PAROLE aux gènes

Le club limbourgeois reprend la compétition par une semaine  » capitale  » : le Brussels en championnat, puis Anderlecht en Coupe.

Mardi 16 novembre, au stade de Lokeren : les Espoirs belges s’imposent 4-0 face à leurs homologues serbes & monténégrins, grâce notamment à trois buts de Kevin Vandenbergh. On se dit, ce jour-là, que le jeune homme a décidément un sacré talent et, surtout, un sens du but très affûté.

Une qualité sans doute héritée de son père, Erwin Vandenbergh, sacré six fois meilleur buteur du championnat (trois fois sous le maillot du Lierse, en 80, 81 et 82, deux fois sous celui d’Anderlecht, en 83 et 86, et une fois sous celui de La Gantoise, en 93). Mais voilà : ce talent ne s’exprime qu’épisodiquement. Le joueur est lucide et franc : il admet qu’il n’est satisfait, ni de son rendement personnel, ni du sort de semi-titulaire qui lui est réservé. Mais il ajoute :  » Ceux qui me critiquent ne doivent pas oublier que je n’ai que 21 ans « .

Ces trois buts inscrits face à la Serbie & Monténégro, avec les Espoirs, demeurent-ils votre meilleur souvenir, cette saison ?

Kevin Vandenbergh : En tout cas, ils ont provoqué un petit déclic. Après cette prestation, j’ai connu une bonne période qui s’est également matérialisée sous le maillot de Genk. Le samedi suivant, j’ai encore inscrit deux buts en Coupe de Belgique contre Kermt-Hasselt. Une semaine plus tard, j’ai marqué à Ostende, en championnat. Puis, j’ai joué un bon match contre le Lierse, mais en loupant malheureusement la conversion d’un penalty. La défaite à Charleroi doit être mise sur le compte d’un off-day collectif. J’ai retrouvé le chemin des filets contre le Cercle Bruges, pour le dernier match de l’année 2004.

Votre passage chez les Espoirs vous a donc remis en confiance ?

Tout à fait. Le fait de quitter l’environnement de Genk pour passer une semaine en équipe nationale m’a changé les idées. Je me suis aussi senti investi de davantage de responsabilités. Chez les Espoirs, je suis l’un des joueurs les plus expérimentés et je sens que l’on compte réellement sur moi : c’est très valorisant. On met rarement les Espoirs en évidence en Belgique, mais pour de jeunes joueurs, la perspective de lutter pour une place au Championnat d’Europe est très excitante. Et lorsque les résultats sont là, tout le reste suit. On a ramené un match nul d’Espagne et on a battu la Serbie &Monténégro, l’un des favoris de la compétition, sur le score de 4-0 : ce n’est pas rien.

 » De quel droit prendrais-je la place de Wesley Sonck ? »

Les bons résultats des Espoirs tranchent singulièrement avec le parcours décevant des Diables Rouges. Avez-vous une explication à ce phénomène ?

A mon avis, l’état d’esprit qui règne chez les Espoirs joue un rôle. La Serbie &Monténégro nous était supérieure sur le plan technique, mais on s’est imposé grâce à notre enthousiasme et à notre esprit de corps. On forme un très bon groupe, très solidaire, et cela se ressent sur le terrain. Chacun est disposé à faire un pas de plus pour aider un partenaire en difficulté.

Les générations se suivent, mais l’état d’esprit reste chez les Espoirs. Est-ce le fait de se retrouver entre jeunes du même âge ?

Peut-être. Mais il y a aussi le fait que l’ambiance est moins tendue. La pression médiatique est moins intense. Celle des dirigeants également. L’espace de quelques jours, on oublie ses tracas quotidiens. On retrouve des copains, on a des choses à se raconter et on décompresse. Cela n’empêche pas la concentration, le jour du match. Si on prend toujours beaucoup de plaisir à jouer avec les Espoirs, c’est aussi parce que la plupart des équipes songent d’abord à jouer au football et à exploiter leurs propres forces, alors qu’en championnat de Belgique, on songe d’abord à mettre des bâtons dans les roues de l’adversaire. Au niveau international, on reçoit moins de petits coups vicieux. Le fait qu’on se côtoie seulement pendant quelques jours explique aussi qu’il y a moins de conflits entre joueurs que dans les clubs.

Lorsqu’on est international Espoir, l’étape suivante se situe chez les Diables Rouges. Y songez-vous ?

Bien sûr, comme tout le monde. Je n’ai encore été convoqué qu’une seule fois : pour le déplacement aux Pays-Bas, en fin de saison dernière. Mais je n’étais pas monté au jeu. Si je veux revendiquer une place chez les Diables Rouges, je devrai d’abord m’imposer dans mon club. Sans un statut de titulaire à Genk, je ne pourrai jamais, au grand jamais, prétendre à une sélection en équipe nationale. Certains rétorqueront que Wesley Sonck ne joue pas davantage, dans son club. Mais lui a déjà fait ses preuves. Il a obtenu le Soulier d’Or, le Footballeur Pro, il a été sacré meilleur buteur à deux reprises… De quel droit pourrais-je lui contester sa place, sous le simple prétexte qu’il a été écarté des terrains pendant quelques semaines ? Les Diables Rouges demeurent mon ambition, à terme, mais j’ai encore tout à prouver. Et je n’ai que 21 ans, beaucoup de personnes ont tendance à l’oublier.

 » J’ai été trop souvent écarté  »

Arrivé de Westerlo en 2002, vous disputez actuellement votre troisième saison à Genk. Quel bilan dressez-vous jusqu’à présent ?

Lors de ma première saison, j’ai beaucoup appris au contact de Wesley Sonck et de Moumouni Dagano. J’ai dû patiemment attendre mon tour : pendant les neuf ou dix premiers matches, j’étais tout simplement dans la tribune. Mais ensuite, je suis entré dans l’équipe et j’ai encore inscrit 15 buts cette saison-là. Pour un gamin de 19 ans, c’est inoubliable. En outre, j’ai affronté le Real Madrid en Ligue des Champions. Cette première saison, sous la houlette de Sef Vergoossen, fut donc positive. La saison dernière, j’avais très bien débuté avant de subir le contrecoup, un peu à l’image de l’équipe. Sef Vergoossen a été remercié. Pierre Denier et Ronny Van Geneugden ont pris le relais et m’ont insufflé énormément de confiance. J’ai terminé très fort et j’ai retrouvé le chemin des filets, ce qui m’avait valu cette convocation en équipe nationale.

Et cette saison, êtes-vous globalement satisfait ?

Non, pas du tout. Je n’ai pas peur de l’avouer : j’ai été trop souvent écarté de l’équipe à mon goût. Un attaquant a besoin d’être en confiance, et dans les conditions actuelles, je ne le suis pas. Une semaine je joue, la semaine suivante je ne joue plus. Que mon éviction soit dictée par des raisons tactiques ou autres, peu importe : le résultat est le même.

Avec René Vandereycken, vous êtes confronté à un entraîneur d’un tout autre style que Sef Vergoossen…

Le Néerlandais optait pour un dispositif immuable. Avec lui, on savait qu’on allait jouer en 4-4-2. Il n’y avait jamais aucune surprise et tout était rôdé. René Vandereycken tient compte de l’adversaire et adapte son propre dispositif en conséquence. D’un point de vue tactique, il n’y a aucune comparaison possible. Je ne trouve pas mauvais de changer de système de jeu, de temps en temps. Cela oblige le joueur à élargir son registre. Après tout, lorsque je pars en équipe nationale, je dois aussi m’habituer à un autre dispositif, puisque avec les Espoirs, on joue en 4-3-3. Cela dit, je trouve qu’une équipe comme Genk devrait d’abord exploiter ses propres qualités. C’est plutôt l’adversaire qui devrait s’adapter.

Est-ce difficile, pour un attaquant, de s’adapter aux concepts d’un entraîneur réputé prudent comme René Vandereycken ?

Cela dépend du soutien que l’on reçoit des autres lignes. Si les médians jouent assez haut, on est bien entouré et bien approvisionné. En cas contraire, on se retrouve parfois seul devant.

 » Le sens du but, on peut le travailler mais pas l’acquérir  »

Personnellement, quel système préférez-vous ?

Je n’ai pas vraiment de préférence. C’est surtout une question d’entente entre les attaquants. Jadis, lorsque je jouais avec Wesley Sonck, cela fonctionnait bien entre nous. Parfois c’était l’un qui décrochait, parfois c’était l’autre. Cela permet aussi de créer de l’espace pour les autres joueurs. On jouait souvent au sol à cette époque-là. Cela me convenait : j’affectionne les combinaisons. Et on se délivrait mutuellement des assists.

Outre les combinaisons, vous avez un sens du but très affûté. Un héritage de votre père ?

Probablement. J’ai toujours eu ce sens du but. C’est un don que l’on possède ou pas. On peut le travailler, mais pas l’acquérir. C’est ancré dans les gènes. Lorsque j’ai débuté chez les Diablotins avec Westerlo, j’ai inscrit 185 buts en une saison. Il m’arrivait de marquer 20 fois en un seul match. Certes, ces chiffres doivent être relativisés. Mais par la suite, j’ai conservé une moyenne de 30 à 40 buts par saison.

Quel aspect de votre jeu devez-vous encore perfectionner ?

Surtout mon jeu de tête. Ma puissance physique aussi, même si c’est la nature qui m’a formé comme je suis.

Vous êtes considéré comme un grand espoir, mais vous ne devez pas rester un éternel espoir. Aujourd’hui, où en êtes-vous dans votre carrière ?

A un stade où j’ambitionne une place de titulaire. Mais je suis tributaire des choix de l’entraîneur.

Un jeune joueur comme vous n’aurait-il pas intérêt à jouer dans un club moins ambitieux, où il serait assuré d’une place de titulaire ?

Non, pas du tout. Cette philosophie ne correspond d’ailleurs pas à mon caractère. Je n’ai pas peur de relever les défis. Je suis venu à Genk pour apprendre. A mon âge, l’expérience que j’emmagasine n’a pas de prix et je n’ai jamais regretté mon choix.

 » Autant prendre Anderlecht maintenant que par aller-retour  »

Quel est votre souhait pour 2005 ?

Pouvoir continuer sur ma lancée des dernières semaines de 2004. Et poursuivre ma progression.

Vous accueillez le Brussels pour la reprise du championnat, puis Anderlecht en Coupe de Belgique. C’est donc une semaine bruxelloise qui vous attend…

Effectivement, et il s’agira de bien la négocier. Lors du premier match du championnat, au stade Edmond Machtens, on s’était imposé 0-1 dans les dernières secondes. On avait joué à Leiria en Coupe Intertoto dans les jours précédents et on manquait un peu de fraîcheur. Mais l’essentiel était de ramener les trois points. La mission sera identique, samedi prochain, à domicile. Je m’attends à un match difficile, mais devant notre public, on ne peut pas se permettre de perdre des plumes. La confrontation de mardi face à Anderlecht sera le choc de la Coupe de Belgique. Certains auraient sans doute préféré un tirage au sort plus favorable, mais je pars du principe que si l’on veut remporter la Coupe de Belgique, il faut tôt ou tard éliminer un ténor. Alors, autant affronter Anderlecht maintenant, sur un seul match à domicile, que plus tard, par aller-retour.

Etant donné le passé anderlechtois de votre père, ce match revêt-il un caractère particulier pour vous ?

En fait, j’ai toujours été un supporter d’Anderlecht. Gamin, je visionnais des cassettes où l’on voyait mon père en action, sous le maillot du Lierse et d’Anderlecht, et lorsque je pouvais l’accompagner au stade Constant Vanden Stock, j’étais fasciné. Cette fascination est restée. Lorsqu’on est gosse, on a toujours tendance à se choisir une équipe favorite. De préférence une équipe qui gagne. A l’époque, j’avais le choix entre Anderlecht et Bruges, car Genk était encore en D2. J’ai opté pour le Sporting.

Rêvez-vous de suivre les traces de votre père et d’endosser, vous aussi, le maillot anderlechtois ?

Cela m’arrive, oui. Mais je n’en fais pas une obsession. A Genk, je joue aussi dans un très bon club.

Anderlecht n’était-il pas venu aux nouvelles lorsque vous jouiez à Westerlo ?

Si, mais à l’époque, j’avais résolument opté pour Genk. J’étais convaincu que c’était la meilleure étape pour poursuivre ma progression. Je ne me sentais pas encore prêt pour un club du niveau d’Anderlecht. J’avais aussi le sentiment que je recevrais plus facilement ma chance à Genk. Le club limbourgeois faisait confiance aux jeunes, alors qu’au Sporting, ce n’était pas encore le cas. Aujourd’hui, les choses ont changé : on voit apparaître en équipe Première des garçons comme Vincent Kompany, Anthony Vanden Borre ou Jonathan Legear, mais il y a quelques années, les jeunes étaient régulièrement barrés.

 » Les fils de sportifs connus sont très réalistes  »

Les incessantes comparaisons avec votre père subsistent-elles, ou avez-vous l’impression de vous faire progressivement un prénom ?

J’ai l’impression que les comparaisons s’estompent avec le temps, mais elles ressurgiront toujours, un jour ou l’autre. Lorsque je jouerai mon premier match avec les Diables Rouges, on regardera à quel âge mon père avait débuté, s’il avait marqué, etc. C’est inévitable.

Ces comparaisons avec votre père ont-elles tendance à vous irriter ?

Non, pas du tout. Je suis le fils de mon père, comme tout le monde, et on ne pourra rien y changer.

Etre le fils d’un footballeur connu, sacré à six reprises meilleur buteur du championnat, fut-il un avantage ou un inconvénient pour votre carrière ?

Au départ, c’était un inconvénient, mais je l’ai progressivement transformé en avantage. Je m’explique. Lorsque j’étais gosse, tout le monde s’écriait : – Regardecelui, c’estlefilsd’ErwinVandenbergh ! C’était valable pour les parents le long de la touche, mais aussi pour l’entraîneur de l’équipe adverse. Il expliquait à ses joueurs qui j’étais, et donnait l’instruction de bien me surveiller. J’avais parfois deux ou trois adversaires sur le dos. Mais ce traitement qu’on m’a réservé m’a aussi permis de devenir plus fort. Je suis rapidement monté de catégorie chez les jeunes. Certains ont pu penser que j’étais favorisé, mais j’ai démontré qu’il n’en était rien et que je le devais uniquement à mon talent.

Faire aussi bien que votre père reste-t-il un défi pour vous ?

Je n’y pense pas. On ne peut pas comparer les générations. Je verrai jusqu’où je peux arriver. J’espère que ce sera le plus haut possible, mais je ne vise pas six titres de meilleur buteur. Les fils de sportifs connus sont généralement très réalistes. Lorsque j’entends Axel Merckx, il tient le même langage : il sait qu’il possède ses propres qualités et qu’il n’égalera jamais le palmarès de son père. Il sait aussi que les époques sont différentes.

Pour éviter ces comparaisons, on conseille parfois aux enfants de choisir un autre sport que leur père. Ou, s’ils choisissent le même sport, de remplir un autre rôle…

Ce sont aussi des discours en l’air. Un enfant doit faire ce qu’il sent le mieux, et ce qui le motive le plus. Dès mon plus jeune âge, j’étais attiré par le football, et pas uniquement par admiration pour mon père, car je n’avais pas encore conscience de ce qu’il représentait. J’ai toujours su, aussi, que je jouerais comme attaquant et pas comme défenseur.

Daniel Devos

 » Genk devrait exploiter ses qualités et L’ADVERSAIRE DEVRAIT S’ADAPTER « 

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