennes références mais je préfère tout de même être reconnu pour ce que je suis.

Est-il difficile de se sentir vraiment concerné par cette bonne saison du Standard quand on n’est pas titulaire à part entière ?

Moreira : Oui, car nous travaillons à 100 % avec le groupe. Nous n’acceptons pas les choix qui sont effectués mais nous les respectons. Wambi travaille très bien chaque jour et il mériterait mieux qu’une place sur le banc. C’est non seulement un grand joueur mais un grand monsieur, il le montre chaque jour à l’entraînement. Je l’admire pour ses qualités et la façon dont il vit sa situation. Aleksander Mutavdzic est aussi comme cela. Ce sont des gens très calmes, capables de se contrôler. J’aurais sans doute beaucoup plus de difficultés à le faire car ce n’est pas dans mon caractère.

Wamberto : Il est évident qu’on n’est jamais content d’être sur le banc mais l’équipe tourne bien et une des lois du football veut qu’on ne change pas une équipe qui gagne. Je dois donc attendre ma chance et être prêt à la saisir. Je joue en Réserves pour essayer d’y garder le rythme. Et ce n’est pas facile car j’ai 30 ans et je joue avec des gamins qui ont l’âge de mon fils aîné.

Il ne doit pas être évident, dans ces moments-là, de conserver un comportement exemplaire.

Moreira : Le problème, c’est que les gens ne font pas toujours la différence entre frustration et manque de respect. Notre situation est frustrante et j’estime que nous avons le droit de le dire. Un entraîneur a le droit de faire ses choix mais il doit aussi accepter d’écouter nos remarques. Tout est dans la manière dont celles-ci sont formulées. Pas question d’être agressif, par exemple.

Wamberto : Tant à l’Ajax qu’au Standard, j’ai déjà eu des conversations avec les entraîneurs quand je ne jouais pas. Une fois qu’ils savent ce que je pense, c’est à moi de voir comment la situation évolue. Si cela ne s’améliore pas, je préfère prendre mon sac et aller voir ailleurs.

Questions de mercato

Cela pourrait-il être le cas au mercato d’hiver ?

Wamberto : Je ne sais pas. Il ne me reste que six mois de contrat. Cela dépendra des offres et de ce que le Standard exigera puisqu’en fin de saison, je serai libre.

Pour jouer, vous avez parfois dû émigrer sur le flanc gauche. Cela a-t-il porté préjudice à votre carrière ?

Wamberto : Je suis toujours parti du principe que le plus important était d’être sur le terrain, même si ce n’est pas ma place préférée. Et une fois que j’y suis, je donne le maximum de ce que je peux donner.

Moreira : Je veux bien jouer n’importe où, du moment que ce soit au-delà de la ligne médiane. Je pense être meilleur ailleurs qu’à gauche mais je ne fais pas de difficulté. D’ailleurs, c’est là que j’ai commencé à jouer chez les gamins. Mais si on me demande d’apporter quelque chose à cette place, il faut au moins me laisser un peu de temps d’adaptation. Je ne demande pas six mois, deux ou trois matches tout au plus.

Wamberto : De toute façon, pour un joueur, le fait d’être utilisé à plusieurs places n’est jamais un handicap.

Y a-t-il place pour Conceição, Moreira, Wamberto et encore un attaquant de pointe dans le système de jeu du Standard ?

Moreira : Le Brésil joue avec Adriano, Ronaldo, Ronaldinho et Robinho. Pourquoi le Standard ne pourrait-il pas en faire autant avec nous ? Il y a toujours une place pour les bons joueurs. Et même si nous avons les caractéristiques de base identiques, nous ne sommes pas des clones les uns des autres.

Wamberto : Nous avons joué ensemble contre MVV et tout le monde était bien d’accord pour dire que c’était très bon.

Hormis la taille et la langue, qu’est-ce qui vous rapproche ?

Moreira : Hé, attention ! Je suis plus grand que Wambi. Je mesure 1,70 m. Lui, 1,68 m ! (il rit). Nous sommes toujours de bonne humeur, nous aimons bien rigoler. Je n’ai jamais vu Wambi fâché, même lorsqu’il prend des coups à l’entraînement. Mais nous aimons aussi beaucoup notre métier.

Et qu’est-ce qui vous sépare ?

Wamberto : Peu de choses, finalement. Physiquement, Moreira est plus costaud que moi.

A qualités égales, n’est-ce pas cela qui fait la différence ?

Wamberto : Non, je ne crois pas. C’est du foot, pas du basket. Si on me colle un costaud sur le dos, c’est lui qui aura des difficultés, pas moi. Même pas au duel, parce que je sais où me placer. Et essayez toujours de prendre le ballon des pieds de Moreira : il a une couverture de balle comme j’en ai rarement vu.

Préféreriez-vous un système de tournante : une fois c’est Wambi qui joue, une fois c’est Morè ?

Moreira : Je pense que je ne vais même pas répondre (il rit).

Wamberto : A mon avis, la meilleure réponse, c’est le silence, hi, hi.

A-t-on trop tendance à snober les techniciens en Belgique ?

Moreira : Je le pense. Pourquoi ? En Allemagne, on disait que je pouvais dribbler cinq hommes dans une capsule. Au début, les gens se posaient aussi la question de savoir si je résisterai. Mais j’ai vite vu que j’adorais le football allemand et le physique qu’on y imposait. Et voyez ce qui s’est passé en Angleterre avec l’introduction des Français. Mon copain Luis Boa Morte m’a raconté que Fulham est monté grâce à Jean Tigana, qui a osé introduire de la technique dans un jeu très direct.

Wamberto : L’entraîneur qui osera aligner davantage de techniciens en Belgique serait champion car un joueur doué peut toujours faire basculer un match. Ici, on pense que les techniciens sont des joueurs perdus sur le plan défensif.

Attaquer et marquer

La Belgique a essayé de pratiquer un football plus léché, notamment l’équipe nationale. Cela n’a pas marché et on affirme maintenant qu’il faut en revenir à nos qualités de base : d’abord défendre.

Moreira : Essayé, essayé… Evidemment, si on veut pratiquer un football plus technique avec des joueurs avant tout physiques, ça ne peut pas marcher.

Wamberto : Chacun ne peut donner que ce qu’il a…

On vous reproche souvent de ne pas marquer suffisamment. Voire même de ne pas tenter votre chance.

Moreira : Je suis d’accord,… en partie seulement. Compte-t-on le nombre de passes que je fais ? Compte-t-on le nombre de fois où on joue par la gauche et le nombre de fois où on passe par la droite ? Les journalistes doivent analyser tout cela avant d’affirmer telle ou telle chose. Et puis, en Belgique, on n’encourage pas vraiment les joueurs à tenter leur chance. Celui qui le fait est vite taxé d’égoïste. Alors, quand je sors du dribble, c’est vrai, mon premier réflexe est de voir si je peux faire une passe. Mais c’est vrai que je devrais être plus égoïste. Ou, du moins, plus insouciant, redevenir l’enfant que j’étais.

Wamberto : Moi, pour tirer au but, il faudrait que je joue (il grimace). Parce que dans ma carrière, j’ai toujours marqué beaucoup : que ce soit à Seraing, à l’Ajax ou à Mons. Et à Seraing, on disait que j’étais personnel.

Qu’est-ce qui vous manque ou vous a manqué pour faire une toute grande carrière ?

Wamberto : Gagner des millions (il rit). Je ne suis quand même pas mécontent de mon parcours. J’ai joué cinq ans à l’Ajax, avec lequel j’ai remporté trois trophées (un titre et deux Coupes). Et je pense que Moreira aurait fait son trou en Allemagne si Hambourg s’était montré un tout petit peu plus patient avec lui.

Moreira : Une grande carrière, ce sont les titres et cela ne se fait pas sans un grand club. Avoir une bonne technique ne suffit pas. Regardez Paolo Maldini : tous ses succès personnels sont passés par Milan, bien plus que par l’équipe nationale. Boavista a été champion du Portugal. Tous les joueurs qui faisaient partie de l’équipe à ce moment-là en sont sortis grandis. Moi, malheureusement, je n’étais pas encore là. Mais si le Standard est champion cette année, après plus de 20 ans, les noms de ceux qui auront participé à cet exploit resteront gravés dans les mémoires.

Vous auriez tous les deux pu partir l’été dernier. Des regrets d’être restés ?

Moreira : Quand je suis revenu de Hambourg, j’ai lu et entendu que j’étais en transit. Mais ce n’est pas moi qui ai dit cela. Des clubs étaient intéressés, mon agent en a parlé à Luciano D’Onofrio et il n’y a pas eu de suite. Je suppose qu’aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé.

Wamberto : J’ai eu des contacts mais rien de concret. L’an dernier, il y avait eu une possibilité de partir à Genk et j’avais même vu le contrat mais, finalement, le club et mon agent n’avaient pas trouvé d’accord. Je ne regrette pas d’être revenu au Standard parce que c’est un club avec lequel j’ai passé de bons moments et que j’aime beaucoup.

De plus, vous aviez fait le choix de revenir en Belgique afin de rester proche de votre fils Danilo, qui joue à l’Ajax.

Wamberto : Oui mais cette fois, si j’ai une très bonne proposition, même loin, je partirai.

Qu’est-ce qui a changé par rapport à votre premier passage au Standard ?

Wamberto : Tout ! La direction, les vestiaires, le lieu d’entraînement. Quand je suis revenu, j’ai eu un choc, je ne reconnaissais rien. Au point de vue de la mentalité, ce groupe a beaucoup plus de personnalité. Il y a dix ans, on entamait le championnat sans trop y croire, en se disant que ce serait pareil que la saison précédente. Ici, le groupe a eu besoin de peu de temps pour se remettre de l’échec des tests matchs contre Genk. Parce qu’il y a plus de gagneurs.

Moreira : Moi, je ne suis parti qu’un an et je ne note donc pas tellement de différence. Simplement, nous marquons davantage de buts que par le passé, même si nous ne jouons pas toujours bien. Et quand on gagne, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. On se met même à inventer des choses. Celui qui ne côtoie pas le groupe de l’intérieur peut penser que la mentalité a changé mais, pour moi, elle était déjà telle quelle lorsque je suis arrivé en 2001.

Le fait de ne pas disputer la coupe d’Europe constitue-t-il un avantage dans la course au titre ?

Moreira : Du point de vue de la fraîcheur, peut-être. Mais d’un autre côté, la coupe d’Europe, ça vous donne des ailes. Et chez nous, beaucoup de joueurs sont frustrés d’être passés à côté de la qualification.

Wamberto : Sûr qu’on préférerait la jouer aussi. Tout le monde en tirerait profit.

Le Standard est plus offensif que Bruges ou Anderlecht. Ferait-il mieux en Ligue des Champions ?

Wamberto : Nous n’avons pas le droit de prétendre cela alors que nous ne nous sommes pas qualifiés pour cette compétition. Il est évidemment plus facile d’être offensif contre des équipes du championnat belge que contre Liverpool ou Chelsea, qui font beaucoup mieux circuler le ballon. Bruges et Anderlecht font ce qu’ils peuvent.

Moreira : Nous ne connaissons pas ces sensations-là. Ce sont tout de même des rendez-vous extraordinaires, où la motivation joue aussi un grand rôle.

Le Soulier d’Or en mire

Vous n’êtes jamais entré en ligne de compte pour une victoire au Soulier d’Or. Parce que le Standard ne marchait pas ?

Wambi : Lors de ma première saison ici, j’ai été le seul joueur du club invité à la fête. Je pense effectivement que c’est souvent un joueur des deux grands clubs qui l’emporte.

Moreira : Je ne sais même pas comment cela fonctionne. Il me semble cependant normal qu’on choisisse un joueur d’une équipe du top. J’espère que, cette année, ce sera quelqu’un du Standard.

Sergio Conceição ? S’il ne l’obtient pas, cela fera scandale, non ?

Moreira : Il y a des choses plus scandaleuses dans le foot. Peut-être qu’un joueur d’un autre club estime que cette distinction lui revient tout autant.

Wamberto : Sergio le mérite mais il faudra voir les résultats du premier tour. Ne va-t-il pas payer l’échec des tests matches ?

Le Standard dépend-il trop de Conceição ?

Moreira : Je ne pense pas qu’on puisse parler de Conceição-dépendance. Pas plus que de Mémé Tchité qui marque énormément ou d’Oguchi Onyewu qui prend tout là-derrière. On nous avait déjà prédit les pires difficultés à remplacer Ivica Dragutinovic. Il a fallu un match… Disons qu’il y a des joueurs importants mais c’est un ensemble, un jeu d’équipe.

Wamberto : Je ne pense pas que nous puissions perdre ou gagner le titre à cause d’un joueur. C’est surtout la motivation qui fait la différence. Et cette saison, le Standard ne baisse pas les bras aussi vite que les autres années.

Vous avez chacun un petit protégé dans le groupe : Wambi passe beaucoup de temps avec Garbini.

Wamberto : J’ai souvent vu jouer Garbini à la télévision lorsqu’il était au Brésil. Il a énormément de qualités techniques. Cela se voit à l’entraînement, pas encore en match. Parce qu’il met du temps à s’adapter. J’essaye de lui apporter mon expérience mais il faut lui faire confiance, le laisser jouer.

A l’arrière ou au milieu ?

Wamberto : Ce sera à lui d’en décider. Pour moi, c’est un arrière gauche même si c’est là qu’il a livré ses moins bons matches avec le Standard. Mais on ne peut pas le juger sur 180 minutes. Il éprouve des problèmes de placement et c’est important pour un arrière latéral. C’est aux entraîneurs de lui montrer comment s’y prendre.

Moreira passe beaucoup de temps avec Niculae.

Moreira : Je le connais de l’époque où j’allais me faire soigner au Sporting Lisbonne. Quand il est arrivé de Roumanie, beaucoup de clubs s’intéressaient à lui et ce n’est pas un hasard car il est jeune, volontaire et a des qualités, dont celle de marquer facilement. Malheureusement, il a connu quelques blessures assez graves. Vous allez voir : il va exploser.

PATRICE SINTZEN

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