Palanca Negra

Après quelques mois d’adaptation, l’ancien joueur d’Eupen a crevé l’écran face au Club de Bruges.

Rien que son nom le prédestinait à attirer la lumière. Clinton Mata, ça claque ! Pourtant, il ne sera ni chanteur de reggae, ni boxeur professionnel. Il sera footballeur.  » Petit, tout le monde pense un jour devenir footballeur professionnel mais ce n’est que quand je suis arrivé à Eupen que je me suis dit que je me prédestinais à ce métier « , explique celui qui a marqué les esprits face au Club de Bruges pour sa première titularisation en championnat.

De là à dire qu’il sera la prochaine sensation zébrée, il y a un pas. Mais il nous a donné envie de le rencontrer, de faire sa connaissance, lui qui n’a pas un parcours banal. Né de parents angolais, exilés en Belgique pour trouver du travail et qui officient aujourd’hui dans une fromagerie et dans une maison de repos, Clinton le bien nommé (il nous a assuré que cela n’avait rien à voir avec l’ancien président des Etats-Unis) a vu le jour sur le sol belge, dans la région de Verviers qu’il quitta pour Battice, avec toute sa famille, quelques années plus tard. Jusqu’à il y a deux mois, de l’Afrique, il n’avait aucune image, seuls les fantasmes nés des histoires répétées sans cesse par ses parents.  » Je n’avais vu Luanda qu’à la télévision « , confirme-t-il. Jusqu’au jour de ce coup de téléphone de l’entraîneur des Palancas Negras, Romeu Filemon, l’invitant à rejoindre la sélection angolaise en vue des qualifications pour la prochaine CAN.  » Je savais qu’un jour je devrais faire un choix entre la Belgique et l’Angola mais je ne pensais pas que cela viendrait si vite. En même temps, le choix ne fut pas trop difficile puisque je n’ai jamais été repris dans les équipes de jeunes belges. Et comme mon père a aussi évolué pour l’Angola lorsqu’il était gardien de but pour le Petro Luanda, ça coulait de source.  »

Deux mois après avoir goûté aux joies d’un club de D1, sans aucune titularisation dans sa besace, le voilà qui part donc en voyage initiatique pour le pays de ses ancêtres.  » La chaleur m’a directement frappé. Et la beauté de Luanda aussi. Je ne pensais pas que cette ville pouvait être aussi charmante. Après, il y a ce stade rempli, ces chants, cette ambiance.  » Tout cela pour son premier match international. Titulaire contre le Burkina Faso, il est confronté à l’ancien ailier de Rennes, Jonathan Pitroipa. Quelques jours plus tard, c’est du banc qu’il assiste au récital de Pierre-Emerick Aubameyang au Gabon. Deux défaites mais des souvenirs plein la tête.

Back droit ou flanc droit

Depuis lors, Mata est retourné en sélection. Contre le Lesotho et en Afrique du Sud. Sans appréhension, lui qui est accompagné d’autres  » Belgicains « , comme Dolly Menga ou Igor Vetokele. Il ne lui restait plus qu’à briller en Belgique.  » Je savais que ça ne serait pas facile. J’arrivais de D2 et il fallait que je m’adapte au club et au rythme.  » A cela s’ajoute l’histoire d’un match entre amis joué avec le maillot du Standard, ce que les supporters carolos n’ont pas apprécié, et la découverte de la vie d’adulte.  » Au début, j’ai eu du mal à vivre seul. Il fallait que je me mette en tête qu’il n’y avait plus papa ni maman pour faire certaines choses. Il faut se débrouiller seul. Ça fait grandir !  »

Finalement, il aura fallu attendre un soir de début novembre pour le voir commencer pour le Sporting de Charleroi.  » Il a dû digérer la D1 et les entraînements « , confirme l’entraîneur des Zèbres, Felice Mazzu,  » mais il s’est toujours accroché et j’ai failli l’aligner plus tôt. Si je ne l’ai pas fait, c’est principalement à cause de… ses sélections. Il ne revenait de ses périples avec l’équipe nationale souvent que le jour du match. C’était trop court et trop risqué de l’aligner.  »

Peu importe, le garçon sait patienter.  » Ma carrière a montré que j’avais la bougeotte puisque j’ai changé de clubs à plusieurs reprises passant de Battice à Eupen, de Rechain à Elsaute car je voulais chaque fois aller plus haut. Mais je sais aussi attendre mon tour.  »

Le premier tournant, il l’a donc pris à Eupen, il y a trois ans. Après les U19, il est incorporé en janvier en équipe première. Cette année-là, le club germanophone lutte avec… Charleroi pour la montée en D1. Il fait la connaissance de Danijel Milicevic et d’Enes Saglik.  » Ce sont mes meilleurs souvenirs d’Eupen.  » L’arrivée d’Aspire va donner un autre accent à Eupen.  » Ils sont venus avec leurs joueurs qu’il fallait d’abord mettre en valeur et leur politique espagnole. Ceci dit, ils arrivaient avec un projet solide qui a sauvé le club de la faillite.  » Clinton Mata a la nostalgie des premiers mois mais il grandit dans la partie germanophone du pays. La saison dernière est celle de l’éclosion. Son nom court sur toutes les lèvres des scouts de D1. Et Charleroi coiffe tout le monde (notamment Zulte Waregem) au poteau.  » J’ai opté pour Charleroi parce qu’ils ont une bonne politique et qu’ils donnent une chance aux jeunes. Je ne voulais pas brûler les étapes, je préfère découvrir la D1 pas à pas.  »

Et voilà comment quelques mois plus tard, il a franchi le fossé entre D2 et D1, un soir de novembre, face à un ténor de notre compétition.  » Bruges ou Courtrai, ça ne changeait rien pour moi. Je voulais simplement profiter de ma première titularisation. Dès que j’ai su que j’allais commencer, j’ai envoyé un SMS à ma famille. Mon père et mes trois frères ont rappliqué pour venir me voir.  »

Ce dimanche-là, sa carrière a peut-être pris son envol. Reste alors juste à lui définir une position, lui qui oscille entre back droit et ailier droit.  » Je suis un joueur qui aime dribbler et qui est rapide. A Eupen, on me faisait jouer back car on aimait que je vienne de derrière mais j’ai plus de réflexes offensifs.  »  » Il travaille beaucoup dans le couloir « , ajoute Mazzu,  » il défend et peut contrer son adversaire direct. Il a un énorme volume de jeu et beaucoup d’abattage. Il est dur dans les duels et a une puissance qui lui permet de déborder et de centrer. Il doit simplement progresser au niveau tactique.  » Il y a donc du Daniel Alves dans ce Clinton Mata. En tout cas, il a déjà une qualité en plus qu’Alves : un nom qui sonne mieux !

PAR STÉPHANE VANDE VELDE – PHOTO: BELGAIMAGE

 » Bruges ou Courtrai pour débuter, ça ne changeait rien pour moi.  »

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