« OWEN, C’EST UN PEU STOICA »

Pierre Danvoye
Pierre Danvoye Pierre Danvoye est journaliste pour Sport/Foot Magazine.

Georges Heylens est notre consultant pour les coupes d’Europe.

La finale de Dortmund restera dans l’histoire. Liverpool et Alavés se sont disputé la Coupe de l’UEFA en mettant l’accent sur le spectacle. Il est simplement dommage que la décision soit tombée sur un « own-golden goal » de Geli, à la 118e minute.

Georges Heylens: C’est le style de match que tout le monde adore. Les deux équipes ont prouvé qu’on pouvait viser jusqu’au bout la victoire dans un match de très haute importance tout en privilégiant l’offensive. Il y avait une ambiance extraordinaire dans les tribunes, malgré les supporters anglais. Ils n’ont pas eu envie de semer le trouble parce qu’il y avait du spectacle sur la pelouse. Oui, la qualité du jeu a une influence sur le comportement des supporters violents. Un non-match déclenche des frustrations et des incidents. Je pense que les supporters de Liverpool seraient aussi restés raisonnables en cas de défaite de leur équipe, parce qu’ils s’étaient beaucoup amusés. Ce match m’a consolé de certaines rencontres vues récemment en Ligue des Champions, où les entraîneurs pensaient d’abord à tout fermer derrière.

Dans quelle mesure les exclusions de deux joueurs d’Alavés, dans les prolongations, ont-elles influencé le résultat?

Je ne pense pas qu’elles aient eu une influence prépondérante. Je me pose seulement des questions quant à l’arbitrage de Gilles Veissière. Il a été beaucoup plus tolérant avec les Anglais qu’avec les Espagnols. Est-ce dû au fait qu’il y avait un entraîneur français sur le banc de Liverpool? Presque toutes les cartes jaunes ont été distribuées aux Espagnols, alors que j’ai aussi vu des fautes pas très jolies du côté anglais. Le but victorieux a été marqué sur le coup franc qui a engendré l’exclusion de Karmona. Cette exclusion n’a pas provoqué directement le goal. Geli a simplement été pénalisé par son état de fatigue. On voit qu’il se détend à fond, mais il ne saute pas très haut: il était cuit! Tous les joueurs se sont donnés à 150% et on ne peut pas tenir ce rythme-là pendant deux heures.

On n’a pas compris le remplacement de Javi Moreno, qui venait de marquer deux buts.

Je ne l’ai pas compris non plus. Quand un attaquant est parfaitement bien dans le match, il faut le laisser sur la pelouse.

Cette finale pourrait inspirer Valence et le Bayern pour le choc de ce mercredi…

Absolument! Tout le monde doit comprendre qu’il est possible de gagner des matches au sommet en jouant haut, et en privilégiant un football fait de vitesse et d’appels de balle. La finale de la Coupe de l’UEFA, c’était carrément du football-champagne. Parce que les deux entraîneurs avaient décidé de jouer le jeu. Gérard Houllier prône généralement un football très organisé défensivement, mais la semaine dernière, il a laissé aller et cela a plu à tout le monde: joueurs et spectateurs. Les joueurs de Liverpool avaient déjà dépensé énormément d’énergie quelques jours plus tôt en finale de la Coupe d’Angleterre, mais cela ne s’est pas vu à Dortmund. Quand on s’amuse sur un terrain, on trouve plus facilement les ressources physiques.

Après un quart d’heure, une victoire facile semblait promise aux Anglais.

Ils ont sans doute cru que plus rien ne pouvait leur arriver quand ils menaient 2-0. Cela s’est vu sur le coup franc de Javi Moreno. Les joueurs de Liverpool qui étaient dans le mur ont sauté et ainsi permis au ballon de passer sous leurs pieds. C’est inadmissible à ce niveau. Les joueurs qui se trouvent dans un mur doivent se mettre sur la pointe des pieds ou s’élever d’une petite dizaine de centimètres au maximum, au moment de la frappe. Il y a des règles immuables à respecter quand on construit un mur: les plus grands au milieu, et ne pas bouger, que ce soit verticalement ou horizontalement. Des Anglais parfaitement concentrés n’auraient pas commis cette erreur.

Le gardien de Liverpool ne semblait pas très sûr de lui.

Westerveld n’a effectivement pas joué à son niveau habituel. Houllier dit de lui que c’est un des meilleurs gardiens du championnat d’Angleterre. Il est très régulier mais il est un peu passé à côté de sa finale. Sur les neuf buts marqués dans ce match, il y en a quelques-uns sur lesquels les deux gardiens étaient responsables.

Par contre, on a vu un tout bon Owen.

On connaît ce joueur, capable du meilleur comme du pire. Mais, plus on avance, plus il multiplie les grands matches. On a eu une nouvelle preuve de lucidité sur le but de Gerrard. Là où beaucoup de joueurs auraient donné très vite la balle, Owen a attendu le meilleur moment, pour déstabiliser toute la défense espagnole. Owen est aujourd’hui presque titulaire en équipe nationale et ce n’est pas un hasard. Sa classe innée est arrivée à maturité et il est devenu une locomotive du groupe. Avant, il était un peu comme Alin Stoica: capable d’éclairs, d’envolées, puis complètement absent. Aujourd’hui, il joue à un haut niveau pendant une heure et demie. Il a mûri doucement dans un environnement qu’il connaissait bien et on voit maintenant le résultat. Stoica doit s’en inspirer et continuer à s’affirmer complètement avec Anderlecht avant de viser plus haut.

Qu’aurait-pu faire ce Liverpool en Ligue des Champions?

Il aurait sans doute atteint les quarts de finale, voire le dernier carré.

Pierre Danvoye

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire