Pas d’erreur qui se paie cash au Stade de France !

Le foot est un petit monde comme un autre, il a ses expressions toutes faites, parfois symptomatiques et parfois mensongères. Ainsi, je lis qu’à la 38e d’United-City, suite à un coup franc repoussé par le mur d’United, Gaël Clichy  » remet dans le paquet « . Belle expression révélatrice d’un aspect du foot, à savoir ce côté/jackpot, cette prégnance de l’aléatoire ! Ici, pas de prouesse technique instinctive, pas de haute stratégie : le gars balance dans le tas, et se dit qu’existe bien une chance de voir le ballon catapulté dans les filets plutôt que repoussé par la défense adverse ; et la précision du centre importe beaucoup moins que le nombre de potes espérés dans le paquet.

D’autres formules sont plus radoteuses. Le Never change a winning team est ainsi couillonnade d’anthologie : suffit d’imaginer le Barça trois fois victorieux sans Lionel Messi suspendu, puis Pep Guardiola laissant sur le banc sa puce disponible au moment d’affronter José Mourinho. Impensable… Et celle-ci, formulée par Eden Hazard avant que Lille affronte L’Inter :  » En Ligue des Champions, la moindre erreur se paie cash !  » Ca me fait tilter, je m’en vais sur Google, j’encode erreur + paie + cash : et j’obtiens une flopée de réponses ! De Cédric Barbosa, joueur d’Evian-Thonon nous apprenant qu’en D1 française  » les erreurs se paient cash « , jusqu’à l’entraîneur de Wellin ( » En 1ère provinciale, les attaquants ne se font pas prier et la moindre erreur se paie cash « ), en passant par tous les échelons du foot, sans oublier les filles :  » On a commis des erreurs et, à ce niveau-là, ça se paie cash « , récite Laura Georges après la défaite contre l’Allemagne au Mondial féminin.

Alors quoi, finalement ? A quel niveau les erreurs se paient-elles vraiment cash, mille sabords ? ! La réponse est que y’a pas d’histoire de niveau, les erreurs se paient cash où qu’elles se commettent ! En fait, tu as surtout tendance à ânonner cette formule toute faite quand tu viens d’échouer contre plus fort que toi en faisant jeu égal, mais sans avoir pu éviter un but qui te semblait évitable : ça te rappelle que, quand tu jouais plus bas contre moins fort que ça, tu pouvais te permettre une gaffe sans qu’elle porte derechef à conséquence… C’est une phrase passe-partout quand il faut bien causer, personne n’y échappe. L’autre soir à La Tribune ertébéenne, Philippe Albert évoquait la campagne manquée des Diables en nous révélant qu’il y avait eu « des erreurs individuelles et à ce niveau-là, cela se paie cash « …

Nos Diables qui entament ces prochains jours, face à la Roumanie puis la France, la préparation de la campagne suivante. D’abord à Sclessin, chouette, pourvu qu’on y élise domicile, les Roumains vont se croire dans un match à enjeu capital ! Ensuite au Stade de France, ce qui m’évoque une Marseillaise qui va péter tous azimuts dans toutes les gorges, et en comparaison de laquelle notre Brabançonne s’avérera toussoteuse inévitablement. Pas grave : ça ne m’attriste plus depuis que, via Le Soir, je suis tombé sur un extrait du récent bouquin de Dimitri Verhulst, L’entrée du Christ à Bruxelles. L’écrivain flamand y exprime joliment qu’il est logique de la-la-la-ter la Brabançonne dans notre petit pays trilingue, que cette cacophonie le rend fier parce qu’elle est délicieusement dadaïste, et que c’est sans doute préférable quand on sait que les guerres commencent souvent par des chansons :  » Chaque fois qu’on observe un crescendo dans le gazouillis d’un hymne national, l’humanité se trouve sur le point de prouver une fois de plus qu’en ce qui concerne son niveau de civilisation, il n’y a pas de quoi se vanter…  »

Verhulst a raison, on peut se passer de Brabançonne à l’unisson. Plus importante est la solidarité qui s’exprimera sur le terrain, et qui s’exprime avant les matches différemment d’hier. Aujourd’hui en effet, et de plus en plus, la télé nous refile des images d’équipiers qui s’accoladent à tire-larigot juste avant le coup d’envoi :  » Etreins-moi, et vas-y que je t’étreigne, comme si nous allions mourir tout à l’heure !  » Religiosité new-look ? Patriotisme du troisième millénaire ? Football.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Clichy qui  » remet dans le paquet « . Belle expression révélatrice de cette prégnance de l’aléatoire !

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire