PARLONS FUSION

Le week-end passé, Lokeren et Beveren s’affrontaient dans le derby waeslandien de D1. Sous le regard envieux de la ville de Saint-Nicolas.

F reddy Willockx, le bourgmestre de Saint-Nicolas, est un sacré numéro :  » Lorsque j’avais dix ans, mon père m’emmenait de café en café. On m’y montrait des photos de joueurs de football. A l’époque, on les trouvait dans des paquets de chewing-gum. Quelqu’un cachait le visage des joueurs et je devais trouver leur nom rien que sur base de leurs cheveux. Vous n’imaginez pas combien ce jeu m’obsédait. Et lorsqu’il m’arrivait de me tromper, mon père offrait une tournée générale « .

Willockx est triste : sa ville ne possède pas de club de D1. Or, Saint-Nicolas compte 69.000 habitants, pour seulement 38.000 à Lokeren et 46.000 à Beveren, ses voisins du pays de Waes.  » Je rigole quand même quand je vois que Beveren, qui a pris pas mal de public à Saint-Nicolas, se retrouve sans le moindre point après trois journées… Mais Beveren est un club qui a grandi grâce à ses supporters tandis que Lokeren est plus artificiel, il a été construit sur base du capital de la famille Rogiers « .

Une partie de la croissance de Lokeren est due à l’absorption, en 2000, du Sportkring Sint-Niklaas. Deux ans plus tôt, ce club historique, qui évoluait alors en D3, était devenu un satellite de Lokeren. Willockx :  » Le président Roger Lambrecht s’est montré très correct dans la gestion des intérêts de la ville. Mais j’ai toujours estimé que nous sommes passés à côté d’une opportunité sportive unique. Lambrecht rêvait d’une grande fusion dans le pays de Waes et je croyais dans le concept d’un club satellite. En 1998, j’ai collaboré à cette structure car la situation du SK Saint-Nicolas n’était plus tenable. Le club ne reposait plus que sur trois ou quatre personnes, qui ne cessaient d’allonger de l’argent. Mais Lokeren n’a pas suffisamment nourri son club satellite. Nous devions recevoir leurs meilleurs réservistes mais ils nous ont envoyé des joueurs très moyens. De plus, Erwin Vandenbergh, l’entraîneur, a été limogé beaucoup trop vite. Dans l’ensemble, on a donné trop peu de crédit à ce projet. Mais notre ville continue d’avoir le goût du football. Le Redstar Waasland et le FCN Sint-Niklaas jouent un rôle en vue en D2 et en D3, et 1.300 jeunes sont affiliés dans les clubs de la commune. Les équipes qui se déplacent ici ouvrent parfois de grands yeux : les terrains sont parfaits, ce sont les meilleurs du pays. Et les infrastructures sont superbes et les clubs travaillent de façon professionnelle. La seule chose qui nous manque, malheureusement, c’est le public. Les gens de Saint-Nicolas parlent de foot du matin au soir et du soir au matin mais ils ne vont pas au stade. A l’avenir, j’aimerais voir une fusion entre les deux, pour à la fois soigner l’aspect compétition et celui de la formation. Car il y a des rapprochements : mise à disposition des stewards, participation au tournoi de l’autre club, etc. Au cours de la saison 1999-2000, le budget du SK Saint-Nicolas était de 350.000 à 400.000 euros. Si le FCN Saint-Nicolas montait, nous nous retrouverions avec deux clubs de D2 ayant chacun un budget de 1.700.000 euros. Avec cela, il faut jouer en D1. A ce niveau, avec les droits de télévision et le public supplémentaire, on peut en effet tabler sur 3 millions, ce qui doit permettre, avec un peu de chance, de viser le haut de la colonne de droite. Je pense que, dans les cinq ans, il est possible qu’un club de Saint-Nicolas évolue en D1 aux côtés de Lokeren et de Beveren « .

Dans ce cas, les trois clubs, séparés de quelques kilomètres seulement, risqueraient de se livrer une concurrence mortelle :  » C’est vrai. Mais je ne me fais plus d’illusion au sujet d’une grande fusion entre les clubs du Pays de Waes. Les supporters, surtout ceux de Lokeren et Beveren, sont tellement attachés à leur club et ont des caractéristiques si spécifiques que, sincèrement, je suis très pessimiste quant aux chances de réussite d’un tel projet. Et mon scepticisme ne fait qu’augmenter avec les années. J’ai un jour organisé une grande table ronde au sujet d’une collaboration entre les équipes d’âge et les centres de formation mais cela n’est jamais allé plus loin. Si trois clubs du pays de Waes se retrouvaient un jour en D1, seuls les plus sains survivraient « .

Lokeren :  » Suivre la nature  »

 » Si un club de Saint-Nicolas devait rejoindre la D1, nous n’aurions pas trois mais cinq grands clubs dans un rayon de quelques dizaines de kilomètres « , dit Patrick Orlans, directeur général de Lokeren.  » La Gantoise, Lokeren, Saint-Nicolas, Beveren et le Germinal Beerschot. C’est intenable. Mais il est aussi terriblement difficile de créer quelque chose de nouveau. Cela fait des années que nous nous réunissons pour en parler. Sans succès. Et il n’en ira pas autrement à l’avenir. A moins que tous les clubs du pays de Waes ne soient dans le besoin. Mais alors, on parlerait de trois grands malades qu’il faut réanimer. La plupart du temps, dans les discussions, ce sont des intérêts personnels qui sont en jeu, ce qui est humain et normal. Mais dans ce cas, les mentalités s’affrontent et il est difficile de les concilier. Je suis convaincu que, dans le scénario de trois clubs waeslandiens, un seul survivrait. Il y a toujours une sélection naturelle. L’un descend, un autre fait faillite. Ce fut déjà le cas par le passé. Si Jean-Marc Guillou n’avait pas sauvé Beveren, on ne parlerait déjà plus de ce club. Pareil pour Roger Lambrecht avec Lokeren. Saint-Nicolas n’a été sauvé par personne et a disparu.

D’un point de vue purement rationnel, la meilleure solution serait évidemment de n’avoir qu’un seul grand club au pays de Waes. Mais on aurait pu en dire autant voici quelques années avec Alost, La Gantoise et Lokeren. Dans des cas pareils, il faudrait pouvoir tout recommencer à zéro mais c’est impossible.

Si nous pouvions compter sur une grande multinationale comme Philips, qui a construit le PSV, on pourrait encore y croire. J’ai également déjà dit au gouverneur de Flandre orientale qu’il avait le pouvoir de fonder ce grand club. Actuellement, il n’y a pas de

moyens. Si le gouverneur peut dire à deux ou trois clubs qu’il a trouvé quatre sponsors désireux d’investir chaque année 20 millions pendant cinq ans en cas de fusion, il y a peut-être moyen de lancer quelque chose.

Actuellement, on fait plutôt l’inverse. Et si des dirigeants se rencontrent, tout le monde veut avoir le dessus. De plus, on préfère être pauvre tout seul que riche ensemble. Cela doit venir de plus haut. Mais ce n’est pas facile non plus car les gens n’aiment pas mettre la main au feu « .

Beveren :  » Tout est possible  »

Si les rêves de Freddy Willockx se concrétisaient et qu’un club de Saint-Nicolas évoluait un jour en D1, trois clubs géographiquement très proches se retrouveraient au plus haut niveau de notre football.

 » Il serait alors logique que nous nous livrions une concurrence sans merci « , dit Frans Van Hoof, le président de Beveren. Dans quelle mesure prône-t-il une fusion et la création d’un seul grand club dans le pays de Waes ?  » Rien n’est impossible mais cela me semble irréalisable dans l’immédiat. Si un club de Saint-Nicolas montait, nous devrions peut-être en reparler mais, comme vous le savez, toutes les discussions qui ont eu lieu par le passé n’ont mené à rien.

D’un point de vue historique, nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’onde. Les avis divergent. Le politique joue aussi un rôle important. Willockx veut une équipe à Saint-Nicolas mais les édiles de Beveren veulent qu’on joue au Freethiel. C’est un problème dont il faut tenir compte. Et puis, il y a les supporters. Si vous leur demandez s’ils imaginent une fusion avec Lokeren, ils vous répondront par la négative. L’aspect émotionnel joue sans doute un grand rôle. En ce moment, nous ne sommes pas demandeurs d’une grande équipe au pays de Waes. Mais il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai jamais de ton eau… D’autres combinaisons sont également possibles car il existe d’autres clubs dans la région. Je pense au Germinal Beerschot et à l’Antwerp. Le port d’Anvers pourrait nous permettre de lancer un projet. Mais ce ne sont que des possibilités et, en ce moment, bien peu de choses bougent à cet égard « .

KRISTOF DE RYCK

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