Panne d’allumage

Pierre Bilic

Malgré tout, le passeur des Dragons ne craint pas l’après-Roussel.

Les Montois n’ont pas existé au Standard. Ils ont craqué sur tous les plans après le but d’ouverture signé par Alexandros Kaklamanos. Même si ce dernier récupéra de façon chanceuse un tir dans l’axe de Jonathan Walasiak, ce fait de match ne suffit pas à expliquer l’effondrement mental de l’équipe de Marc Grosjean.

Ligne arrière fébrile, milieu de terrain dépassé par les événements, attaque aux abonnés absents : c’est inquiétant pour un groupe qui débuta bien en D1 la saison passée mais qui se trouve déjà dans l’obligation de confirmer et de vivre sans Cédric Roussel. Jean-Pierre La Placa fut un des seuls à tenir la route dans l’enfer des Rouches. En première mi-temps, il adressa dès la première minute de jeu un bon centre en direction de l’immense Louis Gomis. Puis, avant la pause, il caviarda une bonne passe en profondeur de Claude-Arnaud Rivenet en se présentant seul devant Fabian Carini. Plus tard, suite à l’exclusion de Kris Vandeputte, le petit Suisse dut céder sa place à Ivan Willockx. Une soirée à oublier au plus vite avant de recevoir Lokeren et le Lierse au Tondreau. En cas de nouvelles pannes, Mons découvrira les méfaits de la haute tension.

 » Ne pas permettre au doute de s’installer  »

Que retenez-vous de ce voyage à Sclessin ?

Jean-Pierre La Placa : L’entraîneur nous avait pourtant prévenus : il état impératif de tenir et de bien négocier le début de la rencontre. Ce fut tout le contraire avec des buts évitables. A 2-0, acquis rapidement, les Liégeois étaient dans un fauteuil. Mons n’a pas su poser son jeu. Je suis cependant persuadé que la suite du match aurait pu être différente si j’avais marquéce petit but avant le repos. Je m’en veux, évidemment, car c’était un bon ballon de Claude-Arnaud Rivenet. A 1-2, le Standard aurait peut-être abordé la deuxième mi-temps de façon plus prudente. Mons y aurait certainement puisé de la confiance et des raisons d’espérer. Le vin est tiré, il faut le boire et ne surtout pas permettre au doute de s’installer parmi nous. Je ne connais qu’une seule méthode, le travail, et il faudra passer par là avant de battre, impérativement, Lokeren et le Lierse.

Avec quatre buts et, surtout, 11 assists, vous avez été un des Dragons les plus en vue la saison passée : le départ de Cédric Roussel n’a-t-il pas transformé la division offensive en en orphelinat ?

Non, je ne le pense franchement pas. Tout va vite en football. Je vous rappelle que Cédric Roussel avait été discuté en début de saison. Il devait gommer quelques kilos et se réadapter au football belge. Marc Grosjean lui a maintenu sa confiance et il a trouvé son rythme de croisière. Au fil du temps, nous avons de mieux en mieux exploité sa présence dans le rectangle, sa taille, son poids, sa puissance, son jeu tête, son placement en zone de vérité. J’ai fini par le trouver les yeux fermés mais c’est toute l’équipe qui jouait pour lui. Et si nous lui devions beaucoup, il en allait de même pour lui à l’égard du groupe. Cédric ne l’a d’ailleurs jamais caché. A la fin de la saison passée, nous avions tous bien intégré le fait qu’il ne serait plus là pour l’actuel championnat sauf miracle. Cédric a acquis un statut en D1 et j’en ai bénéficié aussi. Même si on parle moins des passeurs que des buteurs, surtout en période des transferts. C’est ainsi, je n’y changerai rien et cela ne me frustrera jamais. Un buteur ne peut rien sans passeur. A un autre niveau, au PSG, Pauleta, transféré à prix d’or, est dans la difficulté car on ne lui fournit pas assez de ballons afin de prononcer le dernier geste. Moi, c’est que j’aime faire : offrir un ballon de rupture. Quand la dernière passe est décisive, cela procure aussi un immense bonheur, un plaisir totalement différent de celui du buteur. Cette joie-là est moins individuelle, plus collective car on a pensé à quelqu’un d’autre. Pour ce faire, il faut le connaître, cerner ses qualités, le servir au mieux.

Entre vous et lui, c’était l’histoire du gros balaise et du petit rapide…

Tout à fait. Un buteur doit être un tueur et même, en quelque sorte, le seul égoïste d’une équipe. Maintenant, nous devons nous redéfinir sans lui. Même si cela semble difficile, pour le moment, c’est intéressant et cette mue pourrait être finalement une bonne chose pour Mons. On ne sait pas ce que Mons serait devenu s’il était resté un an de plus. Je crois que Cédric aurait encore progressé. Mais ce n’était pas du tout une certitude. Les automatismes se seraient améliorés mais un risque d’immobilisme existait aussi pour l’équipe. Il est toujours dangereux de dépendre entièrement de la production d’un seul homme. C’était le cas avec Cédric Roussel qui marqua 22 de nos buts. Il fallait aller loin pour trouver trace du deuxième marqueur : moi, avec à peine quatre buts. Cette différence aurait pu être paralysante en cas de blessure. Mons est désormais connu. Il aurait suffi de neutraliser Cédric pour enrayer la mécanique. J’aurais préféré qu’il reste mais la diversification actuelle m’intéresse aussi. Avec Louis Gomis, Zoran Ban et Emmanuel Kenmogne, l’arsenal offensif a été élargi.

 » Gomis est aussi fort que Roussel de la tête  »

Quels sontles différences, par exemple, entre Louis Gomis et Cédric Roussel ?

Cédric se cantonnait essentiellement dans le rectangle. C’est un attaquant axial qui n’aime pas se perdre dans des ouvertures sur les côtés. Il ne fait pas des appels sur les ailes mais uniquement dans le chemin le plus courtmenant au gardien : efficacité, simplicité, puissance. Louis Gomis est aussi fort que Cédric Roussel de la têtemais, dans le trafic aérien, il cherche encore la surprise. Normal, s’il est grand, c’est quand même un athlète longiligne. Cédric frappait en force, du pied ou de la tête, comme un vrai forgeron. Sans se poser de questions. Louis ne reste pas dans le rectangle, il bouge et…

… un gars qui voyage sans cesse sur l’échiquier est forcément plus difficile à dénicher pour un passeur qu’un sniper qui attend sa proie au même endroit ?

C’est totalement différent, oui. Louis ouvre des perspectives différentes. On ne doit pas le comparer tout de suite à Cédric. Or, je sais qu’il y a eu un jeu de comparaisons. C’est inutile, injuste et dangereux. Et le compare-t-on au Roussel du début de saison ou à celui de la fin de championnat ? Attendons. Mons vient également d’engager Emmanuel Kenmogne et Zoran Ban. L’ancien attaquant louviérois va vite et plonge souvent au c£ur de la défense adverse. Zoran Ban, c’est du métier, un bon petit capital buts chaque saison et une grosse envie de remettre les choses au point.

A trois pour remplacer pour Cédric Roussel ?

Le débat ne se pose pas en ces termes. Cédric Roussel est parti, la page est tournée. Mons est monté en D1 sans lui, y rester avec lui, mais pas uniquement grâce à lui, et on se tourne vers autre chose. Il faut avancer, pas songer au passé. Le noyau n’a pas été élargi que dans son compartiment offensif. Marco Casto et Cheikh Gadiaga ont aussi rempli des cases à gauche. Non, les coups seront plus variés.

La saison passée, on vous a vu à gauche puis à droite : quelle est votre place préférée ?

En Suisse, j’avais joué avec Thierry Pister. Quand il était coach à Mons, je lui ai passé un coup de fil. Il cherchait un attaquant. Je n’ai jamais regretté mon choix. Mais, avec le temps, il m’a fait reculer dans le jeu et Marc Grosjean a confirmé cette vision des choses. La saison passée, j’ai dû patienter. Je ne me suis imposé qu’après huit matches. Je suis monté au jeu, chez nous, face à Charleroi et j’ai tout de suite marqué un but et réalisé un assist. C’était parti mais cela prouve bien que ce ne fut pas toujours évident. J’étais décalé à gauche ou à droite comme maintenant.

 » Je dois être plus méchant  »

Marc Grosjean peut également vous installer en soutien axial des finisseurs ou comme deuxième attaquant…

Oui, tout à fait, on verra bien, du moment que je joue. J’ai aussi des  » manques  » que je voudrais bien combler, comme à la finition. J’aimerais m’inscrire dans la confirmation et surtout la régularité. En D1, il faut toujours être là. Je dois plus souvent être présent et tâcher d’être plus méchant. Il faut avoir les crocs et je dois plus forcer les choses et ne pas hésiter à m’arracher dans la zone de vérité. Sur un plan plus chiffré, j’aimerais avoir encore plus de passes décisives : 15 ou 16 par exemple. C’est un de mes objectifs mais je n’oublie pas mes quatre buts de la saison passée : c’était trop peu…

Etre plus méchant, dites-vous : est-ce possible quand on ne mesure que 1,73m ?

Il faut se faire respecter et ce n’est pas un problème de taille. Quand on me voit à côté de Louis Gomis (1,93 m) ou surtout de Daré Nibombé (1,96m), c’est quand même assez rigolo. Partout, il y a de petits joueurs parla taille. Ils font la différence par leur vivacité, la circulation de la balle au sol. J’étais un admirateur de Zamorano. Il avait plus ou moins ma taille et a marqué ces centaines de but de la tête. Le Chilien avait une détente verticale peu commune et, surtout, un timing d’extra-terrestre. Il grillait des géants de la tête. Pour ne pas parler que de moi, j’estime finalement û même s’il y a des doutes û que ce groupe est beaucoup plus équilibréque la saison passée.

Vous avez encore deux ans de contrat. En 2005, vous aurez 32 ans et six ans de présence en Belgique…

J’ai surtout déjà deux ans en D2 etl’entame d’un deuxième championnat en D1. Je me sens bien dans le cadre du football belge et à Mons dont l’aventure est intéressante. On y construit une équipe, un club, un stade. Je sais évidemment que tout est fragile dans le monde du football. On n’y fait ce cadeaux à personne. Mons est là par la force de son travail et de son ambition. Il faut s’en souvenir en préparant nos prochains matches après cette défaite douloureuse au Standard. Je suis persuadé que l’Albert retrouvera très vite le fil de ses idées.

 » Même s’il y a des doutes, notre groupe est beaucoup plus équilibré que la saison passée « 

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