Pas de banc japonais

Pour sa dernière année, le gardien des Mauves ne veut plus vivre une saison comme celle-ci.

D’après vous, quelles leçons faut-il tirer de la campagne en demi-teintes des Mauves?

Filip De Wilde: Le principal enseignement est qu’un club du calibre du RSCA doit s’efforcer vaille que vaille de garder l’essentiel de ses forces vives, s’il veut rester au sommet. Au beau milieu des années 90, déjà, le Sporting était rentré une toute première fois dans le rang suite aux départs de quelques éléments de valeur comme Luc Nilis, Marc Degryse ou encore Philippe Albert. A cette époque déjà, il lui avait fallu du temps avant de reconquérir sa place au sommet. Sept ans plus tard, l’histoire a repassé les plats, dans la mesure où l’équipe n’a jamais su composer avec les vides laissés par Bart Goor, Didier Dheedene, Tomasz Radzinski et, surtout, Jan Koller. Je conçois fort bien que la direction ait absolument voulu monnayer le talent du buteur tchèque mais afin d’assurer la continuité dans les résultats, il aurait sans doute mieux valu que la coupure s’arrête-là. Pour moi, ce n’est pas un hasard, en tout cas, si les deux formations qui nous devancent au classement final sont celles qui n’ont guère changé de physionomie l’été dernier. Même si cette stabilité seule ne suffit pas à expliquer le verdict de ce championnat. D’autres facteurs entrent en ligne de compte également.

Comme la présence d’un système de jeu et de buteurs du côté de Genk et Bruges. Ce qui ne fut pas vraiment le cas dans le camp anderlechtois?

C’est vous qui le dites. Moi, je ne tiens pas à m’épancher à ce propos. J’ai eu la mauvaise idée de sortir de mon rôle habituel et mal m’en a pris. J’ai eu la chance que tout rentre dans l’ordre, et que la vie continue comme si rien ne s’était passé entre Aimé Anthuenis, Glen De Boeck et moi-même. Depuis ce jour-là, j’ai toutefois compris où se situait ma véritable place: je suis au Sporting pour arrêter des ballons et non pour faire part de mes états d’âme ou dire ma manière de penser. Avec le recul, je regrette vraiment cet épisode au plus haut point même si l’intention, de prime abord, n’était pas négative. Le hasard a voulu que cette affaire prenne une ampleur insoupçonnée, et que je me retrouve, au même titre que Glen De Boeck, dans l’oeil du cyclone. Après coup, tout le monde a très intelligemment fait la part des choses. Il n’empêche toutefois que je râle car cet épisode est une tache dans ma carrière. J’ai toujours eu la réputation d’être un professionnel exemplaire et, sans le vouloir, je me suis signalé de façon peu reluisante à cette occasion.

Jamais souverains

Personne ne vous en a tenu rigueur puisque vous êtes le seul Sportingman à avoir disputé l’intégralité des matches, cette saison. Et, ce qui ne gâte rien, à un très haut niveau. Désiriez-vous vous racheter par un keeping irréprochable?

J’ai toujours été mû par le souci de bien faire. C’était déjà valable à Beveren. Il n’en est donc pas allé autrement depuis que je suis à Anderlecht. Les événements ont voulu que, cette saison, j’aie dix fois plutôt qu’une l’occasion de me distinguer. Tout simplement parce que l’équipe, dans son ensemble, était moins consistante que la saison passée. Et quand parle-t-on du gardien au Sporting? Lorsque l’équipe joue mal, mais qu’elle gagne, malgré tout. Ce fut fréquemment le cas cette année, il faut bien l’avouer. Je ne me souviens pas d’un seul match où nous avons été souverains d’un bout à l’autre des 90 minutes. Même contre Alost, au Parc Astrid, j’ai dû m’employer plus souvent qu’à mon tour. C’est anormal. Evidemment, je ne suis pas mécontent d’avoir pu me mettre en évidence car c’est la preuve que je suis toujours bon pour le service, à près de 38 ans. Mais il n’est pas logique, à Anderlecht, que le gardien soit cité parmi les meilleurs semaine après semaine. C’est d’autant plus ahurissant que j’ai encaissé 37 buts contre 25 à peine il y a tout juste un an. Et, à l’époque, personne ne parlait de moi! Il n’y en avait que pour Jan Koller et Tomasz Radzinski.

Comment expliquer que vous ayez concédé la moitié de buts en plus alors que ce secteur est quasi resté le même?

Les hommes n’ont peut-être pas changé, c’est vrai. Je parlerai plutôt des fonctions. Face à Beveren, à l’occasion du dernier match, le poste de back droit était dévolu à Mark Hendrikx. Mine de rien, c’est le sixième joueur qui s’est relayé à cette place. Avant lui, Bertrand Crasson, Manu Pirard, Joris Van Hout, Junior et Besnik Hasi avaient déjà occupé ce rôle. Et ce n’est qu’un exemple parmi de nombreux autres. Dans ces circonstances, il est clair qu’on manque d’automatismes et de points de repère. Et c’est ce qui explique pourquoi j’ai dû beaucoup plus souvent intervenir cette année.

Vos prestations vous auront valu de figurer parmi les nominés du Gardien de l’Année. Beaucoup d’observateurs étaient d’avis aussi que vous n’auriez nullement détonné chez les Diables Rouges. Mais, sauf virement de bord spectaculaire, vous ne serez pas du voyage au Japon.

Robert Waseige a dit que j’étais trop bon pour m’asseoir sur le banc. C’est flatteur mais je me serais fort bien accommodé de cette situation. Je comprends cependant sa démarche: même si, au vu de ce que j’ai démontré cette saison, je pourrais effectivement briguer une place dans l’effectif, j’accuse quand même un âge respectable, qui ne fait plus de moi une solution d’avenir. Il me semble logique, dans ces conditions, qu’il ait voulu privilégier ceux qui entreront encore en ligne de compte pour l’EURO 2004, comme Geert De Vlieger, Frédéric Herpoel et Francky Vandendriessche. Je suis même extrêmement heureux pour ce dernier, dont le travail est aujourd’hui récompensé après des années de doutes et de souffrances, en raison de ses problèmes récurrents au genou. Il n’aurait pu rêver de plus belle consécration. Personnellement, je m’efface sans problème devant un keeper de cette trempe-là.

Déçu pour Milo

Tenez-vous un même langage face à votre futur concurrent à Anderlecht, Daniel Zitka?

Même si j’ai conscience d’avoir livré une année exemplaire, je mesure fort bien que la direction se soit penchée sur la question de ma relève. Plus un footballeur avance en âge, plus il est immanquablement sujet à des tracas. J’en avais d’ailleurs fait l’expérience la saison passée, lorsqu’une fracture de stress m’obligea à me mettre de côté pendant le deuxième tour. Jusqu’à la fin de la compétition, Zvonko Milojevic prouva alors qu’il était davantage qu’une doublure valable. C’est pourquoi je suis plus déçu pour lui que pour moi de la venue de Daniel Zitka. Le gardien de Lokeren, que je considère comme l’un des meilleurs en Belgique, ne viendra évidemment pas au Sporting sans ambition. La hiérarchie des gardiens s’en trouvera inévitablement bousculée, alors qu’elle était limpide cette saison. Moi-même, je serai peut-être amené par les circonstances à prendre un certain recul à un moment donné. Compte tenu de mon âge et de ma dernière année de contrat, cette situation sera peut-être plus aisée à accepter que pour Milo, qui a 30 ans et tout l’avenir devant lui.

Vous partez du principe que vous tirerez votre révérence après la saison 2002-2003?

Daniel Zitka a dix ans de moins que moi. Il ne patientera pas indéfiniment pour être assuré du statut de titulaire. Aussi, l’exercice à venir devrait bel et bien être mon dernier au Sporting. S’il est du même acabit que cette saison, c’est sûr que je me le tiendrai pour dit. Car je ne veux plus revivre la même campagne que celle qui vient de s’écouler, même si je n’ai pas grand-chose à me reprocher. Ce qui me désole, c’est que tout le monde, chez nous, ne vit pas le football avec les tripes, comme moi. Il y a trop de laisser-aller dans les comportements. Ce constat n’est d’ailleurs pas nouveau. En 1995 déjà, après le triplé signé avec Johan Boskamp, je m’étais plaint d’un relâchement. A l’époque, on m’en avait voulu. Je voyais soi-disant des problèmes là où il n’y en avait pas. Je constate quand même qu’il aura fallu cinq ans pour qu’Anderlecht remporte un nouveau titre. Un laps de temps durant lequel le Sporting a également perdu le contact avec le football européen de haut niveau. Je ne veux pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais si le club n’y prend pas garde, c’est au niveau national qu’il risque à présent de se faire distancer. L’irréparable aurait d’ailleurs pu se produire cette saison déjà si quelques rivaux n’avaient pas plongé, comme La Gantoise ou le Standard. C’est une autre leçon à méditer!

Bruno Govers,

« Je n’aurais pas été contre le fait d’être réserve au Japon… »

« En 1995 déjà, je voyais soi-disant des problèmes où il n’y en avait pas »

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