Panenka vs Seedorf

Premiers matches à élimination directe dès ce jeudi. Le risque de séances intenses de penalties est énorme !

A partir de jeudi, on ne calcule plus : au bout de chaque quart de finale, il faudra un vainqueur. Après une heure et demie, 120 minutes ou une insupportable séance des tirs au but dont la grande légende de l’EURO se nourrit aussi. Depuis 1976, 11 duels du Championnat d’Europe se sont décidés depuis le point de chaux tracé à 11 mètres du but (voir encadré). Le premier loser de l’histoire fut l’Allemand Uli Hoeness (Tchécoslovaquie – RFA dans la finale de 1976) ; le dernier, le Suédois Olof Mellberg (Pays-Bas – Suède en quarts de finale en 2004).

Entre ces deux hommes, des stars mondiales se sont plantées au moment de la conversion et sont ainsi entrées tristement dans le grand livre noir de l’EURO : Preben Elkjaer-Larsen (Espagne – Danemark en 1984), Marco van Basten (Danemark – Pays-Bas en 1992), Fernando Hierro (Angleterre – Espagne en 1996), Clarence Seedorf (France – Pays-Bas en 1996), Jaap Stam et Frank de Boer (Italie – Pays-Bas en 2000), David Beckham (Portugal – Angleterre en 2004), Zlatan Ibrahimovic (Pays-Bas – Suède en 2004).

Chez nos voisins hollandais du nord, l’épreuve des tirs au but est associée à un vrai supplice. Depuis que l’on a introduit cet exercice dans les tournois majeurs après les prolongations, les Pays-Bas ont le plus mauvais pourcentage de réussite : 1 seule victoire (EURO 2004 contre la Suède) et 4 défaites (à l’EURO contre le Danemark en 1992, la France en 1996 et l’Italie en 2000, à la Coupe du Monde contre le Brésil en 1998). Là-haut, la médiocrité Oranje aux 11 mètres fait jaser. On en a même fait un bouquin : De Strafschop (Le Penalty). Son auteur, Gyuri Vergouw, le gourou du penalty :  » Si c’est pour commencer à s’entraîner la veille du match, comme les Hollandais l’ont fait à l’EURO 2000, autant aller jouer aux cartes. Mon livre est sorti quelques jours avant le début du tournoi. J’en ai envoyé 25 exemplaires au camp de l’équipe et je me suis exprimé dans la presse : Patrick Kluivert et Frank de Boer ne devaient surtout pas tirer de penalties. J’ai aussi proposé au coach, Frank Rijkaard, de le rencontrer. Il n’a pas répondu. Dans la demi-finale contre l’Italie, les Pays-Bas ont eu deux penalties. Qui les a ratés ? Kluivert et de Boer ! Et lors des tirs au but, la Hollande n’en a mis qu’un sur quatre. Les losers : Jaap Stam, Paul Bosvelt et Frank de Boer… encore lui. Cinq penalties ratés sur six : incroyable. Pelé était dans la tribune, plié en deux de rire « .

Vergouw estime que pour réussir un penalty, il faut d’abord éliminer le facteur chance :  » Dire qu’il ne faut pas s’y entraîner, c’est n’importe quoi. Au contraire, tout est une question de répétition. Mais aussi de solidité mentale. A l’EURO 2000, Bosvelt se sous-estimait et c’est pour cela qu’il a raté son tir. En 2004, Beckham se surestimait… et c’est à cause de cela qu’il a échoué. L’élan joue aussi un rôle capital : il doit tourner autour des 6 mètres. Avant l’EURO 2000, j’avais conseillé à Rijkaard de ne pas envoyer Frank de Boer au feu justement parce qu’il prenait beaucoup trop d’élan. Pour le gardien, c’était facile de deviner où il allait placer le ballon : toujours du côté gauche « .

Pour l’auteur, l’exemple à suivre est celui de l’équipe néerlandaise de hockey sur gazon :  » Elle a fait appel à un préparateur mental et cela a tout changé. Au moment d’aborder les Jeux Olympiques 2000, elle sortait de trois défaites dans des séances de tirs au but. Son coach a contacté un spécialiste qui a repéré les joueurs les plus solides face au stress. Ils se sont entraînés pendant des heures et des heures, et les résultats ont suivi : l’équipe a dû passer par les tirs au but aussi bien en demi-finale qu’en finale, et elle est devenue championne olympique en ne ratant pas un seul envoi « .

Tout a commencé avec Panenka

Les débuts de l’histoire des tirs au but dans les grands tournois de foot remontent à 1976. Tchécoslovaquie – Allemagne de l’Ouest en finale de l’EURO… c’est Antonin Panenka. C’était à Belgrade, le 20 juin. Pour arriver au dernier stade, les Tchécoslovaques ont éliminé des superpuissances à la surprise générale : l’Angleterre, l’Union Soviétique et les Pays-Bas. On ne donne pas cher de leur peau en finale contre l’invincible Mannschaft. Après 120 minutes, c’est 2-2. Tirs au but. Après le raté d’Uli Hoeness, les Tchécoslovaques n’ont plus qu’à en inscrire un pour remporter le tournoi. Panenka, un médian rustre à la grosse moustache, s’élance nonchalamment vers Sepp Maier, gardien du Bayern et champion du monde en titre. Pendant son élan, Panenka prend le temps de voir vers quel côté Maier se dirige : à gauche. Et il envoie un ballon mou, une pichenette, une sorte de feuille morte qui va mourir en plein milieu du but. Maier est ridicule, Panenka entre dans la légende. Trente bonnes années plus tard, on parle toujours autant de ce geste que de la volée de Marco van Basten en finale de l’EURO 88 ou de la talonnade Rabah Madjer avec Porto en finale de la Coupe des Champions 87, contre le Bayern. Ce tir étonnant, Panenka ne l’a évidemment pas fait sur un coup de tête. Pendant deux ans, il s’y est entraîné tous les jours. Et il l’a fait 43 fois au cours de sa carrière, avec un seul échec… en match amical.

Depuis 1976, peu de grands joueurs ont osé une Panenka, de peur d’être ridicules en cas d’échec. Les meilleurs tireurs de l’ère moderne se sont tous abstenus : Michel Platini, Diego Maradona, Marco van Basten, Romario, Ronald Koeman, voire Luc Nilis au niveau belge. Tous, sauf un : Zinédine Zidane. Et en finale d’une Coupe du Monde (2006), s’il vous plaît. Avec succès. Parmi les joueurs présents à l’EURO, Andrea Pirlo (avec Milan) et Danijel Pranjic (avec Heerenveen) s’y sont risqués et ont réussi.

Deux finales de CM décidées aux tirs au but

En Coupe du Monde aussi, il y a une légende des tirs au but. Depuis 1982, 20 matches se sont décidés via cet exercice. Deux éditions ont été particulièrement fertiles : 1990 et 2006 (4 matches décidés de cette façon). Et deux finales se sont jouées depuis les 11 mètres : 1994 avec une triplette de losers italiens ( Franco Baresi, Daniele Massaro et Roberto Baggio) qui ont offert le titre au Brésil ; et 2006 avec le raté du Français David Trezeguet et la victoire italienne.

Faire comme Zidane, pas comme Seedorf

Le bonnet d’âne au niveau international est sans conteste pour le Néerlandais Clarence Seedorf, qui a multiplié les ratés dans de grands rendez-vous. Il a gagné la Ligue des Champions avec trois clubs différents (Ajax, Real, Milan), mais comme tireur de penalties, il n’était nulle part. La liste de ses tirs manqués est impressionnante : quart de finale de l’EURO 96 (contre la France), match qualificatif décisif pour la Coupe du Monde 98 (Turquie), finale de la Ligue des Champions 2002-2003 (avec Milan, contre la Juventus), Coupe Intercontinentale 2003 (avec Milan contre Boca Juniors) !

Si Seedorf est le contre-exemple, Zidane est l’exemple à suivre. Le pied du Français n’a jamais tremblé dans les grandes occasions. Il a marqué ses 5 penalties ou tirs au but en tournois : quart de finale de la Coupe du Monde 98 (contre l’Italie), demi-finale de l’EURO 2000 (Portugal), match de poule de l’EURO 2004 (Angleterre), demi-finale puis finale de la Coupe du Monde 2006 (Portugal et Italie).

Des Allemands invincibles

Parmi les équipes présentes à l’EURO, l’exemple à suivre est l’Allemagne. Le souvenir de Panenka en 1976 est encore bien présent, mais après ce couac, les Allemands ont remporté toutes leurs séances de tirs au but : CM 82 (demi-finale, France), CM 86 (quart, Mexique), CM 90 (demi, Angleterre), EURO 96 (demi, Angleterre), CM 2006 (quart, Argentine). Une moyenne à l’opposé de celle des Pays-Bas. Mais il y a moyen de faire pire encore que les Hollandais : les Anglais, non qualifiés, n’ont gagné qu’une séance sur 6 depuis l’introduction des tirs au but dans les grands tournois.

par pierre danvoye

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