Paroles de Blaireau

Le Tour de France n’enchanterait pas les foules sans le panache des plus grands champions. Bernard Hinault (59 ans, né le 14-11-1954) occupe une place à part dans le peloton des maillots jaunes de légende. En 1983, j’ai eu la chance de suivre la Flèche Wallonne dans la voiture de l’équipe Renault pilotée par Cyril Guimard, le directeur sportif du Blaireau breton. Hinault venait de dominer le Grand Prix PinoCerami et s’érigeait en favori de la Flèche Wallonne, dont le départ et l’arrivée avaient été fixés à Huy. Et ce jour-là, Hinault fit flèche de tout bois. J’étais aux premières loges et Guimard décortiquait toutes les phases de la course. Au bout d’une belle journée sportive, Hinault empocha sa deuxième Flèche. Sur cette lancée, je lui ai demandé un entretien. Comme ma présence aux côtés de Guimard lui avait  » porté chance « , il accepta de me rencontrer quelques jours plus tard, à la veille de Liège-Bastogne-Liège, une classique qu’il adorait, dans sa chambre d’un grand hôtel liégeois.

L’attente fut plus longue que prévue (j’ai même été frapper à la porte de sa chambre avec le photographe Philippe Crochet dans ma roue pour qu’il ne nous oublie pas) mais cela en valait la peine. Hinault dessina le cyclisme du futur, évoqua la mondialisation de son sport, exprima son intention de ranger son vélo à 32 ans, détailla ses idées de reconversion dans l’agriculture et l’élevage et analysa sa responsabilité à l’égard des nombreuses personnes travaillant pour l’écurie Renault. Ces paroles de Breton avaient du poids. Il mesurait l’impact économique de ses exploits qui offraient du boulot à d’autres que lui. Hinault m’avait épaté par sa maturité et son intelligence. Ce fut aussi le cas lors d’autres entretiens. Au-delà de son caractère de crack sportif, le Breton était un visionnaire qui, bien avant d’autres, estimait que les coureurs de demain seraient de grands voyageurs qui ne se contenteraient plus de se produire en France, en Belgique, en Italie et en Espagne.

En 1986, il invita la presse internationale, chez lui, à Yffinac, en Bretagne, pour expliquer sa décision de mettre un terme à sa carrière, entamée en 1975. Inutile de dire que tous les médias se précipitèrent auprès de celui qui avait dominé le peloton durant tant d’années. J’avais deux atouts pour poursuivre discrètement, mais en exclusivité, le jeu des questions et réponses après la conférence de presse. Notre photographe, AldoTonnoir, connaissait tout le peloton. Hinault appréciait son enthousiasme et la qualité de son travail. Et le Blaireau se souvenait de notre échange d’idées entre la Flèche Wallonne et la Doyenne en 1983. Moi aussi, même aujourd’hui, 31 ans plus tard… ?

PAR PIERRE BILIC

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