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PARCOURS D’OBSTACLES

Le nouvel atout offensif du Mouscron de Glen De Boeck n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. Sur une voie de garage à Gand l’an dernier, l’attaquant sénégalais sait plus qu’un autre ce que les mots sacrifices et endurance veulent dire. Démonstration.

Un an, c’est le temps qu’aura duré l’abstinence devant le but de Simon Diédhiou (25 ans). 361 jours exactement. Douze mois, pour l’avant-centre sénégalais, de se remettre du décalage existant entre un modeste club norvégien et Gand, champion de Belgique 2015. Débarqué en janvier dernier dans l’anonymat le plus complet, Aristide Simon Pierre Diédhiou n’a jamais trouvé le bon équilibre chez les Buffalos, se contentant de 102 maigres minutes de jeu en cinq mois.

 » Tout allait bien pour eux. Il y avait la CL, l’équipe tournait à merveille, c’était un peu l’euphorie. Donc toi, tu arrives là-dedans, mais tu n’existes pas vraiment. Pourtant, je mentirais si je disais que des gars comme Laurent Depoitre ou KalifaCoulibaly n’ont pas été chics avec moi, mais quand tu ne joues pas, c’est impossible de te sentir bien dans un groupe.  »

C’est toute la différence avec son nouveau statut acquis sous les ordres de Glen De Boeck à Mouscron. Titulaire presque inamovible (7 titularisations sur 9 possible), ses statistiques (d’abord en berne) – 579 minutes sans marquer en plus de l’ensemble des matchs de préparations – et l’arrivée d’un concurrent de poids comme Roman Ferber n’ont finalement eu qu’un impact limité sur son temps de jeu.

Deux petites rencontres sur le banc avant de rugir contre Eupen par la grâce d’un triplé. Mieux qu’un come-back, un feu d’artifice flatteur pour un ego en mal de reconnaissance qui allait en plus avoir la bonne idée de conforter David Hubert dans ses pronostics.

En début de saison, le capitaine du REM avait annoncé que le premier transfuge estival du mercato mouscronnois finirait meilleur buteur du club en fin d’année. Une preuve de confiance rare dans un milieu qu’on dit pourri et qui n’a d’ailleurs jamais fait de cadeau à Simon Diédhiou.

Né à Dakar en juillet 1991, ce fils de chef cuistot le sait mieux que personne.

JUGÉ TROP PETIT

C’est que le troisième joueur de l’histoire récente du club mouscronnois à avoir réussi un triplé – après Abdoulay Diaby et Zinho Gano – n’a jamais fait partie de ces privilégiés du ballon rond nés avec des prédispositions physiques avantageuses.  » Mon histoire à moi est un peu plus compliquée que ça « , se marre le n°20 de l’Excel.  » J’ai grandi à Dakar jusqu’à mes 14 ans, mais j’ai dû m’expatrier à Saly, à 70 km de la capitale, pour intégrer un centre de formation digne de ce nom.  »

Petite ville de 4000 habitants, Saly abrite l’un des plus grands centres de formation du pays dont est notamment sorti l’Anderlechtois Kara Mbodj.  » J’ai longtemps été le plus petit des équipes d’âges. On ne me remarquait donc pas au premier coup d’oeil. L’histoire compliquée de mon arrivée à Saly en est la preuve ultime.  »

Le déclic se produit lors d’un tournoi de recrutement organisé par le FC Diambars qui réunit près de 3000 jeunes. Après plusieurs jours de tests, les recruteurs décident d’emmener avec eux 18 jeunes, mais pas Diédhiou.  » Je suis arrivé jusqu’à l’ultime épreuve de sélection, mais ils ne m’ont finalement pas repris parce que je ne soutenais pas la comparaison physique avec les autres.  »

Deux mois plus tard, la donne a toutefois quelque peu changé.  » Un des 18 venait d’être renvoyé. Pour un problème de comportement, je crois.  » Décidé à ne plus laisser passer sa chance, Simon se rend à Saly pour une semaine de stage supplémentaire en compagnie des neuf autres recalés de dernière minute. Le stage se passe bien, mais de retour à Dakar, Simon est à nouveau snobé par les recruteurs.

 » Même pas un coup de fil pour me signifier leur choix. Les semaines passent et mon club de quartier est finalement invité pour un match amical à Saly. Au moment d’arriver, je vois qu’un des 9 gamins figure dans l’équipe d’en face. J’avais la rage en moi. On s’est pris une raclée, mais j’ai fait un super match. Le lendemain, ils ont appelé chez moi et c’était bon ! J’avais mon ticket pour Diambars.  »

TONNERRE DE BREST

Cinq ans plus tard, le garçon un peu malingre est devenu un homme. En trois ans, Diambars passe de l’antichambre du football sénégalais au titre suprême en D1 et Simon Diédhiou devient le genre de petite célébrité locale sur lesquels on se retourne en rue.  » Mais pour être vraiment reconnu dans tout le Sénégal, il faut réussir en Europe, je n’ai donc pas laissé passer ma chance quand Brest s’est présenté.  »

Alors en Ligue 2, le club breton propose un test de quinze jours au jeune buteur de 22 ans. Concluant, celui-ci débouche logiquement sur un contrat. Avant de le parapher, Simon doit juste repartir pour Dakar chercher ses affaires. Sauf que le billet retour direction Paris n’arrivera finalement jamais.  » Au dernier moment, la direction a opté pour un profil plus expérimenté que le mien : l’international malien Mamadou Samassa. C’était un coup dur.  »

Un de plus, au vu de ce parcours mouvementé dont la réussite finale doit tout à une volonté hors norme. Quelques semaines plus tard, après le coup de massue breton, le club norvégien d’Haugesund vient à son tour aux nouvelles. Conforté par la réussite de Kara à Tromsö, le joueur fonce.  » Je savais que ce serait dur, mais je m’étais fixé un objectif d’un an pour faire mes preuves et réussir.  »

Sa période d’adaptation ne durera finalement que quelques semaines.  » J’étais dans une bonne période et un recruteur de Gand venait souvent nous voir jouer pour observer l’évolution d’un de leurs joueurs, prêté au club (William Troost-Ekong, ndlr). C’est à force de venir le voir qu’ils ont eu envie de me transférer. Par la suite, mon agent a traité avec Michel Louwagie et je suis arrivé à Gand parce que mon profil plaisait bien au coach.  »

On sait finalement ce qu’il adviendra du passage express de Simon Diédhiou en Flandre. Son déménagement à Mouscron pour une saison doit lui permettre de franchir un cap. Encore un, devrait-on dire au vu du parcours pour le moins mouvementé du joueur.  » Oui, mais je ne m’en fais pas. J’ai l’habitude de devoir prouver mes qualités et mon parcours démontre que je suis capable de reculer pour mieux sauter.

Pour vous dire, des 18 sélectionnés par Diambars à mes 14 ans, je suis aujourd’hui le seul à évoluer dans un championnat majeur en Europe.  » Une preuve de plus que le travail finit toujours par payer et qu’à 25 ans son ascension n’est peut-être pas encore terminée…

PAR MARTIN GRIMBERGHS – PHOTO PHOTONEWS

 » J’ai l’habitude de devoir prouver mes qualités et mon parcours démontre que je suis capable de reculer pour mieux sauter. » SIMON DIÉDHIOU

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