Ours bipolaire

L’homme fort du Beerschot n’est pas à un excès près. Passionné, fourmillant de mille idées, il veut sans conteste le bien de son club mais agit parfois maladroitement, impulsivement. Portrait.

Tout le monde s’accorde à le dire. En dépit des dérapages verbaux de ses supporters qui ternissent régulièrement son image, le Beerschot n’est pas à sa place dans le fond du classement de la Pro League. Et le serait a fortiori encore moins en D2. Ne fût-ce que par son histoire, son potentiel public (8.286 spectateurs en moyenne) ou la qualité intrinsèque des joueurs qui composent son noyau, le prestigieux club anversois devrait logiquement viser une place dans le ventre mou du classement de la D1. Voire mieux. Reste qu’à l’heure actuelle, il navigue en eaux plus que troubles.

Forcément, dans ce mic-mac incroyable, où les entraîneurs et les joueurs (8 départs pour 7 arrivées cet hiver) continuent de valser comme les feuilles mortes, tout le monde cherche un coupable à ce mal-être permanent teinté de tracas financiers récurrents (arriérés de salaire, problèmes de licence, dettes non payées…). En première ligne de mire, il y a évidemment le président PatrickVanoppen. Personnage assez atypique dans le milieu, sorte d’AbbasBayat – en moins borné quand même – du Beerschot, cet entrepreneur en bâtiment originaire de Louvain était entré dans le conseil d’administration du GBA voici cinq ans avec pour idée première d’aider le club à construire la nouvelle enceinte flambant neuve de 20 à 25.000 places dont le club a clairement besoin pour grandir. Aujourd’hui âgé de 56 ans, il avait ensuite été éjecté comme un malpropre du conseil d’administration pour divergences de vue avec les hommes forts du club mais avait réussi à prendre la présidence en février 2011, au terme d’un putsch savamment préparé au détriment de JosVerhaegen et RenéSnelders. D’après lui, il aurait déboursé 6,3 millions d’euros pour parvenir à ses fins, aurait depuis lors apuré une grosse partie des dettes (notamment en revendant quelques joueurs au prix fort) qu’il estime à +/- 7 millions d’euros avant de découvrir certains cadavres dans les placards sous forme de dettes qui plombent quelque peu ses envies de grandeur.

Souhaitant tout diriger lui-même ( » le Beerschot, c’est un peu  » me, myself and I  » « , a-t-il ainsi dit un jour), Vanoppen est, d’après ceux qui le côtoient au quotidien, un homme passionné et passionnant, mais aussi coutumier de prises de bec virulentes sans toutefois se montrer rancunier vis-à-vis de ses détracteurs. Il agit ainsi avec tout le monde : la presse, bien sûr, mais aussi les joueurs ou surtout ses collaborateurs, qui ont parfois un peu de mal à le suivre dans ses sautes d’humeur et/ou délires (lire ci-contre). En véritable entrepreneur, il espérait vraisemblablement se faire de l’argent au Beerschot mais n’y est pas (encore ?) parvenu. Le dossier du stade est encore au point mort puisqu’il refuse obstinément de se plier au souhait de la Ville, qui serait prête à débloquer 50 millions pour une nouvelle enceinte ultra-moderne à la condition expresse que celle-ci soit partagée entre le Beerschot et l’Antwerp.  » Il est hors de question d’envisager pareille issue « , s’emporte-t-il fréquemment. Si cela ne bouge pas avec la nouvelle majorité, il pourrait même envisager d’… entrer en politique pour briguer le poste de bourgmestre. Aveuglé par son enthousiasme, Patrick Vanoppen eut sans doute aussi le tort de penser que tout allait rouler pour lui dans une ville riche comme l’est Anvers.

Trente salariés virés

 » Le problème , constate WimVos, journaliste à la GazetvanAntwerpen, c’est que cela fait de nombreuses années que les sponsors s’investissent peu dans les deux clubs rivaux de la Ville, l’Antwerp et le Beerschot. Pourquoi ? On n’en sait trop rien ! Lui qui espérait être davantage soutenu tout en gardant la main sur les décisions stratégiques a dû, comme Verhaegen avant lui, se rendre à l’évidence : même si Anvers se doit d’avoir une équipe dans le top 5 du championnat belge, les sponsors locaux mordent peu à l’hameçon. S’il est effectivement riche, Vanoppen ne l’est sans doute pas autant que son prédécesseur ni assez pour supporter les charges tout seul. Mais il continue de se démener pour aider le club à grandir, parfois assez maladroitement.  »

Finalement assez jeune dans ce milieu de requins, ne disposant pas (encore ?) des réseaux adéquats pour lui ouvrir les bonnes portes, Patrick Vanoppen souhaitait dans un premier temps limiter le nombre de décideurs pour (ré)agir plus vite en cas de crise. Ceci explique sans doute que, ces derniers temps, les changements ont été nombreux. Il a cautionné le retour de JackyMathijssen, viré quelques mois plus tôt pour… mauvais résultats, il a fait le ménage au sein de son staff (près d’une trentaine de salariés ont été remerciés et le départ de ChrisvanPuyvelde n’a pas été comblé) et de son noyau avec pour conséquences majeures une absence de ligne directrice claire qui se traduit au classement par des résultats désastreux. A l’heure actuelle, c’est bel et bien un sentiment de panique qui semble agiter le club à tous les étages. Financièrement, le Beerschot reste plus que jamais aux abois et a parfois manqué à ses devoirs en termes salariaux. On n’ose imaginer ce qui se produirait en cas de descente en D2.  » M. Vanoppen est un beau parleur mais on a entendu beaucoup de rumeurs de soucis financiers « , constate GuillaumeFrançois, qui a émigré vers Charleroi cet hiver.  » Ceci dit, j’ai été payé jusqu’au bout, mais régulièrement avec un peu de retard.  » Arrivé cet hiver en provenance de Mons, MaëlLépicier est effectivement tombé sous le charme du président.  » Comme les dirigeants montois tardaient à me proposer une prolongation, je n’ai guère hésité « , explique le défenseur congolais.  » Il m’appelait plusieurs fois par jour, pour me convaincre que le club me voulait absolument. Cela a joué, bien sûr.  »

Toujours en quête de nouveaux défis, parfois loufoques, Patrick Vanoppen apparaît en tout cas comme un président entier, en phase d’apprentissage,  » mais qui doit davantage écouter les autres et déléguer « , nous glisse un manager qui a l’habitude de travailler avec lui.

PAR VINCENT JOSEPHY – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Le Beerschot, c’est un peu me, myself and I. « 

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