Pas au niveau du Standard ?

Le coach hollandais sur les Rouches, ses footballeurs belges, son admiration pour Mister Red Bull et ses plans.

Taxham, le complexe d’entraînement du Red Bull Salzburg est très beau et hypermoderne. Steven Defour l’avait fréquenté fin octobre, en pleine revalidation. Il y avait rencontré Rabiu Afolabi (ex-Standard) et le coach néerlandais, Huub Stevens (56 ans), apparemment heureux au Wals-Siezenheimstadion (doté d’une pelouse synthétique). Stevens occupe un appartement au centre-ville, avec vue idyllique sur les montagnes. Son épouse Toos a récemment été guérie de la maladie de Crohn, une infection chronique des intestins, et le patron de Red Bull Dietrich Mateschitz – qui garantit un budget de 38 millions au club – a prolongé son contrat jusqu’en 2012.

Stevens :  » Je me sens très bien ici, tant au niveau privé que professionnel. Tout comme le club, je vise la continuité car nous nous trouvons dans une phase passionnante, inspirante et prometteuse. Dans la course au titre et en Coupe d’Europe, je veux apporter ma contribution. « 

Etait-ce un avantage de succéder ici à Giovanni Trapattoni et à Co Adriaanse, qui avaient montré la voie du succès ?

Huub Stevens : Il y avait certainement une bonne base, je ne devais pas partir de zéro. L’organisation dans son ensemble, Red Bull s’en occupe. C’est tout simplement parfait. Tout est réglé dans les moindres détails, même l’élagage des arbres le long du terrain d’entraînement. C’est comparable aux clubs du top en Allemagne et les joueurs ont dû s’habituer à une approche exigeante.

Qui est ?

Gagner le plus souvent possible… Ce club n’existe que depuis cinq ans. Salzburg n’a pas de tradition, à l’inverse de nos rivaux de l’Austria et du Rapid Vienne ou de Sturm Graz. Ou encore du Standard. On constate cela au sein de nos équipes de jeunes, où le succès commence tout doucement à pointer le nez. Nous essayons de tracer la voie à suivre pour réaliser quelque chose de bien.

On entend souvent à votre propos que vous pouvez être très dur…

Je pense travailler de manière agréable. Mais sembler exigeant est souvent basé sur l’honnêteté. Moi je suis toujours correct et j’estime avoir affaire à des professionnels, qui doivent pouvoir vivre et digérer des déceptions.

Qu’est-ce qui vous a marqué en Autriche ?

La beauté du pays et les idées de Mateschitz. Ce que cet homme a déjà réalisé en Formule 1, il espère y arriver dans le foot. Je n’oublierai jamais notre première conversation : la compétition autrichienne n’était pas importante à ses yeux, puisque c’est au niveau international qu’il veut briller. Cet homme est un vrai visionnaire. Avec son entreprise, il est parti de rien pour en faire un empire. Salzbourg veut aller de l’avant, mais sait pertinemment qu’il se trouve au bas de l’échelle. On a une stratégie pour arriver au sommet et la jeunesse en constitue un pilier important.

C’est cette ambition démesurée qui vous a séduit ?

Oui, en grande partie. Mateschitz est tout simplement incroyable.

Vous avez une bonne relation personnelle avec lui ?

Depuis son bureau, on voit des bolides de F1, des avions et des hélicoptères. Très impressionnant et le public peut visiter les lieux librement. Il y a aussi des alpha jets. Je trouve cela génial. Entre-temps j’ai déjà pu réaliser un rêve de gosse en volant aux commandes d’un avion. J’ai tout filmé et j’en ai même fait graver un dvd. Pourtant, le président du club n’exhibe pas sa richesse de façon indécente. Il dispose pourtant de l’île privée de Laucala, près des Iles Fidji, qu’il a rachetée à Elton John je pense.

 » Mon boss veut une formation de jeunes de pointe « 

Son enthousiasme semble contagieux…

Certainement lorsque l’on voit ce qu’il réalise et le nombre d’heures qu’il bosse pour y arriver. Le foot n’est que son hobby et pourtant il s’y consacre avec la même motivation. Récemment j’ai croisé Fernando Hierro dans son bureau. L’ancien défenseur du Real et de l’équipe espagnole lui parlait de la formation des jeunes en Espagne et comment transposer cette façon de travailler à Salzbourg ! C’est le top et ça force l’admiration. Quand on arrive ici comme entraîneur, on est soigné aux petits oignons. Il faut juste faire en sorte que les joueurs n’adoptent pas un comportement d’enfants gâtés, car c’est le revers de la médaille.

Votre club a une image peu sympathique en Autriche, non ?

On ne veut pas faire comme Chelsea, où Roman Abramovich a bâti son succès sur l’achat des meilleurs joueurs, alors que nous voulons compter dans le football international en développant la formation des jeunes. C’est la philosophie de Mateschitz : Red Bull égale la jeunesse. Grâce à ses académies, il veut démontrer qu’il donne leur chance aux jeunes. Celui qui possède les jeunes a de l’avenir !

Est-il possible d’atteindre le succès en Ligue des Champions dans un aussi petit pays que l’Autriche ?

Cela sera difficile. Mais il n’y a pas si longtemps, nous avons réussi à décrocher la Coupe UEFA avec un club qui était d’abord petit en Allemagne et qui a fortement grandi, je veux parler de Schalke 04. Là aussi, en 1997 nous avions nos fidèles sympathisants mais aucune renommée internationale. Et pourtant nous avons atteint notre but.

Salzbourg a été éliminé par le Maccabi Haïfa en qualification pour la Ligue des Champions. Qu’est-ce qui vous a manqué ?

Nous étions encore en rodage. Et nous n’avions certainement pas l’équipe pour nous qualifier. Avec nos jeunes du cru, nous ne pensons être compétitifs que dans quatre à cinq ans.

Pourtant, les derniers chiffres sont convaincants : 18 sur 18 en Europa League, dans une poule avec Villarreal, la Lazio et le Levski Sofia.

Oui, mais ça c’est le passé. Cela ne compte plus, car on parle de maintenant. Nous devons à présent retrouver le rythme.

En principe vous vous êtes renforcés, avec l’arrivée du buteur Roman Wallner acquis à Linz, où il avait inscrit 13 buts en 24 matches ?

Dans ce cas vous évoquez uniquement le compartiment offensif. Si au niveau européen nous atteignons le niveau qui était le nôtre voici quelques mois, je serai très satisfait.

A quand les vraies stars dans votre club ?

Elles doivent de préférence vouloir tout d’abord rejoindre l’Autriche. Les joueurs du top ne semblent en tout cas pas vraiment impatients de découvrir notre gazon artificiel…

Les joueurs et le public du Standard

Ces bons résultats automnaux font de vous les favoris contre le Standard.

Non. Lorsque je vois la qualité des joueurs dont le club de Liège dispose, nous ne les avons pas. Je ne dirais pas non pour certains de leurs éléments. En termes de qualités individuelles, ils disposent d’une certaine avance sur nous. Et rien qu’au niveau de l’expérience, il y a une nette différence en leur faveur.

Vous avez grandi dans la région de Sittard, non loin de Sclessin. Avez-vous un lien avec le Standard ?

Mettons d’abord les choses au point : je ne me considère pas comme un Hollandais. Je suis né dans une région minière et j’étais régulièrement à Liège. Pas seulement pour le football. En famille, il nous arrivait d’y aller faire notre marché le dimanche. C’était génial ! Et je l’ai toujours suivi car la distance qui sépare Sittard de Liège n’est que de 80 kilomètres.

C’était dans les années 60 et 70, lorsque le Standard était régulièrement champion. Qu’est-ce qui vous marquait le plus ?

L’héritage des mineurs de fond et des ouvriers. La manière qu’avaient – et qu’ont d’ailleurs toujours – les supporters liégeois de soutenir le club de leur c£ur, cela reste fantastique. Nous ne connaissions pas pareil phénomène dans le Limbourg hollandais. Le bassin de la Ruhr en Allemagne a aussi cette caractéristique : Mönchengladbach et Schalke 04 sont des clubs du peuple, qui procurent un sentiment différent.

Vous avez appelé Marc Wilmots pour glaner des infos sur le Standard ?

Nous avons encore des contacts, mais plus tellement. Je suis à Salzbourg, auparavant j’étais à Hambourg et le temps me manque pour avoir de nombreuses conversations avec d’anciens joueurs. Mais j’ai toujours eu une excellente relation avec Marc.

Il connaît pourtant très bien la popote du Standard…

Oui, je sais. Mais je ne vais pas mettre quelqu’un en difficultés afin d’obtenir des informations. Entre-temps je connais tous les joueurs du Standard. Jusqu’à présent l’équipe n’a pas retiré le plein potentiel de ses qualités cette saison-ci mais Defour est revenu et est quand même un titulaire important. Les Liégeois disposent d’une très bonne ligne médiane et devant on retrouve des joueurs possédant de très bonnes qualités.

Milan Jovanovic, qui partira à Liverpool en fin de saison, fait-il partie du top européen ?

Oui. J’aurais déjà aimé l’attirer au PSV. Tout comme j’aurais voulu transférer Mohammed Sarr à Roda JC lorsque j’entraînais ce club. Milan est un très chouette gars, sauf sur le terrain pour son adversaire direct. J’ai trouvé en tout cas que c’était un garçon très sympathique lorsque nous nous sommes entretenus. Mais l’argent n’était pas disponible à Eindhoven à ce moment-là. Même si lui aurait vraiment voulu nous rejoindre.

Et Axel Witsel ?

C’est un très bon footballeur ! Le fait qu’il arrive en retard sur un tacle au plus chaud de l’action ou effectue un geste malheureux, c’est surtout très embêtant pour certains adversaires… Je pense que Witsel ressortira plus fort de ses expériences négatives. Après avoir commis des actes qui vous causent un dommage, ça vous incite à ne plus les commettre, non ?

Defour est-il fait pour jouer à l’Ajax ?

Je pense, mais ne faites pas l’erreur de coller l’étiquette d’un club à un joueur. C’est tellement facile de faire des hypothèses…

Il nous fait penser à des types comme Rafael van der Vaart et Wesley Sneijder. Faux ?

J’ai travaillé avec van der Vaart à Hambourg. Ce n’est pas seulement un footballeur brillant, mais aussi un professionnel à 200 %. Ce qu’il fait pour le club, son équipe, ça reste fantastique.

Emile, Kompany, etc.

Une constante dans votre carrière est d’avoir souvent travaillé avec des Belges et même d’avoir lancé des jeunes. Un hasard ?

Oui. Emile Mpenza a fait feu de tout bois depuis les premiers instants à Schalke, jusqu’à ce qu’il fasse le difficile et tente de forcer un transfert. Nous devions tout de même lui faire comprendre qu’un tel comportement n’était pas correct. A ce moment il faut être ferme et honnête. Quand on signe un contrat, on se doit de l’honorer. Certaines personnes ont rendu Emile fou…

Aurait-il effectué une plus belle carrière s’il avait écouté vos conseils ?

C’est difficile à dire. Emile avait l’avantage d’être athlétique et explosif. En plus, son entente avec son compère d’attaque Ebbe Sand était parfaite. Cela a fonctionné dès la première minute. Je pourrais aussi citer Nico Van Kerckhoven qui avait aussi certaines capacités.

Il joue toujours en D1 à 39 ans…

Je sais. Cela ne m’étonne pas. Nico est un amateur de foot au sens premier du terme.

A Hambourg, vous avez mis Vincent Kompany au repos, après le décès de sa mère ?

C’était pour le protéger car il avait pris, suite à cette triste situation, deux cartes rouges d’affilée. Cela a été bénéfique, à lui comme au club.

Votre avis sur lui ?

Vincent est quelqu’un qui défend ses intérêts. Heureusement. Et cela ne me pose aucun problème. Dans ma période d’entraîneur à Hambourg, il était encore jeune, mais déjà très professionnel.

Dick Advocaat a déjà dû le remettre à sa place…

C’est possible, mais moi je n’ai jamais eu de problèmes avec Vincent. Parce que je considérais toujours l’homme derrière le footballeur lorsque je l’évaluais.

par frederic vanheule

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