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Vanzeir superstar: « Parfois, je doutais mais Dante, jamais »

Dante Vanzeir n’avait que 18 ans à ses débuts sous le maillot de Genk, mais c’est à l’Union qu’il éclate aujourd’hui, à 23 ans. Retour sur le parcours d’un Unioniste heureux.

Dans l’impasse dans laquelle Dante Vanzeir a grandi, au coeur de Beringen (46.000 habitants), c’est le calme plat. Dans sa jeunesse, le buteur de l’Union passe le plus clair de son temps à Genk, football oblige. « Dès l’âge de onze ans, un minibus venait le chercher tous les matins à 6h30 pour le ramener à 21h30 », explique Michel Vanzeir dans le salon où deux posters sont accrochés au mur: un de Dante sous le maillot de l’équipe nationale et un de sa soeur cadette Luna, cinq ans plus jeune, qui brille à OHL. Un peu plus tard, la maman de Dante rentre à la maison. Elle est infirmière et vient de terminer son service. « Dante lui ressemble et Luna a mes traits », dit Michel. La maman approuve: « Dante et moi, on ne se tracasse pas, on vit notre vie. »

Il confirme ce que j’avais vu en lui: il est volontaire et fait des sacrifices pour y arriver. »

Gert Verheyen

À Berkenbos, jadis le club de Michel où Vanzeir Jr effectue ses premiers dribbles en 2003-2004, on constate rapidement que Dante a hérité de la vitesse de son père. « Mais il voulait seulement gagner, il ne supportait pas la mentalité de ses équipiers qui voulaient juste toucher le ballon. »

À Genk très jeune

Lors de sa première année, le fiston est l’un des cent joueurs qui prennent part à la journée de détection de Genk. Il est retenu parmi les sept qui peuvent rester. JeanLiebens, alors coordinateur du football du Racing et aujourd’hui secrétaire des jeunes, se souvient d’un garçon hargneux à qui on ne prenait pas facilement le ballon. « Il était aussi très rapide, y compris balle au pied. Il était espiègle mais toujours assidu. Il prenait beaucoup de plaisir à s’entraîner. Au début, il ne fallait pas lui donner de consignes, il n’en faisait qu’à sa tête. Il prenait toujours le chemin le plus court vers le but et avec sa vitesse, personne ne le rattrapait. S’il n’était pas dans son match, il fallait lui taper sur l’épaule. Quand on lui disait quelque chose de positif, il rayonnait. Ses parents étaient aussi très impliqués. Ils étaient toujours présents, mais le laissaient faire et on pouvait discuter avec eux. Avoir de bons parents, ça aide. »

Le jeune Dante se régale dans son survêt' du KRC Genk, à Texel.
Le jeune Dante se régale dans son survêt’ du KRC Genk, à Texel. « Il ne correspondait pas du tout au style de Genk », admet Michel, son papa.© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Michel Vanzeir se souvient des évaluations annuelles. « Nous étions toujours un peu tendus, car Dante ne correspondait pas du tout au style de Genk. Il n’avait pas la finesse technique de la plupart de ses équipiers, il devait toujours se battre pour qu’on le garde. Chaque année, on se posait des questions, surtout moi, mais il était toujours repris. »

En U8, son entraîneur remarque sa vitesse et sa grinta, mais il parvient aussi à l’intégrer dans l’équipe.  » PedroWolfs avait remarqué qu’il donnait rarement le ballon et il lui a dit: Si tu veux gagner, tu dois jouer en équipe. Il a tellement insisté qu’il a fini par convaincre Dante. »

Les épaules solides

En U13, Michel Vanzeir pense bien que l’aventure à Genk va s’arrêter. « À Noël, son évaluation était mauvaise. De plus, il souffrait du genou. Je me suis dit qu’il ne résisterait pas à l’évaluation finale du mois de mars. Mais en janvier, il était de nouveau en forme. Moi, je doutais parfois mais Dante, jamais. Il a toujours eu les épaules solides. Il ne fallait jamais le guider, il n’avait pas besoin de beaucoup d’encouragements. Il n’avait jamais peur de rien, même pas en dehors du terrain. C’était un enfant facile, rarement de mauvaise humeur. »

À l’âge de onze ans, Vanzeir prend la direction de l’école de sport de haut niveau de Genk. DavidSannen est toujours professeur de foot à l’ex-collège Sint-Jan Berghmans, aujourd’hui nommé collège Atlas. Il a également entraîné Luna, la soeur de Dante. « C’est une passeuse qui lit très bien le jeu et a un coup de patte fantastique. Dante, lui, est un tueur, un vrai chasseur de buts. »

Un jour, David Sannen dit au père Vanzeir que Dante n’est pas toujours assez sérieux. « Je lui ai répondu que c’était à lui de le motiver, car quand il s’ennuyait, il perdait sa concentration. Dante jouait surtout très bien contre les grandes équipes. »

Sannen se souvient du buteur de l’Union comme d’un garçon intelligent et optimiste, qui aimait la vie. « Il était espiègle, mais connaissait ses limites. Dans le vestiaire, il mettait l’ambiance, c’était un bon équipier. Il ne critiquait pas, mais se montrait toujours positif. Parfois, lors des exercices de tirs au but ou de passes, il perdait sa concentration, mais dès qu’il y avait une forme de match, ça revenait immédiatement. Je l’ai parfois repris de volée mais il l’acceptait. Outre son intelligence et la nécessité de travailler sa concentration, je dois souligner sa force mentale. Quand ça va moins bien, il se reprend très vite. Après ses graves blessures, il s’est immédiatement remis au travail. S’il n’avait pas réussi dans le football, je suis convaincu qu’avec son état d’esprit, il aurait trouvé un plan B. Il est persévérant et ambitieux. Les capacités qu’il démontre aujourd’hui, son explosivité, son sens du but et ses lignes de course, il les avait déjà. Il a beaucoup progressé au niveau de la vision du jeu. Désormais, il lui arrive de délivrer un assist. Avant pas. Il n’en avait pas non plus besoin, car il marquait beaucoup. »

En U12, l’entraîneur, TomCusters, veut le reconvertir à l’arrière droit. Michel Vanzeir comprend: « Je voyais bien Dante devenir un joueur du genre Castro-Montes ou Meunier. Lors d’un de ses premiers matches en équipe nationale U15, contre l’Irlande, on l’a aligné à l’arrière droit. Il s’est bien débrouillé, mais il a commis des erreurs défensives qui n’auraient pas porté à conséquence contre un adversaire moins fort. »

L'entente est parfaite entre l'attaquant de l'Union et son coach Felice Mazzù.
L’entente est parfaite entre l’attaquant de l’Union et son coach Felice Mazzù.© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

« Son maillot numéro 7 l’attendait après sa blessure »

C’est quand Dante est appelé pour la première fois en équipe nationale, en U15, que Michel Vanzeir se dit qu’il pourrait peut-être jouer un jour au plus haut niveau. En U16, BobBrowaeys adore travailler avec lui. « Il donnait toujours tout, ce n’était pas un ingrat. Je me souviens que nous avons battu deux fois l’Italie et qu’il a inscrit trois buts. Ensuite, il s’est déchiré les ligaments croisés pour la première fois. Il a repris l’entraînement en mars, mais il n’était pas prêt pour l’EURO en Bulgarie. Par contre, il a participé à la Coupe du monde au Chili, en octobre. Et il nous a pour ainsi dire offert la médaille de bronze à lui tout seul. »

« Avec moi, il jouait sur le flanc droit. Pour moi, ce n’était pas un 9, un centre-avant typique. Lorsqu’il s’est déchiré les ligaments croisés, j’étais sur le point de l’essayer à l’arrière droit. Avec sa vitesse, il aurait pu faire des ravages. Quand il démarre au bon moment, on ne le revoit plus. Il a aussi une très bonne frappe. Et dans le vestiaire, c’était un super gars, qui entraînait les autres dans son sillage. Toujours avec le sourire. Un exemple pour les autres et pour nos clubs qui doivent croire en leurs jeunes, leur donner une chance et ne pas les écarter trop tôt. »

Le courant passe aussi très bien avec GertVerheyen, l’entraîneur national des U17. « C’était un garçon très facile, qui savait faire son auto-critique. Aujourd’hui, il confirme ce que j’avais vu en lui à l’époque: il en veut et est prêt à faire des sacrifices pour réussir. À l’époque, tous les joueurs que j’avais à ma disposition avaient le même talent. Il n’y avait pas un DivockOrigi parmi eux, un gars dont on pouvait dire immédiatement qu’il allait réussir, ils se valaient tous. Aujourd’hui, il ne reste pas grand-monde de la génération 98 qui a participé à la Coupe du monde. Cela signifie que Dante a fait le bon choix, notamment en faisant un pas en arrière au moment opportun. Cela lui a permis de devenir un meilleur finisseur alors qu’avant, il doutait parfois de lui-même. »

Le Beerring, l'école de Dante Vanzeir jusqu'à ses onze ans. Un établissement que le jeune garçon pouvait rejoindre à pied depuis chez lui.
Le Beerring, l’école de Dante Vanzeir jusqu’à ses onze ans. Un établissement que le jeune garçon pouvait rejoindre à pied depuis chez lui.© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Verheyen est le long de la ligne lorsque Vanzeir se « fait » les ligaments croisés pour la deuxième fois. « Il était dévasté. Ce soir-là, nous nous sommes qualifiés, mais personne n’avait le coeur à faire la fête. J’ai gardé le contact avec lui et j’ai demandé aux autres d’en faire autant. Et lorsqu’il est revenu, son maillot numéro 7 l’attendait. »

Il n’a pourtant pas le sentiment d’avoir joué un rôle significatif dans la carrière de Vanzeir. « Nous encadrons ces joueurs quatre fois dix jours par an. Lui, avec ses blessures, je ne l’ai eu que deux fois… »

L’agent de joueurs NicoVaesen remarque Vanzeir lors des matches contre Westerlo, où son fils joue. « Il n’avait pas le style de Genk, mais il était rapide et pouvait faire la différence sur une action. Ce n’est pas le genre de joueur dont on se dit tout de suite qu’il va réussir, comme DennisPraet ou YouriTielemans. »

Après le Mondial au Chili, PatrickJanssen propose un contrat aux quatre joueurs de Genk sélectionnés. Ceux qui signent peuvent partir en stage hivernal avec l’équipe première. Vanzeir refuse. Son entourage discute avec d’autres clubs (Wolfsburg, Inter) et il ne signera qu’en juin. « Pour partir à l’étranger, il faut être emballé par le projet et ce n’était pas le cas. Tout le monde veut un jeune buteur, mais quand nous demandions quels objectifs ils avaient pour Dante, la réponse restait vague. Nous en avons conclu que c’était à Genk qu’il était le mieux. À quoi cela aurait-il servi de gagner quelques millions à cet âge-là et de ne pas jouer? »

Débarqué à l'Union à la demande de Felice Mazzù, Dante Vanzeir a rapidement été adopté par ses nouveaux supporters.
Débarqué à l’Union à la demande de Felice Mazzù, Dante Vanzeir a rapidement été adopté par ses nouveaux supporters.© BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Felice Mazzù le voulait à tout prix

Il effectue ses débuts en équipe première en septembre 2016, contre Anderlecht. Au total, il ne joue que sept matches, avec deux buts en un peu moins de 200 minutes. Au terme de la saison 2017-18, durant laquelle il joue cinq fois durant l’hiver sous la direction de PhilippeClement, il est prêté pour gratter du temps de jeu. « À l’époque, il n’était pas prêt pour jouer à Genk », dit Michel Vanzeir. « Au Beerschot, il a pu jouer, surtout sur le flanc droit, et il est devenu plus fort, même si je le trouvais encore trop inconstant. »

De retour au bercail, il marque en Supercoupe. Le nouvel entraîneur, FeliceMazzù, veut le garder, mais Genk vient d’acheter StephenOdey. « Nous trouvions cela dommage », dit Nico Vaesen. « Pourquoi débourser des millions pour un troisième attaquant quand on affirme qu’on veut donner une chance aux jeunes? Dante se serait satisfait de cette place. »

Le Beerschot est à nouveau intéressé mais Malines, qui vient de remonter en D1A, se montre plus rapide. Toutefois, la sauce ne prend pas: Dante doit se contenter de trois titularisations et huit montées au jeu. « Malines n’a pas levé l’option et Genk a laissé tomber la clause de rachat prioritaire. ChrisO’Loughlin, de l’Union, a fait part de son intérêt et lorsque Mazzù a été nommé coach, il a voulu Dante à tout prix. Pour nous, ce qui comptait, c’était l’aspect sportif. Dante voulait un club qui joue avec deux attaquants. Et quand l’Union veut un joueur, elle fait ce qu’il faut pour l’obtenir. L’objectif est de marquer autant en D1A qu’en D1B. Alors, il est peut-être possible de viser plus haut. »

Ce qui surprend Vaesen depuis qu’il connaît Vanzeir, c’est « sa persévérance, sa certitude que tout va s’arranger. Les coups durs l’ont rendu plus fort. Il connaît ses défauts et ses qualités. Il vit au jour le jour, il trace sa route sans regarder derrière lui. À Malines, quand il ne jouait pas, il ne s’est jamais plaint: il a travaillé plus dur et s’est astreint à des entraînements supplémentaires. »

« Toujours la tête haute »

« Je ne peux pas vous dire si Dante Vanzeir aurait pu briller à Genk », dit Roland Breugelmans, directeur général des jeunes du club. « Le jour où nos Espoirs pourront évoluer en D1B, le club pourra peut-être leur offrir la post-formation dont ils ont besoin. Peu de joueurs de 18 ans ont suffisamment de coffre pour disputer vingt matches de D1A. Cela arrive parfois, souvent en cas de nécessité, comme lorsque nous avons eu des problèmes financiers il y dix ans. Mais aujourd’hui, la barre est placée plus haut. Le parcours de Dante est à peu près le même que celui de LeandroTrossard, à la différence que celui-ci a fini par revenir au Racing. »

« Je reconnais l’attaquant qui a fait toutes ses classes chez nous. Un parcours sans fausse note. Ce sont des gens bien et je me souviens que quand sa soeur jouait ici, Dante disait qu’elle était meilleure que lui. Lorsqu’il a signé son premier contrat, son père a dit qu’il avait davantage le profil d’un club comme le Standard. Dante n’avait peut-être pas la finesse technique que nous essayons d’apporter à nos joueurs, il n’était pas fait pour les espaces courts, mais nous n’avons jamais hésité à le garder. Il est rapide, a le sens du but et n’est pas égoïste. C’est un garçon agréable qui marche toujours la tête haute. »

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