» Parfois, je me mords les doigts « 

A 24 ans, l’ancien international Espoir connaît ses qualités et ses défauts :il est globalement satisfait de sa saison avec Courtrai.

Ancien international Espoir (il avait fait partie de la présélection pour les JO de Pékin mais n’avait pas été retenu dans la sélection finale), Giuseppe Rossini a vu sa carrière basculer lorsqu’un scout néerlandais le repéra, en 2004, à 17 ans, lors d’un match de Réserves qu’il disputait avec Mons à Beveren. On lui proposa de poursuivre son écolage au FC Utrecht, avec la possibilité d’intégrer l’équipe Première si tout se passait bien. Ce qu’il fit : il disputa 48 matches, ou parties de matches, en Eredivisie, où il inscrivit trois buts. Malines flaira la bonne affaire en 2008 et le rapatria. Sa première saison fut excellente : dix buts en 22 matches. Au cours de la seconde, en revanche, il n’ajouta qu’une seule rose à son bouquet, et sentit que le moment était venu de partir.

 » Je n’entrais visiblement plus dans les plans de Peter Maes « , explique-t-il. Lorsqu’il décida de cueillir la perche que lui tendait Courtrai, Rossini ignorait encore que Maes allait quitter les Yellow Reds. Tout comme il ignorait encore que son coach, au stade des Eperons d’Or, serait Hein Vanhaezebrouck,… même si le retour du coach flandrien était dans l’air. Mais, au terme de la saison, Pino (comme le surnomment ses proches) ne regrette pas son choix.

Avez-vous trouvé à Courtrai ce que vous recherchiez ?

Giuseppe Rossini : Globalement, oui. Je suis très satisfait de la saison que j’ai vécue. Le club, le staff technique, l’entourage : tout cela me convient parfaitement. Dès les premiers contacts, j’ai eu un bon pressentiment. Je sentais que l’on était prêt à me faire confiance, dans la cité des Eperons d’Or. L’ambiance y est aussi familiale qu’à Malines. Lorsqu’on joue à domicile, les supporters sont tout aussi chaleureux. J’ai besoin de me sentir bien dans ma peau pour m’exprimer au mieux.

Votre premier objectif était de retrouver du temps de jeu…

C’était ma priorité, en effet. Et je n’ai pas été déçu sur ce plan-là. Lorsque j’ai signé, on ne pouvait évidemment rien me garantir à ce niveau, mais dès le premier entraînement, j’ai prouvé à Vanhaezebrouck qu’il pourrait compter sur moi. Je me suis donné à fond et j’en ai été récompensé par une place de titulaire. Je pense lui avoir renvoyé l’ascenseur en débutant très bien la saison.

A ce moment-là, votre nom a même circulé en rapport avec les Diables Rouges…

Je pense avoir figuré dans la présélection, en effet, mais comme je n’ai jamais eu de convocation officielle, cela ne signifie rien. Je reste ambitieux, mais réaliste également : la concurrence est rude, sur le plan offensif, chez les Diables.

Vous avez toujours le loisir d’opter pour la Squadra Azzurra, si on vous appelle là-bas…

Si, déjà, on ne m’appelle pas en Belgique, je ne dois pas rêver.

 » Je n’ai jamais entendu le groupe se plaindre « 

Quels souvenirs gardez-vous de votre passage chez les Espoirs belges ?

Très bons. Un excellent groupe, dont je suis fier d’avoir fait partie. J’ai participé au stage à Malte, qui a servi de préparation pour les JO de Pékin, mais je n’ai pas intégré la sélection. Confronté à de nombreux blessés, Jean-François de Sart a voulu me rappeler, mais Malines a refusé de me laisser partir.

Un regret, compte tenu du parcours réalisé en Chine ?

Un demi-regret. L’équipe était déjà là-bas, avait déjà commencé le tournoi, et un billet d’avion avait été préparé pour que j’aille la rejoindre. Bon : comme je n’aurais pas voyagé avec le groupe, et que je n’aurais été rappelé qu’à cause des défections, cela aurait quand même donné le sentiment d’être considéré comme la cinquième roue de la charrette. Ma grosse déception était antérieure : je n’ai pas été retenu alors que j’avais livré de bonnes prestations et inscrit l’un ou l’autre but.

Revenons-en : connaissiez-vous Vanhaezebrouck avant d’entamer les entraînements ?

Pas du tout, si ce n’est de réputation. On m’avait expliqué que c’était un coach qui n’avait pas son pareil pour mettre ses joueurs en confiance et qui était professionnel jusqu’au bout des ongles. J’ai pu le vérifier : il ne néglige aucun détail. Il a instauré des règles internes au sein du club, analyse le jeu des adversaires de fond en comble, nous explique la manière de nous comporter sur base de séances vidéos très pointues.

Comment expliquez-vous son échec à Genk, où il n’a pas terminé la saison ?

Je n’y étais pas, je ne peux donc pas juger sur pièces. Je pense, mais c’est une conviction personnelle, qu’il n’a tout simplement pas été suivi par ses joueurs. A Courtrai, il est très apprécié. Il a fait monter l’équipe en D1, en 2008, et l’a maintenue parmi l’élite la saison suivante. Cette année encore, pour son retour, il a fait du bon boulot. Et je n’ai jamais entendu le groupe se plaindre : même les réservistes gardent leur motivation et répondent à l’attente lorsqu’ils montent au jeu.

 » Au niveau de la qualité de jeu proposée, on est dans le top 3 ou 4 « 

Son système préféré était le 3-4-3.

Le plus souvent, on a joué en 4-5-1, en effet. Ou 4-3-3, dans une version plus offensive. Mais généralement avec une ligne arrière de quatre joueurs. Sans doute le coach a-t-il estimé qu’il n’avait pas les éléments pour jouer à trois derrière.

La saison dernière, avec un certain Georges Leekens, Courtrai avait été l’invité surprise des play-offs 1. Cette saison, votre équipe devra se contenter des play-offs 2 : un échec ?

Une petite déception, simplement. On ne peut pas reproduire chaque année des exploits comme celui de la saison dernière, d’autant que le club a l’un des plus petits budgets de la D1. Globalement, on peut être satisfait de la saison, même si on regrettera toujours les points que l’on a abandonnés en déplacement alors qu’on menait à la marque. C’est arrivé au Cercle Bruges, à Westerlo, à Eupen. Peut-être a-t-on été victime de notre tempérament offensif. Courtrai n’a pas pour habitude de fermer le jeu. Au niveau de la qualité de jeu proposée, je trouve qu’on a l’une des trois ou quatre meilleures équipes du pays. Mais, en déplacement, c’est souvent le réalisme qui prime.

En règle générale, que pensez-vous du système de championnat alambiqué en vigueur en Belgique pour l’instant ?

Vous savez, j’ai connu les play-offs aux Pays-Bas et on les a supprimés. Ici, on les maintient. Pire : on veut encore les compliquer davantage. Lors des contacts que j’ai encore avec les gens que j’ai connus là-bas, on me demande toujours : – Qu’avez-vous encore trouvé, en Belgique, avec votre formule stupide ? Il n’y a plus que l’argent qui compte. Et encore : est-on certain qu’une formule aussi compliquée rapportera forcément plus de droits TV et plus de public ? Je trouve que si on joue six fois Anderlecht-Bruges, cela perd de son attrait. Et que dire alors des play-offs 2 ? Ils sentent la fin de saison, non ? D’accord, Genk a réussi à décrocher in extremis un ticket européen par ce biais-là mais quel parcours du combattant ! Dans ces play-offs 2, on jouera d’abord pour remporter des primes de victoires. Après, on verra si d’éventuels succès nous permettront d’encore entretenir certaines ambitions sportives.

Comment a-t-on géré l’héritage de Leekens ?

Très bien. Il y a eu de nombreux départs et de nombreuses arrivées. Tout un travail de reconstruction a donc dû être accompli. Et l’édifice a, je crois, fière allure.

 » S’imposer comme attaquant en Belgique est très ardu « 

Même si, en janvier, on a dû ôter Pelé Mboyo ?

Son départ a affaibli l’effectif, c’est clair. Personnellement, j’ai aussi ressenti son absence. Au fil du premier tour, j’avais tissé une belle complicité avec lui. Notre entente était bonne, sur et en dehors du terrain, et je pense que nous étions complémentaires. Il est très rapide sur les premiers mètres, est capable d’éliminer un adversaire avec le ballon aux pieds, s’engouffre dans les espaces et délivre d’excellents assists tout en n’oubliant pas de marquer lui-même lorsque l’occasion se présente. Moi, je suis davantage à l’aise en pivot : je dévie les ballons de la tête, je les conserve lorsque je les ai dans les pieds. Je suis, plus que lui, tributaire des joueurs qui évoluent à mes côtés. Mais je peux aussi créer des espaces pour les autres, en me déplaçant au deuxième poteau et en entraînant un ou deux défenseurs avec moi. Sans Mboyo, il est clair qu’on a dû se réorganiser. Lorsque je jouais seul en pointe, j’ai surtout dû recevoir du soutien de la deuxième ligne : de Davy De Beule, Mohammed Messoudi, Mustapha Oussalah ou Brecht Capon, cela dépendait en fonction des matches. J’ai inscrit huit buts cette saison. C’est bien, même si avec un peu plus de réalisme, j’aurais pu atteindre un total de 12 ou 13 buts. Aujourd’hui encore, je me mords les doigts en voyant les occasions que j’ai loupées. Mais bon : je ne suis pas Lionel Messi, je ne dribblerai jamais toute la défense adverse, mes qualités sont différentes.

Des qualités que vous avez développées aux Pays-Bas ?

Je pense, effectivement, avoir une bonne technique pour un joueur de 1m95. Et je le dois sans doute au travail accompli à Utrecht. Là-bas, j’ai eu Foeke Booy et Wim van Hanegem comme coaches principaux, mais j’ai surtout eu John van Loen comme adjoint et qui m’a beaucoup appris dans mon rôle d’attaquant. C’était un joueur dont le profil correspondait un peu au mien : grand, pas spécialement technique à la base. Il m’a appris à mieux conserver le ballon, à perfectionner mon jeu de tête. Je ne suis pas encore parfait, loin de là. Je dois encore travailler ma vitesse. Et, à 24 ans, je pense pouvoir me montrer satisfait des progrès que j’ai accomplis depuis le début de ma carrière, à Houdeng.

Lorsqu’on arrive des Pays-Bas, est-ce difficile de s’imposer en Belgique ?

Plus difficile qu’on ne le croit. Surtout pour un attaquant. Aux Pays-Bas, on bénéficie de beaucoup plus d’espace. S’il ya également des duels, ce n’est en rien comparable à ce que l’on rencontre en Belgique. Ici, un attaquant a constamment un ou deux défenseurs sur le dos. On a à peine le temps de contrôler le ballon qu’on est déjà agressé. On n’a pas le temps de se retourner. Cela nécessite tout un processus d’adaptation. Les matches du championnat de Belgique ne sont pas toujours beaux à voir, mais s’y imposer, en tant que joueur, est très ardu : il y a beaucoup d’agressivité, beaucoup de duels, beaucoup de pression sur le porteur du ballon.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTO: IMAGEGLOBE

 » En Belgique, un attaquant a constamment un ou deux défenseurs sur le dos. « 

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