Parlons d’AVENIR

Bruno Govers

L’attaquant nigérian aspire à marcher sur les traces de son compatriote et ami Tosin Dosunmu.

Pour gagner, il faut marquer. Et c’est justement pour avoir péché à la finition que La Louvière s’est inclinée face au Standard. Car les occasions n’ont pas manqué pour les pensionnaires du Tivoli face aux Rouches. Surtout en première mi-temps, lorsque les joueurs d’Albert Cartier ne se créèrent pas moins de quatre chances de but franches face à Vedran Runje. A la base de chacune d’entre elles, on aura toujours retrouvé le même homme : Manaseh Ishiaku. Après une campagne en demi-teinte la saison passée, le jeune attaquant (21 ans) semble pleinement s’épanouir. Auteur de trois goals depuis le début du championnat et inspiré dans le passing, le Nigérian aurait mérité de ponctuer sa prestation individuelle contre les Principautaires par un de ces flicks-flacks dont il a le secret. Mais le portier de Sclessin en décida autrement.

Manaseh Ishiaku : L’intransigeance de Vedran Runje et le réalisme du Standard ont fait la différence. Théoriquement, nous aurions dû mener par deux, voire trois longueurs à la pause. Mais la conclusion a malheureusement fait défaut chez nous. C’est dommage car nous n’avons jamais joué mieux, jusqu’ici, qu’au cours de ces 45 premières minutes contre les Liégeois. Notre prestation collective était meilleure encore, d’après moi, que huit jours plus tôt, face à Mouscron. Après la pause, il est simplement regrettable que nous n’ayons plus poursuivi sur le même mode. Au lieu de continuer notre jeu méthodique, nous avons agi de manière beaucoup trop précipitée. Il y a eu beaucoup trop de déchets dans nos rangs dès cet instant. La bonne gestion du Standard a fait le reste.

Vous avez failli trouver l’ouverture. Mais vous vous êtes surtout signalé par des services judicieux pour vos partenaires. On vous connaissait moins sous cet aspect.

Contrairement à ce qui se passe dans d’autres équipes, où l’un des attaquants est généralement plus avancé que le deuxième sur le terrain, chez nous, cette année, il n’y a pas d’élément qui gravite autour de l’autre. Tour à tour, Michaël Murcy ou moi occupons la position la plus proche du goal. Nous sommes donc amenés tantôt à devoir combiner dans les espaces, tantôt encore à conclure les actions nous-mêmes. Au vu des événements, nous ne nous sommes manifestement pas trop mal débrouillés durant cette première tranche de la compétition.

En l’espace de sept journées, vous avez déjà inscrit le même nombre de buts que tout au long du championnat 2003-2004. Comment expliquez-vous cet état de grâce ?

La saison passée est à oublier au plus vite, pour moi. Logiquement, elle aurait dû s’inscrire sous le signe de la confirmation car après une entrée en matière hésitante, je m’étais progressivement affirmé. Avec, comme point culminant, mes deux goals en finale de la Coupe de Belgique, face à St-Trond. Au lieu de continuer sur ma lancée, j’ai malheureusement subi un coup d’arrêt en raison de problèmes privés. N’insistez pas : je ne me prononcerai pas sur ce point. Tout ce que je peux dire, c’est qu’ils m’ont poursuivi d’un bout à l’autre de cette compétition et qu’ils ont donc grandement contribué à gâcher mes prestations. Pour répondre à l’attente sur un terrain, tout joueur a besoin de se sentir bien dans son corps et dans sa tête. Or, ce n’était pas le cas en ce qui me concerne. A présent, tous ces tracas sont oubliés et dès la période de préparation, je suis reparti du bon pied. Au point de rattraper le temps perdu.

Plus de créativité

D’une campagne à l’autre, le contexte a changé également du tout au tout chez les Loups. Dans quelle mesure vous a-t-il été bénéfique ?

J’ai eu la chance, au Tivoli, de pouvoir travailler sous les ordres d’Ariel Jacobs, un coach à qui je dois absolument tout. Avant mon arrivée, en 2001, je n’avais jamais eu droit, en tant qu’attaquant, au moindre entraînement tactique. Grâce à mon premier coach chez les Loups, j’ai progressé de manière significative dans ce domaine et aujourd’hui, au contact d’Albert Cartier, je poursuis sur cette même voie. Par rapport Jacobs, le Français est adepte d’une approche plus offensive, due sans doute au profil des nouveaux joueurs qui ont été engagés à l’intersaison. Il est quand même évident qu’on ne joue pas de la même façon selon que l’on dispose de garçons tels que Davy Cooreman et Serge Djamba-Shango, pour ne citer qu’eux ou, comme c’est le cas maintenant, d’un Mario Espartero ainsi que d’un Fadel Brahami. Si les bases sont restées, il y a sans conteste davantage de créativité dans l’équipe actuelle. C’est une aubaine pour ceux qui, comme moi, jouent devant.

L’année dernière, votre association avec Michaël Murcy n’avait pas toujours été heureuse. Il en va différemment cette année. Pourquoi ?

En réalité, nous ne formons un véritable duo que depuis le début de cette compétition. En 2003-2004, nous avions été alignés quelquefois de concert mais la même constante n’était pas de mise. Au gré des circonstances, toutes les combinaisons possibles auront été essayées parmi tous ceux qui formaient à l’époque la division offensive du club : non seulement Mika et moi-même mais aussi mon compatriote Peter Odemwingie, Frédéric Tilmant et Ricardo Magro. En fonction des matches toujours, il n’était pas rare non plus que nous changions de système : 5-4-1, 5-3-2, 4-4-2, 4-5-1 et j’en passe. C’est bien simple, en deux années à La Louvière, j’ai passé à peu près toutes les variantes en revue. Pour le bagage, c’est extra. Mais, à un moment donné, il faut pouvoir peaufiner. Et c’est ce qui se passe maintenant puisque, dès le premier match, nous sommes restés fidèles à un même schéma, le 4-4-2, avec un seul tandem en pointe puisque, entre-temps, les trois autres ne font plus partie de l’effectif. Il est donc logique qu’il y ait plus d’automatismes aujourd’hui dans ce secteur. D’autant plus que c’est un aspect que nous travaillons sans relâche à l’entraînement.

Au départ, La Louvière était considérée par beaucoup d’observateurs comme un oiseau pour le chat. Pourtant, l’équipe réussit au-delà des espérances. Vous-même, avez-vous douté ?

Non, j’ai su d’emblée qu’on était dans le bon. Dès le premier jour, on sentait une ligne de conduite sur le terrain. Le nouvel entraîneur savait manifestement où il voulait en venir. Mais il a fallu un peu de temps avant que cela marche. Quoi de plus normal, en ce sens que la moitié de l’équipe a changé en l’espace de quelques mois. Il y a peut-être eu quelques tâtonnements. N’empêche, on était prêt en début de saison. Tout comme Mouscron, d’ailleurs, chez qui les mêmes interrogations étaient perceptibles à l’intersaison. Pourtant, l’Excelsior tient parfaitement la route lui aussi. Il a réussi son premier examen contre Anderlecht alors que nous l’emportions, le même week-end, à Charleroi. Ce jour-là, je me suis fait la réflexion qu’il faudrait composer avec nous. Et la suite des événements n’a fait que confirmer cette impression. Une seule fois, nous avons eu des difficultés à nous exprimer : au Brussels. Mais pour le reste, nous avons toujours donné une bonne réplique à l’adversaire. Notre classement n’est que le juste reflet de cette tenue.

Viser l’Europe

Quelles ambitions les Loups peuvent-ils nourrir cette saison ?

Personnellement, j’estime que nous devons briguer une place européenne. Malgré notre élimination en Coupe de l’UEFA par Benfica, voici un an, je conserve un souvenir très fort de cette aventure et il me plairait d’y goûter à nouveau avec mes partenaires. Du moins, si je suis toujours là parce que j’arrive au terme de mon contrat en juin prochain (il rit). Je ne vois pas, en tout cas, ce que nous pourrions envier à d’autres candidats à l’Europe, comme Genk ou le Standard. Au contraire, j’estime que nous possédons une équipe bien plus équilibrée que ces deux-là. Personnellement, je n’ai jamais joué dans une formation aussi solide que celle des Loups actuellement. Nous avons les moyens de viser haut. Il faut y croire et moi, j’ai cette foi.

Quel est votre propre challenge ?

Je veux me battre pour assurer mon avenir, ici ou ailleurs. Et, chemin faisant, essayer de me bonifier encore tant et plus. En l’espace de trois années sur votre sol, à Roulers d’abord, puis à La Louvière, je ne suis pas trop mécontent du parcours accompli. Au cours de ma première saison en Flandre, je me suis acclimaté à la fois à un autre football ainsi qu’à une culture différente. Ici, dans le Centre, j’ai progressé de 200 % au contact d’Ariel Jacobs d’abord, puis d’Albert Cartier. Mon rêve, en vérité, c’est de marcher sur les traces de Tosin Dosunmu. Lui aussi a commencé dans les séries inférieures, à Denderhoutem et au FC Malines, notamment, avant de s’épanouir pleinement à Westerlo et d’obtenir un beau transfert à l’Austria Vienne. J’espère pouvoir l’imiter un jour même si, plutôt que l’Autriche, c’est l’Angleterre qui a mes faveurs. Jouer en Premier League, ce serait le sommet. Mais je suis encore loin du compte car pour y parvenir, il faut non seulement être international mais avoir disputé également les trois-quarts des matches de l’équipe représentative de son pays, le Nigeria en l’occurrence. Le passage de Peter Odsemwingie aux Iles a capoté pour ces raisons. Alors, que dire pour moi qui n’ai pas encore livré une seule rencontre avec les Super Eagles ? Mais j’y arriverai. Je n’ai que 21 ans. A cet âge-là, mon modèle, Daniel Amokachi, jouait toujours en Belgique aussi. Ce n’est que plus tard qu’il a abouti à Everton.

Est-ce pour la ressemblance physique que l’ex-Brugeois est votre source d’inspiration ?

Non, le hasard a voulu, tout simplement, que nous jouions dans le même club au Nigeria : les Shooting Stars. Au centre de la ligne d’attaque, Daniel Amokachi avait pris lui-même la place d’un autre monument : Rasheed Yekini, l’une des révélations de la Coupe du Monde aux Etats-Unis, en 1994. Dan avait hérité du même sobriquet que son prédécesseur : le taureau de Kaduna. Quand j’ai fait moi-même mes débuts là-bas, j’ai été surnommé de la même façon avant d’être rebaptisé Ogbojo. Tout le monde m’appelle encore comme ça, dans mon pays, sans que je sache trop pourquoi. C’est un terme du dialecte bajju mais je ne sais absolument pas à quoi il correspond en français.

Après deux années à La Louvière, vous ne maîtrisez toujours pas le français. En revanche, vous êtes parfaitement capable de soutenir une conversation en néerlandais. Comment l’expliquez-vous ?

C’est très simple : avant de faire la connaissance de Peter Odemwingie au Tivoli et de me lier d’amitié avec lui, mes contacts avec la communauté nigériane se déroulaient à Westerlo avec Tosin Dosunmu et Bobsam Elejiko. Un jour, nous sommes sortis en boîte à Hasselt et, à cette occasion, j’ai rencontré une fille néerlandophone, Kelly, avec qui j’ai eu une petite fille il y a cinq mois : Keisha. A la maison, nous parlons anglais mais avec mes beaux-parents je parle le néerlandais. Mais c’est promis : la prochaine interview, ce sera en français. Il est vrai qu’avec tous les joueurs venant de ce pays qui ont débarqué au Tivoli, il est temps que je m’y mette sérieusement (il rit).

Bruno Govers

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