Ouvrez les vannes

Avant la clôture du championnat, le président montois s’exprime enfin :  » On ne doit pas parler quand on n’a rien à dire « . Dont acte !

Le président de Mons veille toujours sur son club. Certes, les déclarations fracassantes du passé ont fait place à la discrétion. Mais qu’on ne s’y trompe pas : Dominique Leone est toujours aussi présent à l’Albert. A tous les matches, toutes les réunions, tous les degrés de décision. Avant l’apothéose de l’année face à Anderlecht, il revient sur les dossiers chauds qui ont émaillé la saison.

Vous vous êtes fait discret dans les medias ces derniers temps. Pourquoi ?

On ne doit pas parler quand on n’a rien à dire. C’est le club et ses joueurs qu’il faut mettre en valeur. Le rôle d’un président, c’est d’intervenir quand c’est nécessaire. Pour le reste, il y a un directeur général, monsieur Lommers, un directeur technique, monsieur Colonval et des entraîneurs.

Mais par rapport au passé, on sent une volonté de votre part de rester dans l’ombre…

Exactement. On a plus d’écoute quand on parle à petites doses que quand on intervient spontanément.

C’est une façon de tirer les leçons du passé ?

Il ne faut pas vivre de regrets. Cela fait maintenant 17 ans que je suis dans ce club, cinq ans comme président. Sport Foot Magazine avait prédit qu’on finirait à la 18e place et on sera finalement 9e. C’est la preuve qu’on a tiré des conclusions. On essaiera de faire de moins en moins d’erreurs et de travailler dans le calme et la sérénité.

Le calme et la sérénité sont deux mots nouveaux au stade Tondreau…

Oui, c’est vrai. On est monté en D1 alors que le club n’était pas structuré. On a tenu le temps qu’on a pu tenir mais certaines personnes qui s’apparentaient à des voyous avaient profité du manque d’organisation de cette période-là pour s’immiscer dans ce club. Désormais, c’est moi qui choisis les gens en place et je m’appuie sur eux.

Il n’y a donc plus de voyous qui gravitent autour du club ?

Aujourd’hui, on essaye d’éviter les managers. On a mis en place une équipe de scouting pour détecter nous-mêmes les joueurs. On fait donc en sorte que ceux qui nous ont roulé ne nous téléphonent plus.

Lorsqu’à la trêve, la situation sportive de Mons n’était pas brillante, avez-vous pensé jeter le gant ?

J’ai été quelques fois déçu, désabusé et découragé mais de là à dire – Demain, je pars en laissant une situation catastrophique, cela n’a jamais été mon cas. Malgré tout ce qui s’est passé dans ce club, nous sommes toujours là. Nous avons même été un des premiers à recevoir notre licence. Ce club n’a pas de dettes. Si ce n’est celles vis-à-vis de l’actionnaire qui, lui, a mis de l’argent à fonds perdus, pour l’instant.

 » Tant que ce stade ne sera pas terminé, nous serons en difficulté  »

Vous confirmez donc que tout le club repose sur vos épaules…

C’est normal. On n’a toujours pas d’outils pour travailler. Mons-Anderlecht se jouera à guichets fermés mais nous n’accueillerons que 7.500 spectateurs alors qu’il y en a 18.600 lors de Bruges-Gand, par exemple. Sans loge, je vais vendre quoi à mes gens ? Pour le moment, nous n’avons que des charges et pas de recettes. Tant que ce stade ne sera pas terminé, nous serons en difficulté. Mon but est d’arriver à ce que le club se satisfasse lui-même sans que j’intervienne. Mais cela ne sera possible qu’avec des infrastructures dignes de ce nom.

Vous êtes de ceux qui disent que le public garnira le stade quand celui-ci sera terminé. Pour le moment, Mons ne tourne qu’à 3.500 spectateurs de moyenne…

Une fois le stade terminé, il y aura un certain confort. Mais il faut que le sportif suive également. En dix ans, Genk est passé de 7.000 à 23.000 spectateurs. En basket, l’Union Mons-Hainaut est passé de 1.000 à 3.000 personnes de moyenne.

Quand l’outil sera présent, le public viendra de lui-même ?

Sans problème. J’en suis persuadé. Il faut aussi nous doter d’une image. Ce club n’a pas d’histoire, pas de titres. Il faut donner du spectacle aux supporters. Aujourd’hui, on a du jeu mais il n’y a pas l’élément qui crée la fête. Mettez Johnny Hallyday dans une prairie, sans scène et sans musiciens et demandez à la sixième rangée de le voir. Je ne sais pas comment ces gens pourraient apprécier le concert. A Mons, c’est la même chose. Je ne sais pas comment les Montois sont heureux dans une tribune qui prend la pluie et le vent.

 » Je pars du principe que 90 % du groupe restera la saison prochaine  »

L’année passée, vous avez clamé haut et fort que vous aviez retenu les leçons du passé mais vous avez quand même transféré 18 joueurs en un an ?

Oui. En été, nous avons réalisé 14 transferts, dont six qui ne convenaient pas. Sur les six, on en a vendu quatre au mercato. Nous avons redressé la barre en janvier en attirant quatre nouveaux joueurs. Trois sont titulaires à part entière. Vu la précipitation avec laquelle nous avons agi, je trouve que nous avons finalement visé juste. Aucun joueur parti n’a réussi à trouver un club de D1.

Mais vous ne pouvez pas agir de la sorte chaque saison…

C’est vrai. Si je vois la qualité du deuxième tour, il ne devrait pas y avoir plus de trois arrivées.

Vous partez donc du principe que ce groupe doit être conservé ?

Bien sûr. Je veux arriver à stabiliser ce club : aboutir à deux, trois mouvements par an. Je pars du principe que 90 % du groupe restera la saison prochaine.

Mais certains joueurs ne manqueront pas d’être courtisés…

Tant mieux. Je ne suis pas ici pour m’enrichir à titre personnel. Je suis ici pour stabiliser mon groupe et mon club. Si un joueur et le club reçoivent une proposition intéressante, on se mettra autour de la table et on étudiera les conséquences sportives qui découleraient d’un départ. Si celles-ci peuvent être dramatiques pour le club, le joueur en question ne partira pas.

On peut s’attendre à combien de départ ?

Je ne sais pas. Personne n’a encore contacté le club. Nous allons privilégier la stabilité sportive et pas les envies individuelles de chaque élément.

Pourtant on évoque déjà les départs de Dahmane, Duarte et même celui du capitaine Berthelin ?

Je vous signale que Berthelin a toujours trois ans de contrat. Il a vécu des moments difficiles au niveau familial et il n’a pas fait un très bon premier tour. Mais quand on voit son deuxième tour, le fait qu’il nous ait suivi en D2 et qu’il soit un leader…, pour moi, il est toujours ici. Tant qu’il fait son travail et qu’il a la confiance de l’entraîneur, il n’y a aucun problème. Quant aux autres, si un transfert peut nous permettre de compenser notre déficit recette, on étudiera la proposition. Sans pour cela chercher à bouleverser le noyau.

Christophe Dessy arrive

On a également parlé de changements au sein du staff technique avant de s’orienter vers un maintien de celui-ci…

Tous les entraîneurs sont reconduits au moins pour un an. Notre volonté est de continuer à moyen ou long terme avec José Riga. Au niveau administratif, rien ne bouge. Jean-Paul Colonval a été confirmé jusqu’au mois de juin. Pour la suite, on devra se voir dans les prochains jours pour parler de notre collaboration. Au niveau des jeunes, Christophe Dessy prend la responsabilité du centre de formation. Son but est de mettre en place la formation et la post-formation.

Mais s’oriente-t-on vers un départ de Jean-Paul Colonval ?

C’est quelqu’un qui nous a apporté son expérience durant deux années et que j’apprécie énormément mais tenant compte du fait que nous engageons quelqu’un pour le centre de formation, il y aura certainement d’autres missions ou une fonction à revoir dans l’organigramme. Je dois encore réfléchir sur ce point-là.

Revenons à la saison écoulée : vous vous félicitez d’avoir conservé José Riga alors que vous avez plutôt l’image d’un président flingueur…

C’est vous qui dites cela. Moi, je suis patron d’une entreprise. Quand les gens font leur boulot, on leur fait confiance. L’inverse est aussi vrai. S’il y a bien eu un supporter de Riga dans le club, c’était bien moi. Jamais je n’ai pensé m’en séparer. Mais à un certain moment, quand vous ne prenez que 5 points sur 39, que faut-il décider ?

L’idée de limoger Riga vous a donc effleuré ?

( Il acquiesce). On s’est dit qu’il valait mieux attendre et on a attendu.

Et qu’est-ce qui vous a poussé à attendre des jours meilleurs ?

Je pense que José Riga m’a toujours montré qu’il travaillait avec beaucoup de sérieux et d’honnêteté. Si j’avais encore comme entraîneur les individus que j’ai eus dans le passé, la décision serait tombée bien plus vite ! Mais Riga arrive à l’heure, part le dernier, a un bon esprit dans le groupe, parle avec ses joueurs avec beaucoup d’intelligence. Le seul reproche que je pouvais lui faire concernait les points obtenus.

La victoire contre Bruges fut-elle prépondérante ?

C’est ce que tout le monde a raconté mais dans ma tête, ce n’était pas le cas. Je l’aurais gardé.

Jusqu’au bout de la saison ?

Je pense.

 » On sait très bien ce que m’a coûté la montée  »

Il y a un an, vous regrettiez le peu de soutien des présidents de D1 quand Mons était descendu en D2 ? Vous sentez-vous toujours à l’écart ?

Pas du tout. Mais je pense que tous les clubs prient pour leur chapelle. Il n’y a que l’avenir de mon club qui m’intéresse. Maintenant, à la Ligue Pro, je compte apporter les idées qui me viennent de mon expérience professionnelle de dirigeant d’entreprise.

Lesquelles ?

Si j’agissais dans mes entreprises comme l’Union Belge le fait à Bruxelles, je serais en faillite. Elle veut recomposer le championnat mais je ne pense pas que cela soit une bonne solution. Un : Il faut obliger les clubs qui montent à avoir un stade digne de la D1. Cela pousserait les régions et les villes à se poser des questions et à investir dans leurs clubs. Deux : il faut soutenir la formation. Trois : Il faut obtenir des droits télévisés plus importants.

Mais Mons, au moment de sa première montée en D1, ne répondait pas au premier critère…

Exact. On sait très bien ce que cette montée m’a coûté.

Mais qui peut encore monter ?

Il faut que les régions et les politiques qui veulent un club en D1 portent ce projet. Namur n’est-elle pas une ville qui mériterait un club en D1 ? Mais elle ne pourra jamais y arriver sans une volonté politique.

Vous parlez beaucoup d’aide politique. Les affaires à Charleroi ne risquent-elles pas de décourager le politique ?

Le politique a une obligation vis-à-vis de sa population. Celle de mettre à disposition des outils et des infrastructures dignes de ses besoins. On ne leur demande pas de faire des magouilles ! Regardez les avantages que peut tirer une ville de la présence d’un stade : le football est le plus beau sport du monde. Il apporte une certaine attractivité économique à une région et à une ville car on en parle beaucoup dans les médias. Et puis, il y a un rôle social qu’on ne doit plus démontrer.

 » On sait maintenant ce qu’on doit penser de Charleroi  »

Vous avez évoqué la formation…

Le temps viendra où on saura s’atteler à ce grand projet. Pour le moment, on est encore trop court au niveau des terrains et des infrastructures.

Ce n’est donc pas encore à l’ordre du jour ?

Non, car on ne sait pas faire 36 choses à la fois. Aujourd’hui, ma priorité c’est de terminer mon stade.

Et ce d’autant plus que tous vos jeunes filent vers Charleroi…

Le papa de Romain Dutrieux est venu nous trouver. Il a été honnête. Il a la chance de pouvoir jouer à Charleroi et on le laissera partir librement. Par contre, les cas de Baptiste Ulens et Filippo Porco sont différents. Porco est ici depuis 9 ans et nous lui avons donné un contrat pour aider la famille durant ses études. Ulens, c’est encore pire. Nous sommes nous-même allés trouver son école pour qu’il puisse venir aux entraînements en périodes alternées. La famille savait qu’on comptait sur eux pour l’avenir. Ils ont simplement été séduits par les sirènes des managers et de Charleroi. Nous appliquerons notre droit car un contrat avec option existe. Ils ne partiront donc pas si facilement que cela.

On sent depuis quelques mois un contentieux avec Charleroi…

Charleroi gère son club comme bon lui semble. Dans cette affaire, il ne nous a pas téléphoné et a agi dans notre dos. On sait donc ce qu’on doit penser de Charleroi. Ce sont des comportements qu’on ne peut pas cautionner et on en tirera des conclusions. Cependant, je ne suis pas ici pour faire de polémiques. Charleroi reste pour nous un concurrent parmi d’autres.

Lors de la remontée en D1, Mons voulait se donner une image régionale. Finalement, vous avez préféré opter pour le filon français…

Nous avons notamment contacté Jonathan Walasiak, qui a préféré partir à Metz. Les exigences financières des joueurs belges étaient trop importantes pour Mons. Tout club qui peut avoir des Belges dans son noyau ne demande pas mieux. En engageant Christophe Dessy, on pose un geste fort. Cependant, il faut chercher le meilleur rapport qualité/prix.

Pourtant le supporter parle toujours de la période Gorniak/Berquemanne/Roussel…

Le supporter doit rester réaliste. Nous sommes en D1 ! Regardez La Gantoise, Anderlecht, Charleroi : combien de Belges dans ces équipes-là ?

Le budget sera-t-il revu à la hausse ?

Non. Il sera toujours de 5,5 millions d’euros. On peut avoir des ambitions mais il n’y aura pas de folies.

Pour conclure, quels sont les joueurs qui vous ont séduit cette saison ?

Le groupe dans son ensemble. Les renforts du mercato ont été prépondérants : Nicaise, Duarte et Stolica. En début de saison, je ne croyais pas beaucoup en un garçon comme Dalmat mais il ne fait que monter en puissance et quand il est lancé, c’est un TGV. Wamberto, qui a joué très peu, et Rabesandratana, qui a rendu de précieux services, ont apporté un très bon esprit dans le vestiaire. Wiggers a également un parcours extraordinaire. Il a mouillé son maillot au premier tour.

par stéphane vande velde – photos: reporters/mossiat

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