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Plus installé que jamais entre les mains les plus influentes de Liège, le Standard s’agite en coulisses au bout d’un été plus paisible sur les prés que dans les bureaux. Parcours croisés des nouveaux princes de la ville.

La première apparition publique rime déjà avec polémique. Dans les tribunes de Sclessin, où il est l’un des rares privilégiés à pouvoir assister aux débuts du Standard de Philippe Montanier, le tout frais coadministrateur-délégué des Rouches François Fornieri s’affiche entre son nouvel associé Bruno Venanzi et le Commissaire européen Didier Reynders. Un trio saisi par les caméras, avec un effet d’optique qui laisse croire à une proximité irrespectueuse des consignes sanitaires.

Fornieri aime rappeler qu’il s’est construit à partir de rien. Il a d’ailleurs nommé sa société à succès en référence à la divinité indienne Mithra, dont la légende dit qu’elle s’est enfantée seule.

Si le Standard éteint l’incendie des réseaux sociaux en changeant de perspective, la distance physique scrupuleusement respectée en tribunes est le symbole des réseaux multiples de François Fornieri dans la Principauté et de sa proximité avec le pouvoir. Certes, Didier Reynders est un supporter de longue date et un habitué des travées de Sclessin, mais le libéral n’est pas la seule personnalité publique à figurer en bonne place dans le carnet d’adresses de Francesco, petit-fils d’immigrés italiens qui a fait fortune en bords de Meuse grâce à sa société Mithra. Au détour de ses récompenses et de ses voyages, on le voit ainsi serrer la main de Rudy Demotte, partager un verre avec Jean-Claude Marcourt ou inviter Charles Michel au B19, un cercle d’affaires dont il est le président liégeois.

Installé dans les prestigieux murs du Bocholtz, édifice liégeois dont Fornieri est propriétaire, le B19 accueille dans son comité de pilotage un certain Lucien D’Onofrio, jalon récurrent des accomplissements d’un homme d’affaires liégeois qui aime pourtant rappeler qu’il s’est construit à partir de rien. Féru d’histoire et de mythologie, il a d’ailleurs nommé sa société à succès en référence à la divinité indienne Mithra, dont la légende dit qu’elle s’est enfantée seule.

LE CARNET DE FRANÇOIS

Pour celui dont la grand-mère était la gouvernante d’ Alexandre Van Damme, l’homme fort d’AB Inbev considéré comme la plus grande fortune du pays, l’ascension est effectivement impressionnante. Dès le passage à l’école secondaire, Fornieri parvient à se faufiler sur les bancs prisés du Collège Saint-Servais. Au tournant du millénaire, il fonde sa société Mithra, décrochant déjà habilement des subsides publics, notamment via Meusinvest (aujourd’hui devenu Noshaq), partenaire de la première heure.

Dans son carnet d’adresses, il ajoute progressivement les hommes les plus puissants de la Principauté. Lucien D’Onofrio, évidemment, dont l’entregent lui permet de décrocher plusieurs contrats internationaux lors d’une mission économique dans le Golfe, là où le long parcours footballistique du Don ouvre des portes et des portefeuilles. Samuel Di Giovanni, ensuite, CEO de la société de gardiennage Protection Unit – dont Fornieri détient 35% des actions – et patron du restaurant Sottopiano, sis rue Louvrex et devenu le QG du patron de Mithra. Salvatore Rizzo, ensuite, à la tête du mastodonte Balteau, un groupe d’installations électriques dont les camionnettes blanches pullulent dans les rues de la Principauté, qui s’est associé à Fornieri et D’Onofrio au bout de l’année 2015 pour redresser le festival Les Ardentes, rendez-vous incontournable des étés liégeois. Juan, le fils de Rizzo, est d’ailleurs notifié comme  » administrateur de classe B  » dans la dernière publication de l’Immobilière du Standard de Liège, nouvelle propriétaire de Sclessin. Liège est décidément un village.

ALEXANDRE, MARC ET SAM

Amateur de football, et bien que domicilié à Rocourt, François Fornieri devait bien finir par se retrouver haut perché dans l’organigramme d’un club. Au Standard, il avait déjà placé ses billes sur les maillots du Femina, floqués du nom de Mithra Pharmaceuticals. On l’a également cité à plusieurs reprises à Anderlecht, d’abord pour accompagner Alexandre Van Damme, puis pour soutenir Marc Coucke, son associé chez Mithra. Si son entreprise s’affiche également sur les manches du FC Bruges en 2015, c’est bel et bien à Sclessin que Francesco a ses quartiers, possédant notamment une loge où la justice le soupçonnait de recevoir des médecins pour les inciter à prescrire ses produits (une accusation dont il est blanchi en septembre 2014).

François Fornieri, à gauche, en compagnie de son ami Lucien D'Onofrio et Eric Gerets. Un retour du Don est-il désormais envisageable ?
François Fornieri, à gauche, en compagnie de son ami Lucien D’Onofrio et Eric Gerets. Un retour du Don est-il désormais envisageable ?© BELGAIMAGE

Désormais assis dans la tribune d’honneur de la brûlante enceinte de la Cité ardente, François Fornieri dispose d’une place de choix pour admirer la réussite de ses partenaires. En haut de la T2, le groupe Balteau a ses panneaux bien ancrés dans le panorama de Sclessin. Quelques mètres plus bas, sur les panneaux publicitaires lumineux, une publicité pour Protection Unit invite à  » profiter du match en toute sécurité.  » C’est dans l’enceinte rouche, embrasée par la révolution menée contre Roland Duchâtelet, que Samuel Di Giovanni était entré dans la lumière malgré lui, évacuant le président un jour de match houleux contre Zulte Waregem à l’automne 2014, après un début de saison raté qui avait encouragé les Ultras à s’inviter en tribune d’honneur.

Rarement à l’avant-plan,  » le grand Sam  » était encore discrètement de la partie pour le cliché tropézien où la vedette se partageait entre Lucien D’Onofrio, Bruno Venanzi et Bernard Tapie à la sortie du Girelier, à la carte duquel on retrouve les fruits de mer les plus prisés de la cité azuréenne, avec une vue imprenable sur les mastodontes maritimes agglutinés dans le port. Tapie, justement, est également un proche de Fornieri. Et là encore, c’est le Don qui a fait les présentations  » dans un contexte de vacances « , racontent les deux hommes dans un entretien commun accordé à Trends Tendances, en marge d’une visite du truculent homme d’affaires français au B19.

LE RAPPROCHEMENT

Sans être proches, Venanzi et Fornieri se connaissent forcément, pour leurs rôles respectifs sur la place d’affaires de la Principauté. Ironie de calendrier, ils entrent même de concert en 2013 au sein du conseil d’administration de Meusinvest, qui deviendra Noshaq en 2019. Un CA désormais présidé par Jean-Michel Javaux, grand supporter du Standard et autrefois habitué de la loge très prisée de Don Luciano dans l’arène des Rouches.

Des connexions qui permettent d’imaginer un coup de pouce du bras financier liégeois au projet immobilier fastueux du nouveau Sclessin, en mal d’investisseurs pour subsidier ses rêves de grandeur ? Du côté de chez Noshaq, on reconnaît que le potentiel du quartier, d’où doit un jour s’élancer le tram principautaire, ne laisse pas indifférent, et que l’importance croissante de Noshaq Immo pourrait inciter le fonds à franchir le pas lors de la seconde prise de température qui sera menée par Bruno Venanzi et ses nouveaux partenaires dans les semaines à venir. Pour Protection Unit ou Mithra, Fornieri a, en tout cas, toujours pu compter sur le soutien de Noshaq pour nourrir ses projets de fonds publics.

D’Onofrio va-t-il revenir au Standard ? Fornieri n’a jamais caché que son ami serait un partenaire indispensable pour l’installer dans le milieu du foot.

Au vu de l’identité des administrateurs de sa société immobilière, on peut affirmer que le président des Rouches a tenu parole quand il annonçait que le projet concernerait essentiellement des Liégeois. Partenaire de la première heure, Axel Witsel investit par l’intermédiaire de sa société SRL TAWSS, tandis que son associé de longue date Michael Markowicz, agent immobilier impliqué dans Liège Basket, place ses deniers à titre personnel. L’assemblée est complétée par Bryan Whitnack, proche de Venanzi et administrateur du Standard, Sacha Feytongs, responsable des infrastructures de Sclessin, et donc Juan Rizzo, associé à son père au sein du puissant groupe Balteau. Pas de trace, par contre, de Marouane Fellaini, dont le nom a pourtant été évoqué par Venanzi dans un entretien réalisé par le Standard, ni de Michel Preud’homme, qui affirmait sur le même canal le 5 juin avoir  » aussi investi dans ce projet immobilier « , sans que cet investissement n’apparaisse dans le compte-rendu de l’émission d’actions du 22 juillet dernier. Selon les versions, les deux hommes auraient fait un prêt à l’Immobilière, ou s’en seraient portés garants.

François Fornieri, entouré de Didier  Reynders et Bruno Venanzi, n'a pas tombé la veste pour sa première à Sclessin en tant que coadministrateur-délégué.
François Fornieri, entouré de Didier Reynders et Bruno Venanzi, n’a pas tombé la veste pour sa première à Sclessin en tant que coadministrateur-délégué.© BELGAIMAGE

LA VIE SANS MICHEL

Michel Preud’homme occupe désormais la seule fonction de vice-président, assortie d’une coquette rémunération et entichée d’une mission qu’il prend la peine de décrire :  » Je m’occuperai plutôt des structures générales du club, évidemment liées au sportif, ainsi que d’aider tous les aspects du club dans le futur.  » Une phrase fourre-tout, qui esquisse péniblement les contours d’un rôle flou. Dans les travées de Sclessin, d’aucuns se demandent d’ailleurs ce que va vraiment faire l’ancien idole des Liégeois au-delà d’une fonction de conseiller très ponctuel.

Même pour le choix de son successeur, MPH joue finalement un rôle secondaire. À l’heure de dresser le profil de l’entraîneur idéal pour le Standard, c’est surtout Benjamin Nicaise, armé de rapports de scouting très détaillés, qui passe des coaches du monde entier au scanner en quête d’un mentor à l’efficacité défensive redoutable et aux prestations abouties sur contre-attaque, deux traits marquants des années de gloire du football rouche. Visiblement affranchi de l’influence d’un Mogi Bayat qu’on présente souvent comme son patron officieux, au grand désarroi du directeur sportif qui doit ainsi affronter certaines remarques médisantes dans le milieu quand il se positionne négativement sur un joueur, l’ancien milieu de terrain jette ainsi son dévolu sur Philippe Montanier. Il aurait même contacté le Français sans passer par son agent, pourtant déjà impliqué dans plusieurs deals avec l’aîné de la fratrie Bayat par le passé.

Désireux d’implanter ses méthodes dans la Principauté, le directeur sportif des Rouches semble aujourd’hui avoir les coudées plus franches, dans le sens du mercato entrant du moins. Mais pour combien de temps ? Quand il était amené à évoquer son avenir potentiel dans le monde du football, François Fornieri n’a jamais caché que son ami et associé de longue date Lucien D’Onofrio serait un partenaire indispensable pour l’installer confortablement dans ce nouveau milieu. Et si le Don a promis à Paul Gheysens de mener jusqu’à son terme sa quatrième saison au sein du board de l’Antwerp, il semble de plus en plus improbable de le voir lancer une cinquième pige au Bosuil l’été prochain. Dix ans après son départ de Sclessin, l’éventualité d’un retour dans la Cité ardente semble plus sérieuse que jamais.

LE RETOUR DU DON ?

Malgré les années qui passent, et qui font parfois vieillir un agenda qui n’a plus l’aura d’antan, Lucien conserve des entrées qui font saliver de nombreux clubs belges. Dans la métropole anversoise, c’est ainsi sur lui que Paul Gheysens a jeté son dévolu, fermant soigneusement les yeux sur un CV sulfureux, pour tenter de mener à bien sa course-poursuite pour le pouvoir footballistique flamand face à Bart Verhaeghe, son ennemi intime.

Dans la capitale aussi, les contacts du Don ont longtemps alimenté les conversations autour de la table du conseil d’administration. À l’époque du règne de Roger Vanden Stock, déjà, une arrivée de Lucien est envisagée par le président, qui entretient d’excellentes relations avec son ancien homologue liégeois. Plus tard, ce sera au tour de Marc Coucke de frapper à la porte de l’ancien agent pour tenter de redresser des Mauves à l’agonie. Initialement intéressé, le crâne rasé le plus célèbre des tribunes d’honneur de Pro League finit par décliner, quand l’horizon d’un retour au bercail de Vincent Kompany réduit ses perspectives de pleins pouvoirs à Neerpede. Peu friand de cohabitation décisionnelle, le Don passe son tour, et poursuit son projet anversois, auquel il n’est néanmoins lié par aucune échéance contractuelle. Difficile, pourtant, de l’imaginer quitter le Great Old avant le coup de sifflet final de cette nouvelle saison. Question de principes.

Pour bénéficier de l’entregent de Lucien dans les années à venir, c’est désormais le Standard qui semble tenir la corde. Les liens ont été resserrés avec Bruno Venanzi, visiblement peu gêné par l’idée de faire revenir en bords de Meuse un homme dont l’influence et les états de service voyagent en compagnie d’une encombrante série de casseroles. Si les démêlés judiciaires posaient problème au football belge, on n’aurait sans doute pas vu François Fornieri y faire irruption, quelques mois après s’être installé dans le viseur de la justice pour des soupçons de délit d’initiés (avec une instruction en cours) en compagnie de Samuel Di Giovanni. Il y a des jobs pour lesquels on peut postuler sans montrer patte blanche.

Les plans de Witsel

Partenaire de la première heure de Bruno Venanzi dans son projet immobilier pour Sclessin, Axel Witsel continue à placer soigneusement ses pions dans la Cité ardente. Souvent en compagnie de son associé, l’agent immobilier Michael Markowicz, le Diable rouge a mis la main sur quelques biens de choix au sein de la Principauté, assurant ses arrières en plaçant une partie de son importante fortune dans la brique.

Le milieu de terrain de Dortmund est ainsi, entre autres, propriétaire d’un lotissement dans les environs d’Ans, où logent les jeunes joueurs étrangers quand ils débarquent au Standard. Ce n’est qu’un de ses nombreux investissements dans sa ville natale, lui qui possède également les murs du Notger, l’un des rendez-vous les plus prisés du célèbre Carré liégeois.

Lié au Standard par son passé de joueur, Witsel l’est également par les affaires. Depuis de longues années, sa notaire est une certaine Catherine Jadin, la femme de Bruno Venanzi, qui aurait joué un rôle d’intermédiaire pour amener Axel à investir dans le Sclessin du futur.

Même si les supporters rêvent déjà, plus ou moins secrètement, d’un retour du Diable rouge dans le chaudron liégeois, c’est actuellement plutôt le businessman que le footballeur Witsel qui scrute l’avenir du Standard avec intérêt.

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