PAS D’ARGENT MAIS DES ARRANGEMENTS

Pourquoi Gand a-t-il volé au secours du White Star Bruxelles en achetant Noël Soumah en pleine bataille pour l’obtention de la licence ? Pourquoi les Buffalos ont-ils versé 242.000 euros sur le compte de l’avocat Laurent Denis ? Et Sean Aerts ira-t-il vraiment à Chelsea ? Bienvenue dans la zone trouble du football belge.

Le White Star Bruxelles vient de fêter le titre en Proximus League et trois hommes s’assoient autour d’une table. Parmi eux, l’entraîneur et ex-agent de joueurs John Bico Penaque, véritable homme fort du club. A sa droite, Arnaud ‘Mogi’ Bayat, le manager avec qui, voici un an et demi, il avait tenté d’acheter Mouscron. La manoeuvre avait échoué et, frustré, Bayat avait retiré Johan Walem du RMP pour le placer à Courtrai.

A la gauche de Bico, Laurent Denis, avocat commun des deux hommes, également présent lorsqu’il avait été question du passage de Thorgan Hazard de Zulte Waregem à Anderlecht. Ce soir-là, Bayat avait menacé un membre de la direction de Waregem avec un tesson de bouteille de vin, ce qui avait incité Patrick Decuyper à tourner le dos au football professionnel, décision sur laquelle il est aujourd’hui revenu.

Il faut une première fois à tout mais il n’est sans doute jamais arrivé qu’un coach fête le titre en compagnie d’un agent pour le moins contesté et d’un avocat condamné. Cela a au moins l’avantage d’être clair. Le match face au Patro Maasmechelen avait déjà débuté lorsque Bayat et Denis se sont présentés au stade Edmond Machtens.

Leur retard était dû au fait qu’avant cela, ils avaient assisté à Charleroi – Lokeren. C’est deux jours plus tard, lorsque le White Star a tenté d’obtenir devant la Cour Belge d’Arbitrage du Sport (CBAS) la licence que l’Union Belge lui avait refusée qu’on a compris la raison de leur présence à Molenbeek.

GAND À LA RESCOUSSE !

Lundi 2 mai 2016 devant la CBAS : quatre clubs – Antwerp, Roulers, Seraing et Roulers – se sont joints au dossier de la demande de licence du White Star. Leurs avocats ne sont pas n’importe qui puisqu’il s’agit de Johnny Maeschalck et Jean-Louis Dupont. Le White Star est défendu par Laurent Denis. Bico et le président du club, Charles Simar, se présentent avec une bonne heure de retard.

La séance va durer six heures. Bico et Denis sont comme des diables en boîte. Ils doivent démontrer que vingt-deux (22 !) versements sur le compte du White Star pour quelques centaines de milliers d’euros sont bien réels mais ils n’ont guère de preuves et ils soutiennent que tout va rentrer dans l’ordre.

La première question dont on débat est celle du stade. On commence à gagner du temps. En ligne directe, la bourgmestre de Molenbeek finit par admettre l’accord du collège échevinal : le White Star pourra continuer à jouer au Stade Edmond Machtens. Bico et Denis commettent cependant une petite erreur : l’accord du collège ne suffit pas, c’est tout le conseil communal qui doit donner son aval.

Et maintenant ? La CABS est dans un bon jour et accepte de remettre le point au mardi après-midi. Le lendemain, un collège communal convoqué en toute hâte règle la question du stade. Mais revenons-en au lundi. Les débats sur la question du stade se sont prolongés très tard lorsque, dans la salle, un alléluia retentit : 242.000 euros ont été versés sur le compte tiers de Denis !

L’avocat en montre la preuve et ajoute que l’argent vient de Gand. Le champion sortant a acheté Noël Soumah. Le transfert est réglé et payé en moins de 24 heures : 200.000 euros + 21 % de TVA. Cet argent permet à Denis de payer l’ONSS, les arriérés de salaire des joueurs et d’autres dettes relatives à la licence. Toutes les cinq minutes, une nouvelle pièce fait son apparition. Gand sauve les espoirs de licence du White Star.

SOUS LE PRIX

Mais les délégations des autres clubs ne se laissent pas démonter. Depuis quand les sommes de transfert sont-elles versées sur le compte tiers d’un avocat ? Et depuis quand cet avocat s’en sert-il pour payer une partie des dettes du club vendeur ? Pour ne pas parler de la vitesse avec laquelle Gand a versé l’argent.

Un club, au moins, n’a pas accepté de jouer dans cette pièce. La veille, au lendemain du titre du White Star et à la veille de la séance de la CBAS, Luc Devroe, manager d’Ostende, a reçu un appel de Bayat lui demandant s’il voulait acheter Soumah.  » Mais il fallait que ça aille vite : tout devait être signé et payé pour lundi. J’ai refusé poliment.  »

Ce que Gand n’a pas fait. Dans la salle de réunion, on s’échange des regards incrédules. S’agissait-il d’éviter des saisies sur le compte du White Star avec la complicité des Buffalos ? Pas du tout, assure le manager du club champion, Michel Louwagie.  » On m’a demandé de verser la somme de transfert sur le compte tiers de Maître Denis. Je n’étais pas d’accord mais, à ma demande, le président du White Star a signé un document. Si détournement il y a, c’est leur problème, pas le mien. Comme le White Star avait encore beaucoup de choses à payer avant de comparaître devant la CBAS, nous avons dû payer par SWIFT.

Comme nous avons beaucoup de liquidités, cela n’a pas posé de problème. Pour nous, c’était aussi une façon de faire baisser le prix du joueur. En principe, ce genre de transfert se règle en juillet mais il n’est pas rare de payer plus tôt pour bénéficier d’une réduction. Nous avions déjà discuté avec le joueur quelques semaines plus tôt, bien avant le titre du White Star. A ce moment-là, il coûtait encore entre quatre cents et cinq cents mille euros. Mais comme le club avait un urgent besoin d’argent, nous avons pu l’acheter en deçà de sa valeur.  »

RIEN D’ANORMAL

Les autres clubs ne se contentent cependant pas de cette explication. Aucun bénéficiaire ne figure sur les preuves de payement montrées par Denis. On sait de quel compte est parti l’argent mais pas à qui il est adressé. Des extraits de compte que les délégations (et Sport/Foot Magazine) pourront voir plus tard démontrent que, le mercredi encore, le White Star est toujours en train de régler ses dettes.

Le lundi, Denis et Bico ont pourtant prétendu qu’il n’y avait plus de créancier. Il semble aussi que des factures ont été envoyées avec le numéro d’entreprise du club mais avec le compte en banque de l’ASBL jeunes du White Star plutôt que celui du club. S’agit-il à nouveau d’éviter des saisies ?

Laurent Denis n’y voit pas malice et conteste le fait qu’il aurait commis une infrac- tion en utilisant son compte tiers. Selon lui, la CBAS ne lui en a pas tenu rigueur, pas plus que le bâtonnier. Bico et Simar ont marqué leur accord par écrit et tous les créanciers ont donné leur aval. Selon l’avocat, il n’y aurait infraction pénale que si l’argent n’avait été utilisé que dans le but d’éviter des saisies.

 » Nous ne contestons pas les problèmes de trésorerie du White Star mais il n’a jamais été question d’utiliser le compte tiers afin d’enfreindre le principe d’égalité des créanciers. Tous ont donc été traités de la même façon. La somme de transfert versée par Gand sur un compte CARPA n’a pas seulement servi à régler les dettes fédérales mais également à désintéresser les saisies pratiquées sur le White Star. L’utilisation exceptionnelle du compte CARPA a donc permis le payement de toutes les parties, ce que le panel CBAS a avalisé en audience. Il en allait de l’intérêt de tous les créanciers. Ce n’est d’ailleurs qu’avec l’accord des créanciers que ce désintérêt a été possible au jour de séance devant la CBAS.  »

CHELSEA ?

Plusieurs clubs de D1 étaient intéressés par Soumah (21). Zulte Waregem semblait vouloir le transférer mais n’a pas pu le faire. Il avait pourtant trouvé un accord avec le défenseur central sénégalais mais Bico avait eu vent de l’affaire et avait mis le joueur sous pression pour qu’il prolonge son contrat. Soudain, son agent était Mogi Bayat et plus Gunter Thiebaut, qui ne comprenait plus rien de ce qui arrivait au pauvre garçon.

Par-dessus le marché, Soumah aurait déjà été proposé en location à d’autres clubs, ce que Louwagie dément.  » Il commencera à s’entraîner avec nous demain (lundi dernier, ndlr) « , dit-il.  » Zulte Waregem, qui joue quand même les play-offs I, le voulait aussi. C’est la preuve que c’est un bon joueur, non ?  »

Mais que penser de Sean Aerts, un arrière droit de 21 ans qui n’a même pas sa place au White Star et évoluait par le passé au Patro Maasmechelen ? Des joueurs comme ça, il y en a treize à la douzaine mais il vient d’être transféré pour 485.000 euros à (tenez-vous bien) Chelsea ! Sous réserve de la réussite des tests médicaux, il est vrai.

Et le document de transfert ne comporte aucune signature d’un dirigeant de Chelsea mais celle de Bico qui, selon la rumeur, a encore droit à une commission pour le transfert d’Eden Hazard de Lille au club londonien. Là, la CBAS n’est pas tombée dans le panneau.

Vendredi, elle a confirmé la décision de la commission des licences de l’Union belge : pas de licence professionnelle pour le White Star Bruxelles. Si le club est encore actif, ce sera donc en D1 amateur.

PAR JAN HAUSPIE – PHOTOS BELGAIMAGE

Sean Aerts, un arrière droit de 21 ans, qui n’a même pas sa place au White Star, vient d’être transféré pour 485.000 euros à Chelsea !

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