Pas de cocotiers à Jemappes

L’an passé, il n’avait pu être aligné par Mons parce qu’il était ressortissant de Turks & Caico. Cette saison, il répond présent.

L’an passé, RodgerFarrington avait défrayé la chronique pour une affaire de passeport. Alors qu’il avait évolué comme européen en Israël et que Mons l’avait engagé dans cette optique, la fédération belge – qui suivait en cela les directives de la FIBA – refusa de l’enregistrer comme un joueur Bosman. En cause: l’origine du passeport, délivré par l’administration de Turks & Caico, un petit archipel des Caraïbes sous tutelle britannique. Fallait-il considérer ses ressortissants comme des Européens? En France, le joueur de Roanne ScottForbes se trouvait dans la même situation et après avoir été accepté dans un premier temps, il fut également considéré comme étranger par la suite.

Cette saison, la FIBA a reconsidéré sa position et Rodger Farrington peut être aligné par Mons en qualité de joueur britannique. Pour le plus grand bonheur du coach YvesDefraigne et de l’intéressé.

« Je n’ai rien compris à tous les événements de la saison dernière », avoue Rodger Farrington. « J’ai évolué comme Européen en Israël et j’étais considéré comme extracommunautaire en Belgique… avec le même passeport. Et c’est toujours avec le même passeport que j’ai terminé la saison 2001-2002 en Angleterre. Heureusement, tout s’est arrangé depuis lors: le Parlement britannique a voté une loi assimilant les territoires d’outre-Mer au Royaume-Uni. Je suis reconnaissant aux dirigeants et au coach de Mons d’avoir continué à me suivre malgré tous les ennuis que je leur avais involontairement causés. Alors, lorsqu’ils m’ont contacté cet été, je n’ai pas hésité longtemps. J’ai voulu les remercier pour les efforts qu’ils avaient consentis en ma faveur… et j’espère qu’en mai, je pourrai encore me féliciter davantage d’avoir opté pour le club borain ».

A Ypres comme Américain

Le championnat de Belgique ne lui était pas inconnu. Durant la saison 1999-2000, il avait en effet évolué à Ypres… en qualité de joueur américain. « C’était une saison un peu spéciale », se souvient-il. « L’équipe s’était située durant la majeure partie de la saison dans le ventre mou du classement. Mais, au cours des derniers mois, nous avions appris que le club transférerait le noyau d’Anvers, qui allait décrocher le titre cette saison-là. Certains joueurs ont éprouvé des difficultés à rester concentrés. Pour moi, cela n’a pas changé grand-chose, car il était de toute façon prévu que je quitte Ypres. Me voilà aujourd’hui de retour en Belgique. Et je ne m’en plains pas. Mons est probablement l’équipe la plus compétitive dans laquelle j’ai évolué en Europe. Or, cela fait tout de même six ans que j’ai quitté les Etats-Unis… »

Retour sur un parcours atypique. Et d’abord, Turks & Caico, c’est quoi? On imagine déjà la plage et les cocotiers. « Oui, c’est à peu près cela. Ma famille est originaire de là. C’est un chapelet d’îles au large des Bahamas, où je suis né. Je vivais à trois ou quatre minutes de la plage. De toute manière, on pouvait se diriger dans n’importe quelle direction, on finissait toujours par aboutir au bord de l’océan. J’ai commencé à jouer au basket très jeune, vers 6 ou 7 ans. J’ai suivi ma formation dans une High School des Bahamas. J’ai aussi fait partie de l’équipe nationale Juniors, puis de l’équipe A. Pour l’université, j’ai eu l’occasion de partir aux Etats-Unis, à Arizona State. L’un de mes équipiers n’était autre que MichaelBatiste, qui a effectué un passage par Charleroi et qui joue aujourd’hui aux Memphis Grizzlies, en NBA. Je jouais au trois ou au quatre. Je fus le leader de l’équipe en matière de block-shots et d’interceptions, et j’étais considéré comme l’un des meilleurs défenseurs de notre ligue universitaire. Je n’ai jamais rechigné à défendre, car je considère que je me rends utile à l’équipe de cette manière. Surtout lorsque j’évolue aux côtés de quelques attaquants talentueux, qui consacrent beaucoup d’énergie à exécuter les gestes offensifs et n’ont pas nécessairement envie de mouiller leur maillot pour faire le boulot ingrat.

Mon premier club sur le Vieux Continent fut Kvärnby Evergreens, un petit cercle suédois situé à une demi-heure de voiture de Göteborg. Vous parlez d’une transition avec les Bahamas! Après, je suis parti au Japon, dans un club de Tokyo. J’ai été confronté à une culture totalement différente et ce n’était pas évident. J’ai même dû apprendre quelques mots de japonais, sous peine d’être complètement perdu. Mais c’est un grand marché auquel la NBA s’intéresse de près: elle y organise chaque année des matches. Du Japon, je suis venu à Ypres. Puis, je suis parti à Bnei Herzliya, en Israël. C’est sans doute l’expérience qui m’a le mieux plu. Le climat était très agréable et le pays était très américanisé. J’y trouvais tout ce dont j’étais habitué aux Etats-Unis. La première tentative montoise pour m’engager ayant échoué, je me suis retrouvé à Brighton. S’il y pleuvait autant qu’en Belgique, la culture britannique m’était familière car elle me rappelait l’éducation que j’ai reçue de mes parents ».

Franchir le cap des demi-finales

Cette saison, c’est donc enfin Mons: « J’ai trouvé ici des gens chaleureux et accueillants. Ils font de leur mieux pour m’être agréable, mais se heurtent parfois à la barrière de la langue. L’usage de l’anglais était plus répandu en Flandre. En ville, j’éprouve souvent des difficultés à engager la conversation. Je passe donc la plupart de mes temps libres à regarder la BBC ou CNN dans mon appartement. Je suis d’abord ici pour le basket. Et je constate avec plaisir que le club est structuré de manière plus professionnelle qu’à Ypres. Là-bas, une personne s’occupait de tout. Ici, chacun est responsable de son secteur. On s’entraîne bien. Certes, la salle n’est pas des plus modernes, mais une fois sur le terrain, on oublie la vétusté des Halles de Jemappes. Le plus dur, pour moi, c’est lorsque je me lève et qu’il fait froid.

Sportivement, JeanMarcJaumin et RomanRubchenko ont renforcé nos rangs. Nous avons de bons joueurs à chaque position et la plupart d’entre eux ont un registre très étendu. Cela rend la tâche de l’adversaire très difficile, car le danger peut venir de partout. Il n’y a pas de tension dans le groupe, chacun tire dans le même sens. C’est de bon augure, d’autant que nous disposons encore d’une marge de progression appréciable. Nous n’avons pas encore atteint notre meilleur niveau, ni individuellement, ni collectivement ».

C’est aussi le cas de Rodger Farrington, qui estime qu’il peut montrer davantage: « En principe, je ne figure pas dans le cinq majeur. C’est une situation nouvelle pour moi, mais ce n’est pas plus mal. J’ai l’occasion d’observer le début de match depuis le petit banc et de me préparer en conséquence. Le coach peut définir dans quel rôle je produirai le plus gros impact lorsque je serai appelé au jeu. Quel joueur adverse il convient de neutraliser en priorité, par exemple. J’espère devenir le meilleur sixième homme du championnat. Le cap à franchir, pour le club, ce sont ces fameuses demi-finales où l’équipe a toujours échoué. J’espère pouvoir contribuerà la première accession de Mons à la finale des playoffs ».

Ce n’est peut-être pas utopique. Mons a déjà battu Ostende cette saison et ne s’est encore incliné qu’à une seule reprise: à Charleroi. « Je suis conscient qu’Ostende était encore en période de rodage lorsqu’il s’est présenté à Jemappes, mais je crois que nous pouvons regarder ces joueurs droit dans les yeux. Poste pour poste, nous n’avons rien à envier aux Côtiers. A Charleroi, nous n’avons pas produit notre meilleur basket et pourtant, nous avons longtemps rivalisé. Ce qu’Amsterdam a réalisé, c’est-à-dire s’imposer au Spiroudôme, Mons est capable de le réaliser aussilorsque nous y retournerons ».

Samedi, ce sera la venue de Pepinster aux Halles de Jemappes. Un classique wallon de notre championnat, mais qui prend une saveur particulière cette fois-ci puisqu’il oppose le leader de la compétition à l’un de ses deux dauphins (Mons partage la deuxième place du classement avec Charleroi, en ayant joué un match de moins que les Pépins). « Je connais mal cette équipe dont on dit le plus grand bien », reconnaît Rodger Farrington. « A domicile, nous devrions l’emporter. Mais il faudra être concentré, car sur un match, tout le monde peut battre tout le monde dans ce championnat. A nous d’en être conscients ».

Daniel Devos

« Je veux devenir le meilleur sixième homme »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire