PARIS GAGNÉ

Longtemps menés à la marque, les Catalans ont pris exemple sur Liverpool pour remporter leur deuxième Ligue des Champions.

Quelque chose nous dit que les joueurs du FC Barcelone pourraient encore porter le short grenat pendant de longues saisons. La direction avait décidé du changement de tenue l’été dernier, et l’abandon du traditionnel short bleu avait été très mal perçu par les supporters, très attachés à tout ce qui fait partie de la culture du club. Mais le nouvel équipement a porté chance : l’équipe catalane a décroché un 18e titre de champion, en produisant un football souvent très attractif, et surtout, elle a remporté une deuxième Ligue des Champions après celle conquise en 1992 à Wembley face à la Sampdoria, sur un coup franc de RonaldKoeman.

Mercredi passé, face à Arsenal dans la Ville Lumière, le Barça n’a pas brillé de mille feux comme il l’avait fait lors d’autres rencontres cette saison, mais qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Le trophée européen le plus convoité garnira les vitrines du Camp Nou. Et, pour un club qui a souvent vu l’ennemi héréditaire madrilène partir avec la  » coupe aux grandes oreilles « , ce sont des années de frustration qui sont évacuées.

Un présage favorable

 » C’est extraordinaire « , jubilait l’attaquant camerounais SamuelEto’o, élu homme du match.  » Gagner la Ligue des Champions, c’est ce qui peut arriver de mieux à un footballeur professionnel. Dans des années, mon fils s’en souviendra encore et lui-même pourra le raconter à ses enfants. Il sera fier de son père « .

La victoire fut lente à se dessiner.  » On savait qu’on devrait en découdre avec un adversaire très difficile à jouer « , poursuit Eto’o.  » Arsenal possède une très bonne défense et manie à la perfection l’arme de la contre-attaque. On a, comme souvent, dominé la rencontre en termes de possession de balle, mais on a pris un but sur phase arrêtée : Titi ( ThierryHenry) a quasiment déposé le ballon sur la tête de SolCampbell « .

Et là, la tâche s’est encore compliquée.  » Mais on n’a pas douté « , assure Eto’o.  » Lorsqu’on est rentré aux vestiaires, à la mi-temps, on s’est tous rappelé l’état d’esprit affiché par Liverpool l’an passé à Istanbul. Et on s’est dit que, si les Reds avaient été capables de remonter un handicap de trois buts, il n’y avait aucune raison qu’on ne puisse pas remonter un but. On s’est dit qu’il fallait persévérer tant et plus, que le verrou londonien finirait bien par sauter « .

L’exploit n’est pas mince. Car Arsenal n’avait pas concédé le moindre but depuis un partage 2-2 en match de poules face à l’Ajax Amsterdam. Son arrière-garde était demeurée invulnérable durant toute la phase de rencontres couperet : que ce soit contre le Real Madrid en huitièmes de finale, contre la Juventus en quarts de finale ou contre Villarreal en demi-finales. Les Gunners ont loupé de peu la barre mythique des 1.000 minutes d’inviolabilité : la défense londonienne a dû s’avouer vaincue après… 995 minutes de résistance.

Si certains doutaient encore que les footballeurs étaient très superstitieux, Samuel Eto’o en a donné un nouvel exemple :  » En arrivant au Stade de France, j’étais très anxieux à l’idée de découvrir le vestiaire qui nous avait été attribué. Je me suis souvenu qu’en 2003, j’avais perdu la finale de la Confédération avec le Cameroun après avoir occupé le vestiaire visiteur – NDLR : c’étaitégalementunduelThierryHenrycontreSamuelEto’o. Par contre, précédemment, j’avais gagné et inscrit un très joli but dans ce même stade après avoir occupé le vestiaire visité. Lorsque j’ai appris que, mercredi passé, on allait occuper le vestiaire habituellement dévolu à l’équipe de France, j’y ai vu un présage favorable « .

Samuel Eto’o, aujourd’hui placé sur un piédestal, se souvient de ses débuts difficiles dans la Liga.  » J’avais joué… huit minutes avec le Real Madrid. J’étais encore tout jeune, je sortais du centre de formation et je me suis retrouvé au milieu de toutes ces stars. Dans ces conditions-là, il faut être très fort mentalement pour ne pas crouler sous la pression. Malheureusement, ce jour-là, la pression était plus forte. J’étais très nerveux, et après cet épisode, je me suis demandé si l’on m’accorderait un jour une deuxième chance. Elles est arrivée quelques années plus tard, à Majorque puis à Barcelone, et ce fut le vrai départ de ma carrière « .

Deux tournants

Du côté d’Arsenal, la déception était forcément présente. Longtemps, les Gunners ont donné l’impression de pouvoir réaliser une saison similaire à celle de Liverpool l’an passé : un parcours en demi-teinte en championnat, où ils ont longtemps squatté la 5e place avant de sauter Tottenham sur le fil pour s’emparer de la 4e place donnant accès au tour préliminaire de la Ligue des Champions, mais parallèlement à cela, un parcours exceptionnel sur la scène européenne, là où, ces dernières années, ils avaient souvent été évincés prématurément. C’est sans doute l’année où on l’attendait le moins qu’Arsenal s’est montré le plus conquérant sur le Vieux Continent. Beaucoup de gens étaient sceptiques lorsqu’ils ont vu partir l’emblématique capitaine PatrickVieira pour la Juventus. Mais ArsèneWenger a su reconstruire une jeune équipe avec des joueurs qui ont tous fait office de révélations, comme l’Espagnol CescFabregas, le Biélorusse AlexandreHleb ou l’Ivoirien EmmanuelEboué, qui a fourbi ses premières armes dans le championnat de Belgique à Beveren. Mais qu’en sera-t-il lorsque les Gunners seront privés de leur artificier Thierry Henry, que Wenger lui-même a qualifié de pièce essentielle sur son échiquier ?

L’atout n°1 d’Arsenal va-t-il réellement quitter Londres alors que le club s’apprête à quitter Highbury pour déménager à l’Emirates Stadium, quelques centaines de mètres plus loin ? Lorsqu’on lui a posé la question en conférence de presse, Wenger a répondu :  » Je l’ignore… Je ne pense pas « . Mais il a ensuite esquissé un léger sourire qui, pour beaucoup de monde, signifiait que Henry allait rester à Londres.

Le match de mercredi passé a connu deux tournants. Le premier s’est situé dès la 18e minute, lorsque le gardien allemand JensLehmann s’est vu brandir un carton rouge après une sortie  » nécessaire  » dans les pieds d’Eto’o, destinée à empêcher le but d’ouverture du Barça… que LudovicGiuly a malgré tout inscrit dans la foulée, mais après le coup de sifflet de l’arbitre norvégien TerjeHauge qui avait négligé une belle possibilité d’appliquer la règle de l’avantage.  » Rien à dire sur la décision de l’arbitre « , concède Wenger.  » C’était une faute incontestable en dehors du rectangle et le referee n’avait pas d’autre alternative que d’exhiber le carton rouge à notre gardien. Cela m’a obligé, très tôt dans le match, à modifier mes plans et à faire sortir RobertPirès. Mais je ne pense pas que cette exclusion ait été le fait de match le plus important. Malgré notre infériorité numérique, on a très bien joué, on a empêché Barcelone de développer son jeu et on est même parvenu à ouvrir la marque. Après cela, on a encore hérité de deux ou trois belles occasions de doubler l’écart. C’est là qu’on a raté le coche : je me doutais que, si le deuxième but ne tombait pas, on s’exposerait à 20 dernières minutes très difficiles « .

Le deuxième tournant s’est situé à la 76e minute : c’est le but égalisateur du FC Barcelone.  » Autant j’accepte l’exclusion de Lehmann, autant je conteste ce but égalisateur de manière virulente « , poursuit Wenger.  » Il était entaché d’un hors-jeu sur la déviation d’ HenrikLarsson vers Eto’o. Lorsqu’on doit jouer à dix contre onze, qu’on a la chance de mener et qu’on concède un but égalisateur inscrit de façon irrégulière, c’est très frustrant. Cela valait bien la peine de suspendre l’arbitre assistant qui avait posé avec un maillot du FC Barcelone si son remplaçant accorde aux Catalans un but entaché d’un hors-jeu ! Les erreurs d’arbitrage font partie du football, mais à ce niveau-là, c’est difficile à accepter et il faut faire quelque chose pour que cela n’arrive plus. – NDLR : unnouvelappeldupiedenfaveurdurecours àlavidéo ? Cela dit, je dois féliciter mes joueurs pour leur magnifique parcours européen. On a perdu au Stade de France notre première rencontre européenne de la saison. Cette seule et unique défaite nous coûte le titre. Mais le raisonnement eût été identique pour le FC Barcelone, puisque les Catalans étaient également invaincus depuis le début de la compétition « .

DANIEL DEVOS, ENVOYÉ SPÉCIAL À PARIS

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