PARCOURS SCHIZO

L’entraîneur des Flandriens explique comment on peut souffrir en championnat mais faire la fête en Coupe d’Europe.

En un an, le microcosme footballistique a appris à connaître l’entraîneur de Zulte Waregem. Francky Dury est un homme chaleureux et il a façonné son équipe à son image. Pas question pour lui de se départir de son sens de l’accueil, même en cette période plus difficile pour sa formation.  » Venez après l’entraînement, comme cela vous pourrez prendre la collation avec le groupe « , insiste-t-il. Désormais, on parle de collation à 17 h 30 et non plus de souper à 19 h 30 vu que les entraînements ont été avancés de deux heures.

A Zulte Waregem, il y a désormais un manager général à plein temps ( Luc D’haenens) mais le véritable relations publiques, c’est Dury himself. C’est lui qui vous reçoit et fait en sorte que vous ne manquiez de rien. Tout cela entre deux conseils prodigués à ses joueurs. Pourtant, sa position a changé. Dury n’est plus l’illustre inconnu qui suscitait la curiosité. Fort d’un titre d’entraîneur de l’année et d’une Coupe de Belgique, il est attendu au tournant. Son club aussi. L’année de la confirmation est toujours difficile et le début de championnat des Flandriens n’a fait que confirmer l’adage. Malgré une bien pâle 14e place avant le week-end dernier, le calme continue à régner dans les Ardennes flamandes. Si Zulte Waregem peine en championnat, il en est tout autrement sur la scène européenne où les modestes belges ont écarté le Lokomotiv Moscou avant de donner une leçon à l’Austria Vienne (1-4) et au Sparta Prague (3-1).

La surprise européenne

Que retenez-vous de vos succès en UEFA ?

Personne ne nous attendait à pareille fête. On a failli se retrouver le seul représentant belge dans les poules de l’UEFA. Rendez-vous compte ! On a franchi trois paliers d’un coup. Il y a un peu plus d’un an, on se déplaçait à Virton et Eupen. Maintenant, c’est Moscou et Barcelone. Tout cela avec un budget ridicule : 5,5 millions. Le Lokomotiv Moscou, c’est 40 millions d’euros et l’Austria Vienne 16. On peut donc parler d’exploit. On a grandi un peu vite mais cela ne doit pas être un mal. Il faut simplement en tirer les leçons très rapidement.

Votre parcours est déjà réussi…

Oui mais je ne me satisfais pas de cela. Après notre qualification contre Moscou, je n’ai pas participé à la petite fête car le lendemain, j’étais au travail à 7 heures 30. Je ne suis pas allé à Moscou pour le tourisme, ni à Vienne pour regarder les opérettes. Je voulais gagner là-bas. Nous avons fixé trois objectifs pour la fin 2006 : 1. nous qualifier en Coupe de Belgique. C’est fait. 2. Terminer l’année à la 10e place. 3. Réaliser une surprise en UEFA. Vous allez me dire que nous avons déjà étonné mais j’espère me glisser dans les trois premières places et me qualifier. On verra alors début 2007 ce que nous pouvons attendre pour la suite. Cela dépendra de notre présence en Coupe de Belgique et Coupe UEFA.

Mauvais départ en championnat

Comment expliquer la différence entre championnat et Coupe UEFA ?

C’est une question de motivation. L’attrait de l’Europe est indéniable. En championnat, les joueurs se disent qu’ils ont encore 25 matches pour se rattraper. Depuis notre victoire en Coupe de Belgique, beaucoup de gens parlent de l’UEFA. Pour les anciens de Waregem, c’est un retour au passé ; pour les supporters de Zulte, c’est tout nouveau. On savait en début de saison qu’il faudrait chercher une balance entre championnat et Coupe d’Europe, ce qu’on n’est pas parvenu à faire suite à notre mauvaise entame de championnat. On rencontrait Genk lors de la première journée : les Limbourgeois sortaient d’une très mauvaise préparation, nous d’une excellente et de ce fait, nous étions presque devenus les favoris. C’était aller un peu vite en besogne et oublier nos fondamentaux. Pour être au sommet, il faut disputer tous nos matches à 100 %. On a fait preuve de malchance aussi : contre le Cercle, on perd à la 93e minute et au Brussels, on s’incline sur leur seul corner du match. A partir de ce mauvais départ, on savait qu’il allait falloir récupérer les points à l’extérieur.

On a vu que votre noyau n’était pas assez large suite à la cascade de blessures…

Là on arrive au deuxième contrecoup de notre début de saison : les blessés. On a commencé sans Matthieu Verschuere. Après, ce fut autour de Stijn Meert et de Nathan D’Haemers. On s’est même demandé si Cédric Roussel allait pouvoir rejouer. On était prêt pour le début du championnat mais on n’a pas bien géré tous ces contretemps. Actuellement, on n’est pas assez fort pour la sixième place mais on vaut quand même mieux que la 14e. Contre le Cercle et contre le Brussels, nous n’étions pas meilleurs que nos adversaires mais nous n’étions pas, non plus, plus faibles et pourtant, nous nous sommes inclinés.

La Coupe de l’UEFA vous a quand même permis de reprendre confiance…

C’est vrai. Nous avons connu notre plus belle surprise contre Moscou. Après cette qualification, je pensais que l’on était parti. Or, trois jours plus tard, on perdait à Beveren.

Si. J’ai envoyé un signal au président. C’est impossible de cumuler la Coupe d’Europe, la Coupe de Belgique et le championnat sur une longue période. On a modifié le rythme des entraînements mais j’ai encore de nombreux joueurs qui travaillent le matin. Ce n’est pas uniquement par manque de concentration que l’on perd à Beveren trois jours après Moscou. Avec ce programme chargé, il faut prendre davantage de repos, ce qui n’est pas toujours possible. Même Jacky Mathijssen dit que son noyau n’est pas assez fort pour disputer la Coupe de Belgique et le championnat. Et nous, nous devrions y arriver avec la Coupe d’Europe en plus ?

Un groupe et un système qui évoluent

L’année passée, vous conserviez toujours votre confiance au même onze de base. Dans quelle mesure les départs de Salou Ibrahim et de Frédéric Dupré ont modifié l’équilibre de l’équipe ?

Salou Ibrahim venait de D2 et n’était pas assez bon pour certains. Quant à Frédéric Dupré, on m’avait affirmé qu’il n’avait pas le niveau de la D1. Maintenant, c’est le meilleur back droit de Belgique. Pourtant, on a réussi à remplacer ces deux joueurs. La seule différence, c’est que l’année passée, on avait une 2 CV qui démarrait du premier coup. Maintenant, ce n’est plus le cas mais quand notre 2 CV roule, elle bat la Ferrari de Moscou.

Votre système a quand même évolué…

Quand tu n’as pas de résultats ou que tu as des blessés, tu changes. Cette saison, je dois être plus créatif. On est passé du 4-5-1 au 4-4-2 car mes attaquants ne possèdent pas les mêmes qualités que Salou qui tenait le ballon et permettait aux autres de s’infiltrer. Cédric Roussel devait retrouver ses sensations car il venait d’une saison blanche au Standard. Il n’a pas eu de chance puisqu’il fut blessé deux fois. Pour une équipe comme Zulte Waregem, c’est dur ! Mais, il travaille énormément et revient dans le parcours. C’est un super pro pour lequel j’ai un profond respect.

Le banc est-il assez fourni ?

Oui. Des garçons comme Tim Matthijs ou Aliyu Datti ont saisi leur chance. Sans compter les jeunes comme Jonas Vandemarliere ou Lander Van Steenbrugghe qui sont en pleine progression. Eux, il faut les garder de nombreuses années ici.

Etes-vous satisfait des transferts ?

Pour un club comme le nôtre, il ne faut pas acheter un joueur déjà au sommet. Quand tu achètes un appartement, sur les plans, ce n’est pas cher mais quand il est construit, cela prend plus de valeur. Il faut que les joueurs grandissent à Zulte Waregem et ensuite les vendre quand ils ont franchi une étape. Il faut que l’on sache que l’on vient ici pour se former et suivre, dans ce domaine, l’exemple de Charleroi.

En exploitant le marché français ?

Oui mais ce n’est pas facile car sur ce marché-là, on a beaucoup de concurrence avec Metz, Valenciennes, Nancy, Mons et Charleroi. Mais, il ne faut pas perdre de vue cette option car des joueurs comme Frédéric Dindeleux ou Matthieu Verschuere affichent une excellente mentalité.

Vous avez toujours dit que Zulte Waregem devait continuer à attirer des joueurs régionaux ou du nord de la France mais vous avez fait une entorse à la règle en transférant le Nigérian Datti, le Serbe Dragan Mrdja et le Péruvien Juan Diego Vigil…

On s’est précipité suite à la blessure de Roussel. On arrivait fin août et on ne connaissait pas la durée de son indisponibilité. Si j’avais reçu un signal qui permettait de croire à son retour, je n’aurais pas transféré Vigil. On peut le qualifier de transfert panique. Il faut donc revenir à notre vision de base…

Pas d’enterrement

Outre les changements d’horaire, de maillots et le départ de certains joueurs, qu’est-ce qui a changé à Zulte Waregem ?

L’adversaire. Il est plus motivé contre nous. Contre Beveren, Walter Meeuws a déclaré qu’il était heureux d’avoir battu le vainqueur de la Coupe de Belgique. Cela, il l’a dit aussi à ses joueurs avant la rencontre.

Suite au mauvais départ de votre équipe, avez-vous craint pour votre poste ?

Non. Les prix sont donnés à la fin de l’année.

Et les entraîneurs tombent en cours de saison !

OK. Il faut accepter que l’on porte sa part de responsabilité quand on réalise un 0 sur 18 mais ce n’était pas notre cas. On est encore dans les deux coupes.

Avez-vous pensé changer d’air durant l’été ?

Non. Ici, je connais tout le monde et je ne cherche pas d’autre club. Il y a entre mon président et moi une relation d’amitié, de confiance, de respect et d’appréciation. Il tient un grand rôle dans ma vie d’entraîneur et il m’a donné des possibilités pour travailler et a tout mis en oeuvre pour que cela se fasse dans un bon climat. Cependant, je sais que le président Willy Naessens ne peut pas protéger, seul, son entraîneur quand cela tourne mal.

Votre statut n’est plus le même. Vous êtes très présent dans les médias…

Je n’ai plus beaucoup de temps à moi. J’ai de plus en plus de sollicitations mais je m’amuse toujours autant. Je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. Je viens de 3e Provinciale et ce n’est pas moi qui ai inventé le foot. On dit de moi que je suis très amical avec les gens. Cela me fait plaisir car ce n’est pas un rôle que je joue. Cependant, c’est vrai que cela peut me servir. Quand cela n’ira plus, les médias ne m’enterreront pas…

STÉPHANE VANDE VELDE

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